Nous avons assisté ces derniers mois à une séquence sur la défense extrêmement intéressante. Le 11 janvier, la France intervient militairement au Mali sur décision politique. En quelques semaines, les armées font preuve d’un savoir-faire remarquable et remarqué. Toute la gamme des missions sont exécutées : projections, combats aéroterrestres, appuis-feux avions et hélicoptères, largages de parachutistes, posés d’assaut de nuit sur des terrains à peine praticables, combats en zone extrême sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres, coopération avec des pays amis (Tchad), intégration du renseignement de pays alliés (Etats-Unis et Grande-Bretagne), le tout loin de la métropole avec des problèmes logistiques difficiles mais surmontés.
Cette séquence s’est déroulée précisément à un moment où les discussions budgétaires débutaient, avec en filigrane, une réduction attendue du budget de la Défense. Deux hypothèses s’entrechoquaient. Une, défendue par Bercy (hypothèse Z) faisait descendre la part de la défense à 1, 16 % du PIB. C’est-à-dire une remise en question fondamentale de programmes, de capacités et une remise en cause de notre outil industriel de Défense. L’autre, soutenue par le ministère de la Défense et toute la communauté militaire (hypothèse Y) consistait à maintenir le volume actuel (autour de 31 milliards d’euros), c’est-à-dire 1,56 % du PIB.
La prise de conscience politique de la valeur de l’outil militaire mais surtout du rôle que ce dernier peut prendre dans l’expression d’un pouvoir diplomatique donc de la place et du poids de la France a abouti, dans les derniers arbitrages, au maintien de l’effort militaire sur les niveaux actuels.
L’horizon est-il pour autant dégagé ? En effet, si les crédits actuels sont maintenus, il ne faut pas oublier qu’il manque au bas mot cinq milliards d’euros sur la planification de la dernière Loi de Programmation Militaire (2008/2013). A budget constant, les années budgétaires se verront rogner, comme les retraites, d’au moins un milliard par an. Des efforts, malgré tout, seront donc encore à faire.
Mais lesquels ? La Défense vient de sortir d’une profonde réforme qui, dans le cadre de la RGPP de la dernière majorité, a fait fondre les armées de plus de 54 000 postes, dissoudre des dizaines de régiments, restructurer profondément l’organisation administrative avec l’apparition des Bases de Défense etc.….
En outre, l’opération SERVAL a montré, en dépit de son succès, des lacunes capacitaires qui perdurent depuis la dernière LPM. Dans un contexte financier et économique encore plus dur, elles ne seront sans doute pas comblées ou à enveloppe constante, nécessiteront des choix (drones armés ou pas, ravitailleurs, transport aérien etc.). Quels efforts pourraient être consentis ? Efforts sans doute arrêtés après l’apparition du Livre blanc et les discussions budgétaires de cet été.
Essayons d’en dégager quelques pistes : la vente des parts de l’Etat dans les industries de Défense dégageant ainsi un milliard par an, la poursuite de la rationalisation de l’administration militaire vers une plus grande simplification de la carte administrative avec une réduction du nombre de Bases de Défense, les inévitables baisses de cible des principaux programmes (Rafale, frégate FREMM) , l’étalement de ces mêmes programmes etc.
Pour autant, la politique militaire de la France s’enfonce dans un inexorable déclin au moment même où les tensions internationales augmentent et où les pays émergents accroissent très sensiblement leur effort de Défense. Prenons date de la parution du Livre blanc. Il sera alors temps d’en analyser froidement ses conséquences et voir quel outil de défense pour quelle diplomatie, le pouvoir politique a arrêté ses ambitions.
Général Jacques Maïsetti, intervenant dans le Master II
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Tags:budget de la Défense, Livre Blanc, Loi de Programmation militaire, Mali, Serval
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