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L’HYPERPUISSANCE AMERICAINE A LA CROISEE DES CHEMINS : ENTRE RESTRUCTURATION ET SEQUESTRATION

8 mai

Après une décennie de guerre en Afghanistan et en Irak, les Etats-Unis ont décidé d’entreprendre la réforme de leur système de défense tant au niveau stratégique qu’opérationnel. Cette réforme s’inscrit dans le cadre du programme national de redressement économique et financier visant, entre autres, à réduire le budget de la défense. Mais la tâche est ardue, eu égard au décalage entre les mesures drastiques initiées par le pouvoir fédéral et les impératifs de sécurité nationale. En effet, la séquestration budgétaire décidée par le Congrès en 2011 inquiète la hiérarchie militaire qui en pressent des effets négatifs sur l’opérationnalité des forces et le leadership américain dans le monde.

En l’espace de quelques mois, l’administration fédérale a pris deux actes majeurs et contradictoires relatifs à la sécurité nationale. Le premier concerne les mesures dites de « séquestration » énoncées dans le Budget Control Act de juillet 2011. Ledit document prescrit la réduction du plafond de la dette américaine par une remise de 1,2 trillion (1200 milliards) de dollars du déficit sur une période de dix ans (2012-2022). Dans cette optique, il est envisagé des coupes automatiques sur le budget de certains programmes, projets et activités fédéraux, dont la défense nationale. Il convient de préciser que les coupes sur les budgets respectifs du Département de la Défense et des autres agences de sécurité nationale devraient absorber 50% du déficit de 1,2 trillion de dollars (soit 600 milliards de dollars).[1]

Le deuxième acte est la publication le 5 janvier 2012, par la Maison Blanche, d’un nouveau document stratégique intitulé: « Sustaining U.S. Global Leadership : Priorities for 21st Century Defense» (Maintenir le leadership mondial des Etats-Unis : priorités de la défense du 21ème siècle). Ce document prospectif définit les quatre missions principales de la défense américaine, notamment le contre-terrorisme, la dissuasion nucléaire, la sécurité intérieure, dissuader et vaincre toute agression émanant d’un ennemi potentiel.[2]

La mise en œuvre de ces missions s’accompagne d’une réorganisation des forces visant à les rendre « plus agiles, flexibles et prêtes à faire face à un nombre varié de contingences. »[3] Ainsi, il est procédé à la réduction de la présence militaire américaine en Europe, et un renforcement du dispositif en Asie, qui constitue désormais, selon le Président Obama, « la plus grande priorité »[4]. Un accent particulier est mis sur la consolidation des moyens de la guerre cybernétique (cyberwarfare) et la défense missiles.

Ce redéploiement stratégique américain, en l’occurrence le renforcement de son dispositif militaire en Asie, vise trois objectifs : maintenir la pression sur Al-Qaeda, suivre de près les enjeux sécuritaires régionaux par la surveillance de la Chine, de la Corée du Nord et de l’Iran. S’agissant spécifiquement de la Chine, son dynamisme économique et ses progrès militaires « accélérés » constituent un souci majeur pour les Etats-Unis et ses alliés. L’Iran, quant à lui, menace les circuits internationaux de pétrole et manifeste son ambition nucléaire.

De ce qui précède, il apparaît que le gouvernement fédéral entend maintenir le niveau opérationnel de l’armée et le leadership américain dans le monde à moindre coût financier. Vision réaliste ou tout simplement chantage politique ? La question divise la classe politique d’autant plus que la hiérarchie militaire a ouvertement exprimé son inquiétude face à cette situation.

Ainsi, le 15 avril 2014, le Département de la Défense (DoD) a publié son rapport sur l’impact approximatif de la séquestration budgétaire[5]. Pour l’essentiel, le rapport souligne que les coupes indésirables du budget de la défense américaine auront un impact négatif sur le format, la modernisation et  l’aptitude opérationnelle des forces à l’horizon 2019.

S’agissant du format des forces, son rétrécissement va concerner toutes les composantes. L’Armée de Terre tombera à 420 000 militaires d’active (contre 490 000 actuellement), 315 000 Gardes Nationaux (contre 350 000 actuellement) et 185 000 réservistes (contre 202 000 actuellement)[6]. Le Marines Corps, pour sa part,  se retrouvera à 175 000 militaires d’active contre 184 000 actuellement. L’Armée de   l’Air devra éliminer entièrement sa flotte de ravitailleurs K-10 et de réduire le nombre de drones. Enfin, la Marine sera contrainte de mettre sous cocon six destroyers et de retirer du service un porte-avions et tous les aéronefs associés, ramenant ainsi à dix sa flotte de porte-avions.

En ce qui concerne la modernisation des forces, elle sera significativement ralentie. Par rapport aux prévisions de l’exercice fiscal 2015,  le Département de la Défense pourra acheter 08 navires en moins au-delà de 2016, dont un sous-marin de type Virginia et 03 destroyers DDG-51. En outre, la livraison du nouveau porte-avions John F. Kennedy sera différée de deux ans. Les acquisitions d’aéronefs devront aussi être revues à la baisse ainsi qu’il suit : 17 avions de combat multifonctions en moins par rapport au plan d’acquisition initial, 5 ravitailleurs KC-46 et 6 P-8A qui ne sortiront jamais de l’usine. Les programmes d’armements légers et la construction d’infrastructures militaires en cours connaîtront un ralentissement considérable. Par ailleurs, souligne le rapport, les dépenses  d’acquisition et de recherches subiront une diminution de 66 milliards de dollars.

S’agissant, enfin, de la capacité opérationnelle, le rapport affirme qu’elle va empirer les déficits déjà enregistrés depuis le début des coupes budgétaires. L’un des effets immédiats sera le retard des programmes d’entraînement et de mise en  condition opérationnelle des forces interarmées dans le cadre des opérations multidimensionnelles.

Le rapport susvisé appelle l’attention de la classe politique sur les effets négatifs de la séquestration et des coupes budgétaires sur la stratégie et la sécurité des Etats-Unis, car une armée rétrécie ne pourra pas faire face efficacement aux menaces multiformes. Le Secrétaire de la Défense, Chuck Hagel, a souligné fort  opportunément que sous la séquestration budgétaire, les Etats-Unis se livrent à une entreprise risquée consistant à penser que l’armée peut faire face à des situations complexes avec peu de moyens.[7]

 

Au final, une armée inquiète de son avenir semble pousser les partisans de la séquestration militaire à faire des concessions fussent-elles limitées. Les Etats-Unis sont donc écartelés entre les calculs politiques et l’impératif sécuritaire dans un monde rempli d’incertitudes et de menaces multiformes. Et de se demander si les voix du redressement économique l’emporteront nécessairement sur celles du maintien de l’hyperpuissance américaine ?

 

Lieutenant-colonel Hubert Onana Mfege, ancien étudiant du Master II

 

[1] House of Representatives-Committee on the Budget, The Budget Control Act of 2011, http://budget.house.gov/budgetcontrolact2011/ (consulté le 21 avril 2014).

[2] The White House, Sustaining U.S. Global Leadership : Priorities for 21st Century Defense, 2012.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] United States Department of Defense, Estimated Impacts of Sequestration-Level Funding, April 2014.

[6] Ibid.

[7] Ibid.

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