La Cedeao et la dimension régionale dans la résolution de la crise malienne

Cet article est le résumé d’une conférence donnée par le général (2S) Loeuillet à Sciences Po Aix samedi 26 janvier 2013. Saint-Cyrien, François Loeuillet a effectué l’essentiel de sa carrière au sein des troupes de Marine outre-mer et à l’étranger. Il a participé à de nombreuses OPEX (Liban, Tchad, Kosovo notamment)  et postes de coopération ou de conseil (Burundi). De 2010 à 2012, il est ainsi conseiller militaire auprès du commissaire en charge des Affaires politiques, Paix et Sécurité à la CEDEAO à Abuja (Nigeria). Il est aujourd’hui expert dans le domaine de la sécurité, notamment pour le continent africain.

Le général Loeuillet commence par rappeler qu’Abuja est une capitale fédérale qui a remplacé Lagos (demeurée capitale économique) avec l’espoir d’un meilleur équilibre entre un Sud riche et chrétien et un nord plus pauvre et musulman pour faire simple. Il a ensuite fait remarquer que le poids démographique du Nigeria (150 millions d’habitants environ) sur un total de 260 millions pour toute la CEDAO) explique qu’Abuja accueille le siège de l’organisation régionale de l’Afrique de l’ouest. Créée en 1975, la CEDAO regroupe 15 Etats aujourd’hui avec de réelles avancées vers la démocratie et les synergies économiques puisque l’un des buts revendiqués est de créer un espace économique avec une monnaie commune. La libre circulation existe déjà et représente une exception à l’échelle du continent. On circule sans visa dans la CEDEAO à cheval sur trois mondes issu de la colonisation (anglophone, francophone et lusophone), alors qu’il en faut pour passer d’un Etat francophone à un autre voisin souvent (ex : Cameroun-Gabon). Voir le diaporamaPrésentation 260113

Au sein de la CEDEAO, les deux dominantes sont les groupes anglophone et francophone avec un attachement très fort à ces éléments historiques et culturels. La CEDEAO est actuellement dirigée par Alassane Ouattara, président de Côte d’Ivoire qui relance son pays. Après la longue crise ivoirienne des années 2000, le pays décolle à nouveau économiquement grâce aux financements internationaux et une meilleure gouvernance du président (économiste lui-même). La CEDEAO fonctionne elle aussi grâce aux financements internationaux et elle a repris des structures assez proches de celles de l’Union Européenne. Elle est principalement soutenue par le groupe P3+ (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et groupes des puissances : Allemagne, Espagne, Canada, Japon,…). La contribution de l’UE pour un plan triennal est de 600 millions d’euros. Le général Loeuillet fait remarquer que, parmi les contributeurs à l’aide au développement significatif, l’Allemagne donne en priorité à l’Afrique francophone (et notamment au sein de la CEDEAO), montrant les convergences politiques entre nos deux pays au-delà du refus d’engager des hommes à nos côtés au Mali ou des relations interpersonnelles plus ou moins faciles (A. Merkel-F. Hollande).

Cette aide internationale doit être mise en lien avec les liens culturels. Elle permet à la France de demeurer un partenaire privilégié par les Etats de la CEDEAO, y compris le Nigeria anglophone (gros intérêts de Total notamment). Ces liens privilégiés participent au poids de la parole française à l’ONU car les Etats de la région suivent souvent les positions adoptées par Paris. Dans le cadre de la réforme du conseil de sécurité, l’un des enjeux est l’éventuel siège permanent attribué à un Etat africain. Deux candidats se dégagent : l’Afrique du sud et le Nigeria. Il n’est pas étonnant que Nicolas Sarkozy ait indiqué, quand il était président de la République, de sa préférence pour le Nigeria.

Sur le plan militaire, l’UA a demandé à toutes les associations régionales du continent de former des brigades d’intervention rapide. La CEDEAO a une force permanente, force d’attente, de 6000 hommes. Le réservoir humain existe ; les difficultés réside dans la capacité de projection et dans l’adaptation à des conditions de combat inhabituelle (désert malien par exemple). Ainsi, outre les difficultés à mobiliser en interne et sur théâtre extérieur, la logistique est l’obstacle majeur au déploiement au Mali. Ainsi, l’armée nigeriane, une des plus opérationnelle de la  région, doit combattre quelques 50 000 membres de Boko Haram dans le nord du pays et ne dispose que de trois avions de transport en état de marche.

Cette construction est cependant menacée par des éléments de déstabilisation, à commencer par la crise malienne. Pour le général Loeuillet, l’intervention française et internationale se justifie en raison du risque de déstabilisation en chaîne. La chute du Mali entre les mains des islamistes pouvait entraîner celle du Niger, notamment par les tribus touarègues largement communes aux deux pays. Ce deuxième maillon est vital pour les intérêts géostratégiques français (avec Areva). Enfin, un troisième maillon est constitué du Nigeria déjà miné de l’intérieur au nord par Boko Haram et dont le poids démographique signifierait un impact majeur.

Des éléments de déstabilisation plus structurels sont également à prendre en compte, à commencer la très importante corruption qui marque les Etats de la zone. Elle semble particulièrement marquée au Nigeria. Il y a également la dimension de route internationale des trafics avec l’état narcotrafiquant qu’ »est, à bien des égards, la Guinée-Bissau. L’un des enjeux de stabilisation est également la sécurité maritime. Il y a une vraie économie de piraterie (enlèvement contre rançon) dans le Golfe de Guinée mais n’atteint pas la dimension d’intervention étatique (règlement de la part des entreprises concernées). Cette économie de la piraterie n’est pas négligeable à l’échelle d’un Etat comme le Nigeria.

La stabilité politique est en progrès régulier. Il n’y a pas de conflit interétatique significatif dans la région depuis plusieurs dizaines d’années. A part en Guinée-Bissau, les armées sont globalement légalistes et facilitent la marche vers des processus démocratiques apaisés (élections au Sénégal et défaite acceptée d’A. Wade au Sénégal par exemple).  Le cas particulier de la Guinée-Bissau explique la mobilisation de forces de la CEDEAO et un plan d’aide de 60 millions de dollars, notamment pour assurer la mise à l’écart progressive de hautes personnalités associées aux trafics de drogues en lien avec les cartels sud-américains.

Pour conclure, le général Loeuillet tient donc à insister sur les progrès effectués en Afrique de l’Ouest dans ce cadre d’association régional en terme de gouvernance. Il tient également à rappeler qu’il s’agit d’un front à ne pas négliger pour l’Europe avec les enjeux de développement économique (question liée aux flux migratoires) et de sécurité (lutte contre le trafic de drogue à destination de l’Europe et question du djihadisme).

1 commentaire

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