Enceinte de discussions informelles, le Forum 5+5 est créé en 1990 mais rapidement suspendu en raison des tensions liées à la Guerre du Golfe. Il renaît en 2001. Cette coopération en Méditerranée occidentale offre un espace de partenariat équilibré entre Etats européens (Portugal, Espagne, France, Italie et Malte) et maghrébins (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye). Au départ, c’était un dialogue "5+4", Malte n’en faisant pas partie. Elle rejoint le groupe avec son entrée dans l’UE en 2004. L’institution européenne n’est pas non plus impliquée dans ce dialogue. Mais le premier "sommet" « 5+5 » à Tunis est marqué par la présence du président de la Commission européenne aux côtés de ses pairs de la Méditerranée occidentale. Il s’agit alors, il est vrai, de Romano Prodi. Il avait été auparavant l’un des artisans de ce dialogue comme chef de gouvernement italien.
Sans instance permanente, le Forum 5+5 fonctionne avec une présidence tournante entre ses membres. Cet outil très flexible connaît notamment un grand succès dans le domaine militaire. En 2004, les ministres de la Défense des 10 pays font une déclaration commune et propose des initiatives concrètes pour répondre aux besoins réels des pays concernés dans le domaine de la sécurité. Après la paralysie dans les Etats concernés par les événements des printemps arabes, le forum 5 + 5 a été réactivé puisqu’il s’est tenu à La Valette au début du mois d’octobre 2012. Le président tunisien Marzouki a alors indiqué quelques éléments de continuités et d’inflexions dans la nouvelle ère qui s’ouvre : « Le 5+5 est un modèle de coopération et complémentarité, ces valeurs peuvent aider à surmonter les problèmes des deux sous-régions », a-t-il estimé. Selon lui, « ce dialogue devrait aider à affronter des défis comme le terrorisme, le crime transfrontalier, le trafic d’armes qui imposent de changer de mentalités ». Il a souligné que le forum euro-méditerranéen 5+5 permet aussi « un dialogue entre civilisations ».
Ainsi, les formes de partenariat entrepris en 2004 devrait continuer à montrer l’exemple d’un dialogue sur des questions sensibles entre les deux rives de la Méditerranée, y compris avec des gouvernements islamistes au pouvoir. Sur le plan pratique, les coopérations militaires se font autour de quatre grands thèmes : la surveillance et la sécurité maritime, la sûreté aérienne, la contribution à la protection civile et dans le domaine de la formation et de la recherche. On peut, par ailleurs, remarquer que la grande activité d’activités militaires conjointes (une quarantaine depuis 2008-2009) a été lancée à l’initiative du couple franco-algérien, alors qu’on décrit souvent les rapports tendus entre les deux Etats.
Systématiquement, les activités en question fonctionnent sur le principe du consensus et de la parité. Les travaux se font sur l’espace stratégique resserré et commun aux 10 membres sans élément de politisation. Chaque année, en décembre, les ministres de la Défense se réunissent pour valider le plan d’action pour l’année qui suit. Le suivi est assuré par un comité directeur qui se réunit en mars et en novembre. Mais la véritable coordination se fait par des contacts quasi-quotidiens ; pour la France, ils se font au niveau de l’Etat-Major des Armées (EMA). Les activités planifiées chaque année peuvent concerner des exercices (notamment maritimes), mobiliser de groupe d’experts ou se traduire par des séminaires communs. Ils sont souvent en phase avec les défis communs aux membres, comme les trafics en méditerranée ou la crise sahélienne. Par exemple, les 12 et 13 octobre 2010, l’Algérie organisait un exercice baptisé Circaet. Il s’agissait de simuler une menace dans l’espace de la Méditerranée occidentale. Les différents pays devaient faire décoller sur alerte leurs avions de chasse pour intercepter les renegade qui survolaient leur territoire[1]. Il a été reconduit les années suivantes.
Les propositions françaises sont conçues par le Centre de Planification et de Conduite des Opérations (CPCO). La Libye est actuellement porteuse d’un projet de centre de formation au déminage humanitaire et pour l’élimination des restes de guerre en lien avec ses préoccupations nationales après les opérations militaires qui ont conduit à la chute du colonel Kadhafi. La Tunisie souhaite, pour sa part, voir se développer un Centre Euro-Maghrébin de Recherche et d’Etudes Stratégiques (CEMRES). Ce think tank commun gommerait les approches culturelles dans la perception des enjeux stratégiques. L’Italie travaille essentiellement sur les systèmes d’échanges d’informations dans le domaine maritime. L’Algérie et l’Espagne souhaitent concrétiser la mise en place d’un réseau de points de contacts en cas de catastrophe majeure dans l’espace de la Méditerranée occidentale. Malheureusement, ce dernier projet avance peu[2].
L’une des initiatives les plus positives a été la mise en place d’un Collège « 5+5 Défense », dans le domaine de la formation. Initié en décembre 2005, le projet du Collège « 5+5 Défense » a été officiellement agréé et lancé lors de la réunion annuelle des ministres de la défense des pays partenaires de l’Initiative « 5+5 Défense », le 10 décembre 2007 à Cagliari. A l’heure actuelle, il comporte 3 niveaux : senior, intermédiaire et junior (lieutenants et jeunes capitaines) auxquels viennent s’ajouter des formations particulières. Le collège « 5+5 Défense » comprend un comité pédagogique, composé de représentants des ministres de la Défense des Etats membres. Il est chargé de la coordination entre les Etats membres ; il se réunit une fois par an en France et propose au comité directeur les méthodes et les grands axes de travail du comité pédagogique ainsi que l’organisation et la planification des activités du collège[3]. A ce jour, 26 modules de travail (7 à l’échelon sénior, 11 à l’échelle intermédiaire et 7 pour le niveau initial) ont permis de former 300 auditeurs[4].
Ainsi, les relations sécuritaires et militaires de part et d’autre de la Méditerranée occidentale ne doivent pas être systématiquement perçues comme tendues ou frontales. Les rapprochements réussis des 10 Etats membres du Forum 5+5 est d’ailleurs regardé très positivement. Cette initiative réussie, surtout si on la juge en comparaison du processus euroméditerranéen (Processus de Barcelone puis UpM), pourrait être rejointe par d’autres Etats. Avant les « printemps arabes », l’Egypte et la Belgique avaient ainsi manifesté leur désir de rejoindre le forum. La Belgique avait ainsi sondé les pays membres arguant du fait qu’elle peut être considérée comme un pays proche car une partie de sa population est méditerranéenne (Italiens et Maghrébins). Pour l’Egypte, la question en suspens aujourd’hui tient essentiellement à l’attitude diplomatique que souhaitent adopter les Frères musulmans au pouvoir. Rappelons par exemple le discours de Mohamed Morsi de condamnation de l’intervention française au Mali.
[1] http://www.defense.gouv.fr/actualites/international/les-5-ans-du-lancement-de-l-initiative-5-5-defense
[2] Le point sur ces différents projets a été donné par Gilles Bellamy et Benoît de La Ruelle lors de leur conférence aux « Entretiens d’Euromed-IHEDN » à Marseille le 8 avril 2013.
[3] http://www.ems.defense.gouv.fr/spip.php?article84
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