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Gaston Besson: parcours d’un volontaire armé

9 nov

 

Depuis la parution de « l’espoir » d’André Malraux en décembre 1937 la légende des volontaires étrangers n’a cessé de s’écrire de par le monde.

Les Français ont certainement contribué à écrire plusieurs chapitres de cette histoire. En ex-Yougoslavie (dans chaque camp), chez les Karens en Birmanie, avec les chrétiens au Liban…Les théâtres d’opérations n’ont pas manqué depuis la « fin de l’histoire » prévue par Francis Fukuyama.

Mais qu’est ce qu’un volontaire ? Où se situe la ligne de démarcation entre mercenaire et volontaire ? Elle est mince et parfois elle a été franchie comme l’avouent certains, Franck Hugo fut de ceux-là, tour à tour volontaire en Birmanie et en Croatie, mercenaire aux Comores avec Bob Denard puis contractor en Irak. Ce qui fait le volontaire, c’est avant tout l’attirance pour « une cause » où l’homme qui s’engage ne pourra bénéficier d’aucun avantage matériel significatif. D’une guerre à l’autre, certains s’engagent indifféremment comme volontaire, comme mercenaire ou comme contractor. Pour certains l’aventure en ex-Yougoslavie tenait lieu de motivation, pour d’autres ce fut la religion, la lutte contre le communisme partout dans le monde, sauver la « petite Croatie » contre la « grande » Serbie…Il y eut autant de causes que de volontaires.

Certains ont fait davantage parler d’eux, Gaston Besson est de ceux là. Il est l’image du volontaire à la recherche d’une cause. Il est né le 7 avril 1967 à Mexico  et très tôt il se met à chercher ce que pourrait être l’aventure de sa vie, l’aventure…Sa cause. Il tente d’abord sa chance comme chercheur d’or en Guyanne avant de s’engager à 17 ans dans un régiment de parachutiste de l’armée française (1er RPIMa) où il apprend son métier de soldat.

A ces premières expériences succèdent le temps des engagements volontaires : Birmanie, Surinam, Laos, Thaïlande, Cambodge et à l’automne 1991, à 24 ans, il arrive en Croatie, d’abord en tant que photographe puis au sortir d’une bataille de tranchée, il reprend les armes en tant que volontaire  au sein des forces croates de défense (HOS). Petit à petit, il rassemble un bataillon de volontaires étrangers qui va évoluer dans le cadre de la 108e brigade de défense croate (HVO).

Il combat pendant deux ans les imposantes forces de la JNA (armée yougoslave) et des milices serbes. S’il ne put participer au célèbre siège de Vukovar, il fut engagé dans d’autres combats médiatisés : Vinkovci, Mostar, Brcko… Il est ainsi un témoin privilégié de l’évolution de la dernière grande guerre européenne et ses horreurs. S’il garde de bons souvenirs de ses engagements en Asie qu’il qualifie d’ « aventure militaire exceptionnelle », il n’en est pas nécessairement de même concernant l’ex-Yougoslavie, un « enfer », gris, laid, froid. Ce théâtre est d’ailleurs celui de sa dernière guerre. Sa dernière aventure, il l’a vit « à deux heures d’avion de Paris ».

Blessé trois fois au combat, il faut un banal accident de la circulation lors d’une permission à Paris pour le contraindre à déposer les armes. Mais ses souvenirs de guerre, il ne les a pas perdus, d’autant qu’aujourd’hui il est président de l’association des volontaires étrangers de la guerre d’indépendance croate. Il a accepté de revenir sur certaines étapes de cette incroyable aventure.

 

Q : A 17 ans, vous abandonnez vos études pour partir en Colombie, pourquoi ?

R : Mon frère, J-F, était parti 2 mois dans le pays, il avait adoré l’expérience et à son retour il voulait m’embarquer avec lui. Finalement il est parti sans moi et c’est ma mère qui a payé le billet.

Officiellement je partais chercher de l’or mais en réalité je voulais une aventure, je voulais vivre, la Colombie c’est un pays en plein bordel : 2000 meurtres par jour, les enlèvements, les FARC, la drogue…

Finalement on n’a presque rien gagné et après l’accident de mon frère, un accident de voiture, on est rentré en France, pas vraiment satisfait…

Q : Ensuite c’est l’armée française, pourquoi y être entré, pourquoi l’avoir quitté ?

R : A mon retour je me sentais mal, je ne m’étais rien prouvé, la Colombie c’était magnifique mais je n’avais pas vécu « mon » aventure. Ma mère, elle a été très importante dans mes aventures, a voulu me remotiver et elle m’a poussé à faire mon service, en avance, pourquoi pas ? Mon frère avait été para, mon monde était composé de beaucoup d’anciens paras, alors logiquement je me suis engagé chez eux…

En lisant certains bouquins je m’étais fait une image…fausse de ce qu’était l’armée. Mais à tout prendre j’avais besoin d’une formation militaire, de me faire un CV et il fallait en passer par là.

J’en suis sorti pour les mêmes raisons que j’y suis entré : faire quelque chose, vivre l’aventure sans idéologie préfabriquée. On ne se met pas à l’épreuve dans l’armée française.

Q : Puis ça a été l’Asie du sud-est et d’abord la Birmanie, vous avez combattu pour les Karens…

R : Mon frère était un peu sur la paille alors il s’est cherché une cause : ça a été les Karens. A la fin de mon service je l’ai suivi.

Au début on était cantonné dans le nord, pour former des troupes, ce boulot ne me plaisait guère, je n’étais pas là pour ça. Finalement on a bien été affecté au sud, pour combattre mais je suis tombé malade, la malaria, mon frère est rentré en France afin de trouver de l’argent pour me soigner, quelques temps plus tard il m’a appelé et m’a demandé de rentrer au pays, il avait de nouveaux projets…J’ai hésité, longtemps, et j’ai pris la décision de rentrer, cette décision m’a pesé énormément d’autant qu’à l’aéroport de Paris mon frère m’attendait, il m’a simplement dit que si j’avais été un homme, je serais resté…

Q : Dans votre livre, vous parlez du Surinam comme d’un nouveau départ

R : Oui, j’y ai connu ma première guerre avec mon baptême du feu, mais relativement vite on a fatigué de l’anarchie ambiante alors on est reparti pour Paris, de là nous sommes repartis en Birmanie, on voulait se battre, pour de bon, mais les Karens nous ont envoyé un message clair : on s’est organisé donc on n’a plus besoin de vous. Ils n’avaient pas apprécié notre précédent départ, comment les en blâmer ?

Q : Ensuite c’est un nouveau départ dans votre vie, vous devenez reporter de guerre ?

R : Une idée de J-F ! Moi je n’étais pas contre, on connaissait bien la guerre et l’idée d’y participer sous une autre forme, sans arme mais avec une caméra, me plaisait assez. C’était une autre manière de vivre le combat. Et j’avais besoin de revoir l’Asie, en particulier les Karens, un peuple que j’admirais.

Parfois j’avais bien l’impression d’être un spectateur, ça m’ennuyait d’autant que je savais bien que je repartirai un jour.

On a finalement réussi à revendre nos images à la Cinq mais la plupart des producteurs, des rédacteurs, n’avaient pas le sens des réalités de la guerre…

Q : Puis c’est le Laos, où vous allez chercher des images d’un maquis laotien, dont les autorités françaises se posaient des questions sur son existence réelle, au profit d’un ancien colonel de la DGSE, une expérience unique avant de partir pour la première fois en Yougoslavie, l’aventure à deux heures d’avion de Paris, d’abord comme reporter de guerre…puis en tant que combattant, pourquoi ce passage de l’un à l’autre ?

R : J’y étais allé pour faire des photos, vraiment, mais une nuit il y a eu une bataille rangée, rude, les photos c’étaient plus le moment, j’ai pris une arme et je me suis battu…Après ça comment se contenter de photos ? J’ai eu envie de participer.

Une guerre à un contre dix ça ne se refuse pas…

Q : On a fait de vous un officier et vous vous êtes battus dans un bataillon du HOS (troupes croates), il y avait pas mal d’étrangers dans cette brigade ?

R : Plusieurs centaines, environ 40% de la brigade, le reste c’était des Croates, on avait de tout : des Français, des Anglais, des Allemands…De tous les profils…Jeunes surtout, des pros et des amateurs, au début c’était quand même un beau bordel.

Q : Vous vous battiez toujours pour les mêmes raisons ?

R : Je l’ai dit : un combat à un contre dix avec un matériel ridicule en comparaison de ceux d’en face. Ca devait me rappeler les Karens et la Birmanie…Mais l’Asie c’était le paradis, le rêve indochinois, la Croatie c’était l’enfer sur terre, les paysages, la vie, la mort…

Q : A notre époque, caractérisée par les SMP et leurs contractors, existe-t-il encore une place pour les volontaires ?

R : Il y aura toujours des peuples sans argent mais qui auront besoin de se défendre…

Le volontariat a été partie prenante de la vie de Gaston Besson. En Asie, en Amérique ou en Europe, il a connu les combats acharnés qui n’ont pas pris fin avec la chute de l’URSS…Et pourtant, dans son esprit, il n’a pas soutenu par une cause particulière mais par le dénominateur commun à tous les volontaires à travers l’espace et le temps : le désir de vivre une expérience unique, celle de la guerre, moins peut être pour ce qu’elle implique de blessures et de souffrances que pour ce qu’elle révèle de l’âme humaine.

                « J’ai conscience de ma différence, de mon inappétence à vivre comme tout le monde. Je me ressens comme en dehors de la vie. La clef de Gaston Besson, c’est une sorte d’ennui mortel qui me pousse à sortir de moi-même pour me prouver que je peux, d’une manière ou d’une autre, m’intégrer à la communauté des hommes. Acteur, je me force à vivre l’extrême, la passion, le sentiment alors que je n’y crois pas du tout, avec l’espoir de découvrir ma vérité à travers celle d’autres hommes. Mais ce n’est pas vers la vie que j’ai été, c’est vers la mort. » (G.Besson, extrait « une vie en ligne de mire »).

Nous remercions M. Besson pour son aide et le temps qu’il a bien voulu nous apporter.

 

Pascal Madonna, diplômé du Master II en 2012.

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

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