Archive | octobre, 2013

L’Etat-Major de force n°3 : les étudiants de Sciences Po Aix assistent à l’exercice « Massilia »

30 Oct

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Le 17 octobre 2013, les étudiants de la promotion du commandant Damien BOITEUX, du master 2 d’histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité, de Sciences Po Aix, ont eu l’honneur de visiter les locaux de l’Etat-Major de force n°3 (EMF3) opérant à Marseille. Dans le cadre de cette visite, les étudiants ont eu l’opportunité d’assister à l’exercice « Massilia », un entraînement permettant de simuler la conduite d’une opération militaire dans des conditions se rapprochant au maximum de celles rencontrées sur un théâtre d’opérations.
Le général de division Philippe PONTIES, commandant l’EMF3, a tenu à accueillir en personne les visiteurs. Dans son allocution, il a rappelé la place de la France dans le club très fermé des puissances militaires globales. En effet, la France dispose de quatre atouts majeurs : c’est une puissance nucléaire ; elle dispose d’un large réseau de renseignements militaires (en 2003, la France disposait de ses propres clichés des supposés entrepôts de stockage des armes de destructions massives irakiennes) ; la France a également la capacité d’entrer en premier dans un conflit (l’opération Serval en est l’illustration) et d’assurer le commandement d’une coalition militaire.
Le Livre Blanc 2013 sur la Défense et la Sécurité nationale de la France et la Loi de Programmation Militaire couvrant la période 2014-2019, fixent les contrats opérationnels de nos forces armées. Les contrats opérationnels, détaillés à la page 90 dudit Livre Blanc, orientent l’organisation de l’appareil de défense et de sécurité nationale, les ressources humaines et l’effort d’équipement. Pour rappel, l’enveloppe globale réservée au Ministère de la Défense sur la période 2014-2019 s’élève à 190 milliards d’euros (en euros courants), soit à un budget de l’ordre de 31 milliards d’Euros par an, ou un peu moins de 1,5 % du PIB de la France. Quant au contrat opérationnel de l’Armée de Terre, il fixe à 66 000 le nombre d’hommes projetables, soit la capacité de mener deux ou trois opérations simultanées, avec environ 7 000 hommes par opérations, ou encore une opération de coercition, avec environ 15 000 hommes. A titre de comparaison, il y a plus de personnels employés par la Mairie de Paris que de militaires dans les trois armées réunies.
Le général PONTIES ainsi que le colonel BOUCHER ont présenté l’Etat-Major des forces, en le contextualisant dans la nouvelle loi de programmation Militaire. En France, il existe deux EMF (à Marseille et à Besançon), ainsi, quand l’un est en opération extérieure (OPEX), l’autre reste sur le territoire national et procède à des séries d’exercices en vue de préparer de futures missions. L’EMF3 est apte à commander en opération une coalition de 20 000 hommes dans des phases d’intervention, de stabilisation ou de normalisation. D’un point de vue hiérarchique, l’EMF se situe en-dessous des corps de réaction rapide français et européen, et commande sept brigades interarmes. L’exercice « Massilia » a deux objectifs principaux : intégrer et former, trois « sous objectifs» découlant des deux principaux : familiariser le personnel aux procédures OTAN, apprendre et perfectionner la maîtrise des militaires aux outils opérationnels et entraîner l’escadron de l’EMF3 à l’installation du quartier général (l’escadron étant généralement envoyé trois semaines avant l’opération pour procéder à l’installation des différents modules de l’état-major au plus près du théâtre des opérations). L’utilisation constante de l’anglais, notamment lors des débriefings quotidiens et des SITREP (Situation Report) présentant les options d’action (COAs – Courses of Action), s’inscrit dans la continuité même des traités de Lancaster House (2010), qui consacrent l’approfondissement des coopérations bilatérales franco-britanniques en matière de défense dont l’interopérabilité de nos forces armées.
Pour conclure, la visite de l’Etat-Major de force 3 à Marseille fut enrichissante sur de nombreux plans. Les étudiants de Sciences Po Aix ont pu constater la capacité d’un état-major à réagir face à des imprévus en situation de crise. De plus, et pour citer un des colonels de l’EMF3 : « Le soucis du commandement c’est anticiper l’après conflit armé, préparer la relève dans le but de restaurer l’autorité locale. » Ainsi, les étudiants ont également eu l’opportunité d’observer les processus de définition des enjeux post-opération. Les officiers, d’active comme de réserve, ont par ailleurs fait preuve de compréhension et d’intérêt à l’égard des étudiants et de vives discussions ont ainsi pu avoir lieu. De ces discussions, une compréhension plus aboutie du monde militaire en est ressortie. Indubitablement, la possibilité pour les étudiants du master 2 d’assister à l’exercice « Massilia » au sein de l’EMF3 fut une opportunité unique et constructive à même de renforcer les convictions et vocations de chacun.
La promotion du commandant Damien BOITEUX, du master 2 d’histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité, de Sciences Po Aix, présente ses respectueux remerciements au général PONTIES, au général L’Hôte, au capitaine GREIVELDINGER et à l’ensemble de l’EMF3 pour cette expérience inoubliable dans le cadre de l’exercice « Massilia ».

La promotion du commandant Damien BOITEUX

Marie-Pierre CUNILL, élève moniteur du master 2

Le dialogue de sécurité franco-allemand : un week-end pour réfléchir à l’avenir d’un tandem central dans l’Europe de la défense.

17 Oct

Gummersbach, 4 octobre 2013.

« Nous arrivons … il fait nuit. Le vent nous fouette le visage, l’humidité de la brume nous colle les vêtements à la peau et le froid nous salue de sa morsure. Nous entamons l’ascension de la côte qui nous mènera à notre prochaine destination. Laurent ouvre la marche… calme… imperturbable… le pas léger. Le Professeur le suit, nous sentons l’endurance de ses jambes expérimentées. Nous les suivons… le pas lourd… chargés de nos effets. L’ascension est rude. Les muscles sont mis à mal. A chaque pas, nous espérons voir le bout du chemin. Eprouvés par un long voyage, notre moral montre les premiers signes de faiblesse. Mais à elle seule, la ténacité du Professeur faisait résonner dans nos cœurs un seul mot qui nous poussait à avancer… « Courage ! ». Arrivés au terme de notre marche, c’est ainsi que nous vîmes se dresser … la Theodor Heuss Akademie ! » (version longue)

 Introduction

Dans le cadre de la célébration des 50 ans du Traité de l’Elysée, un dialogue franco-allemand a été organisé à la Théodor-Heuss Akademie de Gummersbach par Laurent Borzillo et Maximilan Losch, anciens diplômés de l’IEP d’Aix en Provence. Ce séminaire s’est articulé autour de conférences, débats et travaux de groupes entre participants issus de parcours universitaires variés. Par la diversité de leurs disciplines, les intervenants de cette manifestation ont pu apporter un regard transversal sur les problématiques de la défense européenne. Cet article rend compte des différentes facettes de ce séminaire.

Une ouverture sur une note guerrière…

Afin de s’immerger dans les problématiques de défense et de prendre conscience de la dure réalité d’une opération extérieure, à laquelle les soldats de la FIAS ont été confrontés en Afghanistan, un film a été projeté aux participants dès le premier soir, L’Ennemi intime réalisé par Florent Emilio Siri.

Dans ce long-métrage, la représentation de la violence est employée de manière fine, d’un point de vue historique. Le mérite du réalisateur est de faire naître l’appréhension des scènes brutales telles la découverte des cadavres par Rachid, l’exécution des prisonniers par le lieutenant Terrien et l’élimination d’un groupe d’insurgés au napalm. Loin d’être un support scénaristique pour stimuler le spectateur, le recours à la violence procède du souci de témoigner de la vérité d’une horreur de guerre. Le Professeur Jauffret soutenait à ce propos que 90% des faits racontés sont vrais dans leur aspect scénaristique, et qu’il s’agissait d’un des rares films politiques sur la guerre d’Algérie. Un parallèle avec la guerre d’Afghanistan n’est pas fortuit dans la mesure où plusieurs des exactions présentées dans le film se sont reproduites sur le théâtre afghan.

Politique de la défense européenne : état des lieux

Une conférence fut proposée par Monsieur Le Professeur Jauffret et la doctorante Tahmina Hadjer sur « les opérations militaires lors des interventions à l’étranger : une comparaison France Allemagne ». Le Professeur Jauffret a souligné que la France effectuait deux types de projections de puissance, soit en coalition, comme en Afghanistan, ou seule comme au Mali. Dans ce dernier, la flotte française avec ses bâtiments de projection type Dixmude et des troupes déjà présentes sur le sol africain ont rendu possible une intervention rapide, afin de repousser les mouvements d’Aqmi et du Mujao. Avec l’aide des forces tchadiennes, les troupes françaises sont parvenues les 10 et 11 mars 2013 à maitriser environ 400 djihadistes dans la région de Gao en tirant parti des leçons du combat d’Uzbin en Afghanistan en 2008. Après avoir retracé l’histoire et la situation géopolitique de l’Afghanistan, Tahmina Hadjer a présenté les aspects de l’intervention de la Bundeswehr en Afghanistan au sein de la coalition. Les forces allemandes localisées au nord du pays ont souhaité éviter la confrontation dans un premier temps, pour ensuite changer d’optique sous d’influence des Etats-Unis sauf en cas de légitime défense. Elle a conclu en exposant les scénarii probables sur l’évolution de la situation afghane tels le dialogue avec les talibans, la constitution d’un Etat taliban ou une possible guerre civile, en cas d’échec de l’OTAN et de la FIAS à établir une réelle démocratie dans ce « pays de l’insolence ». Une différence d’approche entre la France, l’Allemagne et les Etats-Unis peut être observée au sujet de l’Afghanistan, les pays européens ne partageant pas cette même volonté d’y imposer la démocratie à tout prix au regard du concept américain de ‘nation building’. En ce qui concerne l’avenir de l’Afghanistan le Professeur Jauffret songe à  deux possibilités. La première consiste en un retrait des forces coalisées avec un maintien des bases américaines sur place, la sécurité du pays devant être assurée par l’ANA (Armée Nationale Afghane), la seconde en une partition du pays. Il espère cependant que la jeunesse afghane sera en mesure de changer le destin de ce pays.

Les nouveaux défis sécuritaires auxquels l’Union Européenne fait face ont ensuite été exposés aux participants par Peter Scholl-Latour. Selon lui, dans un monde complexe faisant face à des défis multiples, l’Union Européenne devrait être en mesure de fonder une armée unie en Europe afin de rester crédible dans le domaine de la défense envers les pays émergents tels l’Inde ou la Chine. Il souligne cependant un manque de volonté européenne et notamment de vrais hommes politiques européens capables de diriger l’Union.

Vers une concrétisation de l’Europe de la défense ?

Le député Karl Lamers et le diplomate Frank Elbe ont présenté aux étudiants leurs points de vue concernant l’avenir de la PESC et la PSCD. Karl Lamers a souligné l’interdépendance des Européens et ce notamment dans le domaine de la défense, la sécurité de tous ne pouvant être éternellement assurée par les Américains. Selon lui, la politique étrangère et la politique intérieure sont indissociables. Il démontre que les Européens ont plus de choses en commun que de différences, ce qui doit encourager des actions communes notamment dans le domaine de la défense. De son côté, Frank Elbe présente l’Union Européenne comme une histoire à succès grâce à la paix désormais établie sur le continent. Le défi auquel l’Europe fait actuellement face est selon lui sa gestion de la mondialisation. Alors qu’il avait participé à l’élaboration de Traité de Maastricht, il fut déçu des résultats concernant l’Europe de la défense soulignant un manque d’ambition politique dans ce domaine sensible. Frank Elbe estime qu’il est urgent que les Européens définissent leurs priorités au sujet de la sécurité. Il soutient l’idée d’une amélioration des relations avec les pays de l’Europe de l’Est et du Sud, notamment en améliorant la politique européenne envers la Russie et l’Ukraine, que l’on ne peut exclure des problématiques sécuritaires du continent européen.

Une réflexion neuve sur les nouveaux enjeux de la défense européenne

Afin d’affiner la perception des participants sur les enjeux de l’Europe de la défense, quatre groupes de travail ont été constitués autour des sujets suivants : la coopération militaire européenne, les opérations extérieures de la Bundeswehr et de l’armée française, l’environnement stratégique de l’Union Européenne et le « Parlamentsvorbehalt » vs. « domaine réservé ». Ces groupes de travail ont été l’occasion de confronter des avis divers autour des thématiques de la défense européenne. Le traitement de ces sujets s’est nourri des nombreux points de vue des participants, à quoi s’ajoutent une cohésion de groupe, une ambiance de travail agréable, et une écoute mutuelle de chacun. Ceci permettant de faire émerger de vraies perspectives d’avenir pour l’Europe grâce à l’aide des intervenants et des textes mis à disposition.

Marianne et Michel : entre dialogue et gastronomie

Loin de se limiter à sa dimension académique, le séminaire a permis la rencontre des cultures française et allemande. Les étudiants français eurent la chance de découvrir la gastronomie allemande. Sur une note un peu plus festive, dans le cadre d’une discussion informelle mettant à l’honneur ce vieux couple que forment Marianne et Michel, les participants purent déguster des vins français et allemands le tout accompagné des recommandations de fin œnologue du Professeur Jauffret. A l’instar de ces images d’Epinal, les dialogues entre participants autour d’un feu de cheminée donnèrent lieu à des échanges … chaleureux !

 

Conclusion 

Il est possible de percevoir ce séminaire franco-allemand comme s’inscrivant dans la continuité des balbutiements de la construction d’une communauté européenne de la défense, par la rencontre de plusieurs étudiants de France et d’Allemagne autour des questions de la défense européenne. Ce à quoi le Professeur Jean-Charles Jauffret conclut magistralement par la formule : « C’est vous [les jeunes] qui ferez l’Europe !»

 

Youri Laviolette  et Elisabeth Brue, étudiants de Master II en 2013-2014

NUCLEAIRE IRANIEN : L’HEURE DE LA CONCILIATION ?

14 Oct

La présidence d’Assan Rohani, après seulement trois mois d’existence, affiche une nette différence avec celle de son prédécesseur. Les élucubrations et autres provocations de l’ex-Président, Mahmoud Ahmadinejad, n’ont fait que renforcer les tensions entre l’Iran et Israël et son allié américain. Le Président fraîchement élu dès le premier tour des élections présidentielles iraniennes s’est, depuis, efforcé de tenter de réacquérir la confiance des puissances occidentales par un discours plus modéré. Et l’entretien téléphonique du 27 septembre entre les présidents iranien et américain a même laissé entrevoir une sortie de crise. En effet, après des années de sanctions économiques imposées à l’Iran à la suite de la découverte de son programme nucléaire clandestin, la République islamique est exsangue et sa population nourrit de nombreux espoirs. Suivant les prémices de ce « dégel », les négociations sur le nucléaire reprennent sous de nouveaux auspices. Les dirigeants des deux Etats se sont donnés quelques mois pour parvenir à un accord et enfin sortir de la crise du nucléaire iranien qui les oppose depuis plus d’une décennie. Alors que les négociations reprennent à Genève les 15 et 16 octobre, quels scénarii sont envisageables quant à l’issue donnée à ces tractations ?

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Un scénario pessimiste : un énième échec des négociations.

Après dix ans de négociations, la seule voie qui permettrait de sortir de l’impasse serait un scénario dans lequel les deux parties font des concessions. Toutefois, un échec est loin d’être exclu et il pourrait résulter de plusieurs cas de figures.

La première éventualité serait l’absence de concession de la part des principaux négociateurs du groupe 5+1 (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne) notamment sur le droit contesté à l’enrichissement en uranium. C’est là que réside la principale revendication des dirigeants iraniens et qui constitue le principal point de discorde entre les deux parties. C’est principalement sur la question de l’enrichissement à 20% que les négociations vont se jouer puisque la dernière proposition faite par le groupe 5+1, lors des réunions qui ont eu lieu au Kazakhstan en février et mars 2013, était de suspendre cet enrichissement en contrepartie d’un allègement des sanctions[1]. Cette offre  n’a pourtant pas su convaincre les dirigeants iraniens jusqu’à présent.

Le second cas de figure serait l’absence de concession de l’Iran qui peut résulter d’un désaccord entre la volonté du Président Rohani d’une part et la vision du Guide suprême d’autre part. Véritable maître des forces armées et donc d’un éventuel programme nucléaire militaire, le Guide suprême détient les rênes du pouvoir dans de nombreux domaines et s’impose comme l’homme le plus puissant du régime[2]. Toutefois, ce cas de figure peut aussi résulter de l’absence de réelle volonté de parvenir à un accord malgré les discours prometteurs formulés ces dernières semaines.

Un tel échec ne permettrait pas de mettre un terme aux sanctions économiques imposées à l’Iran. Elles pourraient même être durcies et rendre la situation économique du pays encore plus catastrophique. C’est en tout cas ce que semble souhaiter le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, lequel reste intransigeant face au rapprochement qui s’opère actuellement entre les Etats-Unis et l’Iran. Il souhaite la poursuite des sanctions économiques et l’interdiction de l’activité d’enrichissement en uranium. La voie vers une intervention militaire serait toujours ouverte en cas d’échec des négociations. Toutefois, une telle intervention ne serait légale que si Israël obtient l’aval du Conseil de sécurité des Nation unies. Dans le contexte actuel, une telle décision paraît donc peu probable. Israël devrait alors faire cavalier seul, au risque de s’attirer les foudres de la communauté internationale, mais surtout celles du régime islamique qui semble être prêt à riposter à une telle attaque. De plus, Benyamin Netanyahu semble aujourd’hui très isolé ayant perdu des soutiens intérieurs et prenant le contre-pied des récents changements de position de la diplomatie américaine[3].

En cas d’échec des négociations, la question des soutiens étatiques et non-étatiques de l’Iran reste ouverte. Alors que le Président iranien semble prendre ses distances avec le régime syrien de Bachar al-Assad, comme en témoignent les récentes déclarations de M. Rohani à propos de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, la poursuite des sanctions pourrait pousser les dirigeants iraniens dans leurs retranchements. Alors que le régime de Bachar al-Assad est fortement contesté et qu’une intervention militaire des puissances occidentales, Etats-Unis et France en tête, n’est pas totalement exclue, l’Iran pourrait poursuivre son soutien au régime en signe d’opposition. De même pour le Hezbollah libanais, fruit de l’extension de la Révolution islamique de 1979, soutien du régime syrien, et à qui l’Iran fournit un appui militaire.

Finalement, à qui peut bénéficier l’échec des négociations ? L’enlisement des négociations peut avoir un intérêt pour les deux parties au conflit comme l’a déjà souligné Bernard Hourcade[4]. D’une part, l’Iran peut poursuivre ses recherches sur le nucléaire en faisant durer les négociations. D’autre part, l’isolement de l’Iran sur la scène internationale peut être accentué par l’échec des négociations qui justifie les sanctions prises à l’encontre de l’Iran. Le durcissement des sanctions peut aussi être une stratégie visant à affaiblir les dirigeants iraniens et à favoriser les contestations internes et peut aussi mener à l’abandon du soutien coûteux au régime de Bachar al-Assad ou à la branche armée du Hezbollah.

Un tel échec pourrait-il mettre un terme au programme nucléaire ? Cette perspective est improbable vue la ténacité dont font preuve les dirigeants iraniens depuis des années. De plus, si la dimension militaire du programme existe bel et bien, elle risque bien de se concrétiser dans la plus grande clandestinité. L’avancement du programme nucléaire est tel qu’un accord s’impose. Or, si on en croit les récents changements à la tête de la diplomatie iranienne, l’heure est à l’ouverture et les Etats-Unis semblent prendre la mesure du changement.

Un scénario optimiste : Le succès de la voie diplomatique

Ce scénario résulterait d’un accord entre l’Iran et le groupe 5+1. Instaurer la confiance entre les parties aux négociations, tel est l’objectif qui se dessine de ce nouveau cycle de tractation. L’Iran semble prêt à démontrer aux dirigeants américains que son programme nucléaire ne comporte pas de dimension militaire, comme en témoignent les récents mouvements d’ouverture de sa diplomatie. Le Secrétaire d’Etat américain, John Kerry, qui s’est montré enclin à trouver une solution diplomatique depuis sa prise de fonction, a réaffirmé que l’Iran se devait de prouver que son programme nucléaire est pacifique[5]. En tout état de cause, il faut que l’une ou l’autre des parties aux négociations soit prête à faire des concessions si l’on veut parvenir à un accord.

D’un côté, l’Iran pourrait accepter de revoir ses ambitions d’enrichissement à la baisse, soit en acceptant de suspendre l’enrichissement à 20%, soit en proposant de réaliser cet enrichissement sous contrôle étroit de l’Agence Internationale de l’énergie atomique (AIEA), garante du respect du Traité sur la non-prolifération que l’Iran a ratifié. L’Iran pourrait aussi accepter une coopération technique, qui a déjà été rejetée par le passé, de manière à ce que l’uranium soit enrichi en étroite collaboration avec les puissances nucléaires du Conseil de sécurité des Nations Unies. D’un autre côté, le groupe 5+1 pourrait accepter l’activité d’enrichissement en uranium si la confiance est restaurée et si l’Iran démontre sa bonne foi en acceptant totalement le contrôle de l’AIEA et en faisant preuve d’une plus grande transparence.

L’enrichissement en uranium, clé de voûte des revendications iraniennes, pourrait bien signer la fin d’un long et pénible processus de négociations. Cela signifierait aussi la fin de plusieurs années de sanctions économiques et de ruptures diplomatiques qui ont isolé l’Iran. La fin de la crise du nucléaire iranien pourrait n’être que le commencement d’une reprise des relations diplomatiques entre l’Iran et les puissances occidentales, sorte de test visant à établir si des relations apaisées sont possibles.

Aussi l’administration américaine, dans sa démarche de rapprochement, ne souhaite-t-elle pas trouver une issue à la crise syrienne en réinstaurant le dialogue avec l’Iran, rare soutien du régime de Bachar al-Assad ? En voyant ses revendications acceptées, les dirigeants iraniens, portés par un sentiment victorieux, pourraient finalement décider de se désolidariser de leur allié syrien. Car l’Iran prétend avant tout au leadership régional. Etre l’ultime clé du règlement du conflit qui a lieu chez son allié syrien pourrait être perçu comme un signe de reconnaissance de son influence régionale. L’appui militaire coûteux et la priorité accordée à la politique intérieure, davantage en phase avec les aspirations de la population après des élections prometteuses, pourraient bien pousser les dirigeants iraniens à choisir cette option[6].

 

Ce dernier cycle de négociations pourrait bien être l’un des plus importants et marquer un tournant dans les relations entre l’Iran et les puissances occidentales.

 

Myriam NICOLAS, étudiante en Master II en 2013-2014

 


[1]    Nusa DUA, « Nucléaire : les Etats-Unis appellent l’Iran à faire de nouvelles propositions », AFP, 7 octobre 2013 http://www.afp.fr/fr/node/1108937.

[2]    Pour plus de précisions sur les pouvoirs du Guide suprême, se référer à l’article 110 de la Constitution de la République islamique d’Iran.

[3]    Jodi RUDOREN, « Netanyahu takes a lonely stance denouncing Iran », New York Times, 11 octobre 2013.

[4]    Bernard HOURCADE, « Israël-Iran, le double usage de la menace nucléaire », Diplomatie n° 60, Janvier-Février 2013.

[5] DUA, op. cit.

[6] Robert F. WORTH, « In Syria crisis, U.S. keeps eye on Iran policy », New York Times, 3 septembre 2013.

 

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