Etudes géostrategiques tient à saluer le lancement de la base de données Milindex grâce au travail de fourmis dirigé par Rémy Porte et Julie d’Andurain au CDEF. Nous reprenons ici les informations données par le premier sur http://guerres-et-conflits.over-blog.com/ :
Lancé il y a pratiquement trois ans, le projet Milindex peut désormais être mis à la disposition des étudiants, des chercheurs, des amateurs, du grand public. A titre d’exemple; interroger la base de données avec le mot-clef "Afghanistan" permet de trouver plus de 180 références qui permettent de faire le point sur le situation militaire dans ce pays entre 1878 et 2011 ! Une véritable mine de références qui va continuer à vivre, à évoluer, à être toujours plus performante. Laissons Julie d’Andurain vous la présenter :
Une collaboration CDEF, CDEM, Université
Fruit d’une collaboration de trois années entre le bureau Recherche du Centre de Doctrine d’Emploi des Forces (CDEF), le Centre de Documentation de l’Ecole militaire (CDEM) et l’Université, la base de données MILINDEX permet d’accéder aux sommaires de périodiques militaires des IIIe, IVe et Ve Républiques ainsi que certains périodiques en langue anglaise.
MILINDEX a été constitué au sein du bureau Recherche du CDEF dans le but initial d’accompagner les étudiants du Bureau dans leur découverte du fait militaire. Il s’agissait de les familiariser avec la littérature des périodiques, d’accès plus facile et plus rapide que celui des ouvrages. Au fur et à mesure de la construction de l’outil bibliographique, celui-ci est apparu comme un instrument de recherche en soi, susceptible de générer de nouvelles problématiques et par-delà de nouvelles recherches.
La base de donnée MILINDEX
MILINDEX ne donne pas accès au document lui-même. Il donne simplement la référence d’un article c’est-à-dire le nom de son auteur, le titre exact de l’article et l’ensemble des éléments scientifiques (date, tomaison, pages) qui permettent de le repérer correctement en bibliothèque. L’outil regroupe à ce jour plus de 80 000 références scientifiques d’articles peu connus et dont beaucoup sont de grande qualité. Il est ainsi possible d’établir une solide bibliographie scientifique avant d’aller consulter les documents en bibliothèque : le Centre de Documentation de l’École militaire particulièrement, mais aussi à la bibliothèque du SHD (Service Historique de la Défense à Vincennes) et à la Bnf, certaines revues étant par ailleurs numérisées sur Gallica.
Les périodiques référencés
À ce jour, près de trente revues ont été référencées, d’autres suivront. Parmi les plus importantes, vous trouverez les grandes revues d’arme de la IIIe République : la Revue d’artillerie (1872-1939), la Revue de cavalerie, la Revue d’infanterie (1887-1939), la Revue du service de l’Intendance militaire (1888-1959), la Revue militaire du génie (1887-1959) ; la Revue militaire générale (1907-1973) ; le Journal des Sciences militaires (1825-1914) ; la Revue militaire de l’étranger (1872-1899) et sa suite la Revue militaire des armées étrangères (1899-1914) ; le Spectateur militaire (1826-1914) ; la Revue des Troupes coloniales (1902-1939).
Des périodiques plus proprement historiques tels que la Revue historique des armées, la fameuse RHA, figurent également sur ce site ainsi que la Revue d’histoire de la Guerre mondiale (1923-1939), les Cahiers du Centre d’Études d’Histoire de la Défense (1996-2008), 14-18, le magazine de la Grande Guerre (2011-2012), de même quelques grandes revues intellectuelles de la IIIe République, intégralement dépouillées : Revue des Sciences Politiques (1911-1936), La Revue Politique et Parlementaire (1894-1971).
Enfin, sur des questions plus contemporaines, des périodiques en langue anglaise, plus récents ont également été référencés : Comparative Strategy, European Security ; An International Journal ; Comtemporary Security Police ; Conflict, Security & Development ; International Security ; Mediterranean Quarterly, A Journal of Global Issues ; Strategic Studies, Quarterly Journal of the Institute of Strategic Studies Islamabad, etc.
L’intérêt pour l’historien ou le chercheur en sciences humaines ?
Ces revues abordent de près ou de loin le fait militaire que ce soit par des aspects stratégiques, opératifs ou tactiques ou par l’histoire militaire proprement dite, française ou étrangère. Le mode d’accès à la base de données (par titre, par périodique, par auteur ou par année) permet d’envisager des thématiques très variées touchant aux armées comme le commandement, le recrutement, l’étude des armées étrangères (avec une recherche par pays), les questions de contre-insurrection, le mercenariat, la santé aux armées (hygiène, maladie, prophylaxie, etc), le renseignement, etc., la liste n’étant bien évidemment pas exhaustive.
Grâce à cet outil, il est également possible d’envisager une réflexion élargie sur la pensée militaire française, de rechercher éventuellement les éléments constitutifs d’une anthologie, mais de pratiquer également des analyses prosopographiques à partir d’un recueil important de données.
Pour les lecteurs du blog du lieutenant-colonel Porte, j’ajoute que cet outil a été mis en place durant ces trois dernières années sous sa direction et avec l’aide précieuse, et au combien efficace, de Mlle Bénédicte Bretonnière. Je remercie également tous les étudiants qui ont participé activement à ce projet et qui ont appris, ainsi, à construire et utiliser une base de données.
Vous trouverez MILINDEX sur le site du CDEF : www.cdef.terre.defense.gouv.fr. dans la partie droite de la page d’accueil. Pour accéder au contenu du site, retenir les mots de passe :
User name |
= milindex |
password |
= recherche |
Une fois que vous vous trouverez sur la page de recherche, cliquez par exemple sur Milindex-titre et entrez un mot clé (guerre, armée, blessé, troupe, etc) puis cliquez sur login (ne pas utiliser la touche « Entrée » du clavier).
Bonne navigation !
Julie d’Andurain
Responsable du projet MILINDEX au bureau Recherche du CDEF/DREX
Ajoutons simplement deux recommandations particulières pour les amateurs encore peu habitués aux bases de données : ne pas hésiter à multiplier les requêtes en changeant de mots-clefs (artillerie, canons, bombardement, etc.) et penser (puisqu’une partie des titres est en langue anglaise) à effectuer selon les sujets la recherche en deux langues (par exemple Liban, Lebanon, ou Chypre, Cyprus).
Nous invitions également à aller lire les nombreuses critiques des derniers livres d’histoire militaires sur http://www.guerres-et-conflits.over-blog.com/
Parmi les dernières recensions mises en ligne, le professeur Jean-Charles Jauffret livre ses commentaires sur l’ouvrage dirigé par André-Paul Comor, Légion étrangère : histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont collection "Bouquins", 2013, 1 140 p dont nous avions salué la publication :
"Premier dictionnaire historique et critique consacré à la Légion étrangère, cette œuvre monumentale doit tout à la persévérance d’André-Paul Comor. Maître de conférences honoraire à Sciences Po Aix, auteur, entre autres, de La Légion étrangère (PUF, coll. « Que Sais-Je ? », 1992), et d’un retentissant Camerone (Tallandier 212) qui renouvelle, en histoire militaire comparée, le récit de ce combat fondateur du mythe légionnaire, il a su s’entourer d’une équipe de 59 spécialistes, y compris étrangers (dont l’historien américain Douglas Porch qui publia chez Fayard, en 1994, une somme, La Légion étrangère,1831-1962).
A corps d’élite, ouvrage d’exception ! Mieux que tous les autres dictionnaires de la collection Bouquins, celui-ci est à la fois un instrument de travail et une synthèse. Ce qui est d’autant plus difficile à réussir qu’il s’agit d’une étude d’un corps vivant et dynamique. En effet, après la préface lumineuse d’Etienne de Montety qui souligne en quoi la Légion est bien « la promesse de l’extraordinaire », s’ensuivent une présentation de l’antériorité des étrangers au service de la France depuis les Ecossais chers à Charles VII et, in fine, une anthologie de la littérature légionnaire (poèmes, anecdotes, extraits de mémoires…). Une chronologie comparée, des cartes, quelques illustrations étayent la présentation alphabétique des entrées. Un dernier regroupement est offert au lecteur par l’intelligence de la présentation de la bibliographie sélective, par pays, d’ouvrages non cités dans les notices. Elle est exhaustive pour le relevé des ouvrages et témoignages publiés relatifs à la Légion. Même rigueur scientifique pour la présentation de l’abondante (et insoupçonnée) filmographie (films de fiction et documentaires) démontrant que la Légion, d’Under Two Flags (Etats-Unis, 1912, de Lloyd Lonergan) à Français par le sang versé (France, 2011, de Marcela Feraru), est autre chose que l’inévitable et populaire Beau Geste (1939, avec Gary Cooper, et « remake » de 1966). Ce dictionnaire recèle des trésors, telle cette précieuse discographie depuis les premiers 78 tours aux supports contemporains. Et ce, en montrant comment, une des toutes dernières musiques principales de l’Armée de terre peut, en 2012, offrir aussi la fantaisie d’aubades et chants du monde entier où elle se produit d’ailleurs, de Santiago du Chili aux capitales européennes. En ce sens, par leur prestige, ces légionnaires musiciens sont à l’Armée de terre ce que la Patrouille de France est à l’Armée de l’air.
Loin des clichés habituels, c’est de l’étude d’un bien de l’humanité, profondément ancré dans la tradition militaire française, dont il s’agit. On s’attend, tout d’abord, à trouver les monographies de chaque régiment, d’unités particulières (compagnies d’infanterie montées, escadrons dotés de « crabes » en Indochine…), mais loin de l’hagiographie type Livre d’or. En effet, rien n’est laissé dans l’ombre : mutineries de 1840, 1915, 1916 et 1940, drames de conscience en juin 1940 et du Levant en 1941, choix d’avril 1961 lors du putsch des généraux (où le colonel Brothier, chef de corps du Premier étranger, sut préserver l’unité de la Légion malgré critiques internes et sécessions)… Des entrées concernent également la légende noire de la Légion, les questions de l’alcoolisme et des bordels (Sidi-Bel-Abbès, les BMC…), sans oublier les désertions et les suicides, formes ultimes du « cafard ». Sont aussi évoqués des personnages qui font aussi partie de l’histoire de la Légion avant de choisir l’activisme terroriste de l’OAS, tel le lieutenant Roger Degueldre. En revanche, parmi les grandes figures, comme l’emblématique « père de la Légion », le général Rollet ou les « maréchaux de la Légion », c’est-à-dire ses célèbres sous-officiers, véritable ossature de ce corps d’exception, apparaissent les nobles destins de femmes, telle la marraine du 1er REC (régiment étranger de cavalerie), la comtesse Leila du Luart (1888-1985) ou Edmonde Charles-Roux. On croise également l’inattendu, d’Isabelle Eberhardt à la tempête de neige et de sable de Forthassa sur les confins algéro-marocains, en février 1908, qui vit la mort par le froid de 34 légionnaires épuisés après une marche forcée dans la montagne. Sans doute une des approches les plus nouvelles concerne les relations entre les politiques et la Légion (Adolphe Thiers, Louis de Montfort, Pierre Messmer, ancien de Bir Hakeim…). A noter comment le Parti communiste s’est associé aux campagnes de presse dénonçant les exactions de la Légion, avant d’en réclamer la suppression par une proposition de loi de 1980. Tout comme les troupes de marine, dont on peut un jour espérer qu’elles auront un dictionnaire de cette qualité, les unités de légionnaires ont aussi été engagées dans des opérations de maintien de la paix, sous l’égide de l’ONU ou de l’OTAN, de 1992 à nos jours. Les aspects internationaux ne sont donc pas négligés, y compris le droit pour l’extradition de criminels notoires. Les amateurs d’exotisme ne seront, eux aussi, pas déçus, entrées : « chapeau chinois », « Boudin, le », « Fêtes »… Ce qui relève souvent de l’image et de l’imaginaire liés à la Légion dont un long article offre une synthèse.
Ce dictionnaire est avant tout consacré à la foule anonyme Des hommes sans nom. Leur « code de l’honneur » si particulier remonte, pour la version écrite, à mars 1937. Cet ouvrage offre un baromètre des recrutements, depuis 1831, lié aux crises politiques et économiques en Europe et à présent dans le monde. Ce peuple bariolé sous l’uniforme, aux antipodes d’un racisme à présent récurrent dans une France décadente, est évoqué de main de maître dans les multiples aspects de la vie quotidienne, mais aussi des rudes entraînements et de l’esprit de corps. Un des aspects les plus novateurs de cette œuvre magistrale, prouvant qu’un corps d’élite sort grandi de l’analyse scientifique, concerne la culture légionnaire (chants, traditions…) et la définition de ce qui conduit, un jour, des étrangers sous un drapeau français d’accepter l’ultime sacrifice pour remplir la mission. En ce sens « faire Camerone » les distinguent des mercenaires, fléau du monde militaire contemporain qui sacrifie l’armée à des sociétés d’Affreux, précurseurs d’une nouvelle forme de féodalité dans le délitement des devoirs régaliens des Etats. De plus « On n’est pas à la Légion pour la gamelle » : le légionnaire gagne une misère à l’engagement. A travers l’étude des primes et soldes, c’est aussi s’intéresser aux motivations, hors des stéréotypes habituels, qui poussent un homme à choisir de servir avec honneur et fidélité sous le képi blanc. Evidemment, toutes les campagnes où fut engagée la Légion sont magistralement décrites, y compris les avatars tel le « jaunissement » à la fin de la guerre d’Indochine. Sont également analysées, ce qui confirme l’aspect d’histoire totale de ce dictionnaire propre de l’histoire militaire contemporaine, les croyances religieuses (articles « Eglise catholique », « Pasteurs », « Juifs dans la Légion » (et question de l’antisémitisme en 1915 et 1940 surtout)
Enfin, ce dictionnaire ouvre également sur les représentations de la Légion à travers la presse, la littérature, tout en séparant ce qui relève du mythe et ce qui correspond au vécu du combattant. De sorte que l’objectif est atteint : permettre au grand public de découvrir une société jugée imperméable, comprendre pourquoi à chaque 14 juillet, sur les Champs-Elysées, la Légion précédée de sa musique principale et de son corps de sapeurs portant barbe, tablier et hache, suscite un tel enthousiasme. Il reste à souhaiter qu’à l’heure de la réduction des forces armées françaises à un format de poche, ce travail aide à réfléchir les politiques timorés et les petits boutiquiers de Bercy issus de l’énarchie : un corps d’élite ne s’improvise pas, il est le fruit d’expériences et d’une longue tradition. De sorte que rayer d’un trait de plume un régiment au savoir-faire inégalable et irremplaçable dans une opération extérieure, ou muter un autre régiment de tradition liée au substrat de la Légion romaine à Orange pour le cul-de-basse-fosse du camp de Carpiagne, outre le mépris du contribuable pour la dépense inutile, relève de l’inconscience".
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