Les maquis hmong dans la guerre d’Indochine

25 juin

Le 27 octobre 2011, à Dinan, le colonel Jambon s’est suicidé devant le monument aux morts des guerres d’Indochine. Par ce geste, cette « dernière cartouche », il entendait défendre ses anciens compagnons d’armes en Indochine, les Hmong.
            Depuis la fin de la guerre du Vietnam, ceux-ci vivent en effet traqués sur leurs terres par les troupes communistes qui ne leur pardonnent pas d’avoir pris les armes contre elles. Leur seule issue est l’exil, les camps de réfugiés à la frontière thaïlandaise, les villages de Guyane ou les villes américaines. Pourquoi les Hmong ont-ils choisi de combattre les communistes ? Pourquoi les caciques de Hanoi ou de Vientiane ont-ils décidé d’éliminer cette peuplade montagnarde ? Comment ces planteurs-cueilleurs de la cordillère annamitique ont-ils pu représenter une telle menace pour ces régimes ? C’est à ces questions que cherche à répondre cette étude.
            En 1945 les japonais frappent en Indochine. Tout symbole de l’autorité française sur ce territoire, civils et militaires, sont arrêtés, déportés, souvent exécutés. En Haute région, ceux qui sont parvenus à fuir, trouvent refuge parmi les populations locales qui bravent le danger des représailles nippones pour cacher, nourrir et guider les militaires français vers la frontière chinoise.
Lorsque la région s’embrase à nouveau en 1950, alors que les troupes vietminh appuyées et soutenues par la toute nouvelle république populaire de Chine déferlent dans le Nord de l’Indochine, quelques officiers se souviennent de l’aide apportée par ces quelques villages. Les lignes communistes se sont considérablement distendues, leur territoire est mal contrôlé et les populations nouvellement conquises sont moins imprégnées de la propagande vietminh. Dans ce contexte, la formation de maquis anti-communistes intéresse au plus haut point l’armée française.
Parmi les habitants de cette région, les Hmong forment un vivier très favorable à l’action de contre-insurrection. Ils connaissent bien le terrain, savent se déplacer et combattre furtivement, sont épris de liberté et supportent mal une influence étrangère à leur culture. Dès lors, tous les ingrédients sont réunis pour les regrouper au sein de maquis face aux troupes communistes. Une structure est mise en place au sein de l’armée française, le Groupement de commandos mixtes aéroportés, afin d’encadrer et d’organiser les futurs points de résistance.
 
            A partir de 1952, plusieurs maquis sont mis en place faisant intervenir dans la plupart des cas une forte proportion de Hmong. Les quatre maquis les plus importants sont Chocolat et Cardamone au Tonkin et Malo-Servan au Laos. Pour la majorité, les premiers temps sont couronnés de succès. Les troupes vietminh ou Pathet Lao sont bousculées, des villes sont conquises, les prisonniers sont nombreux. A plusieurs reprises, les maquis s’illustrent dans des opérations de soutien ou de recueil. Citons par exemple le raid du maquis Cardamone afin de détruire le pont de Lao Kay ou encore l’aide apportée par le maquis Colibri lors de l’évacuation du camp retranché de Na San. Les voies de communication vietminh sont perturbées, des troupes sont mobilisées contre les maquis. Cette situation est rapidement insupportable pour le commandement sino-vietminh qui mène plusieurs opérations de grande ampleur pour résorber la menace de la contre-insurrection. Chocolat et Colibri sont ainsi annihilés par l’action conjointe des forces vietminh et de plusieurs unités chinoises.
            Les maquis, organisation secrète, ne survivent pas à la défaite de Dien Bien Phu et à la signature des accords de Genève, en juillet 1954. Toutefois, face à l’escalade du conflit au Vietnam et ses répercussions au Laos, l’armée américaine, par le biais de la CIA, va faire renaître les maquis du Nord-Laos. Pendant 14 ans, les Hmong et leur général, Vang Pao, vont peu à peu prendre une place croissante dans l’effort de guerre laotien, jusqu’à en supporter la majeure partie. Les zones de peuplement des Hmong, que traverse la piste Ho Chi Minh, sont frappées par des bombardements très importants. En 1975, lorsque les troupes communistes déferlent sur le Laos, les combattants hmong sont exsangues, on trouve dans leurs rangs de nombreux enfants. Abandonnés par la hiérarchie militaire et par la CIA, les Hmong se trouvent seuls, traqués par leur ennemi qui entend détruire toute forme d’opposition. Ils sont désarmés, parqués tandis que les notables sont internés ou exécutés.
 
            Peu à peu les Hmong prennent le chemin de l’exil notamment vers les Etats-Unis, la Guyane ou la Thaïlande. Ceux qui ne peuvent pas fuir, se réfugient dans les coins les plus reculés des forêts laotiennes, démunis, sans accès aux soins et chassés par les troupes communistes qui n’hésitant pas employer des armes chimiques afin de mieux les détruire. Face à cette situation et malgré les rapports alarmistes de nombreuses ONG ou les reportages accablants de journalistes, les pays occidentaux gardent un silence assourdissant que le colonel Jambon entendait dénoncer.
 
Louis Malézieux-Dehon, étudiant en 4e année à Sciences Po Aix
(d’après son mémoire Les maquis hmong dans la guerre d’Indochine (1945-1954) sous la direction de Walter Bruyère-Ostells)

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