Tag Archives: Frères musulmans

COMPTE-RENDU: LA GUERRE DES ISLAMISMES

19 Fév

Mathieu GUIDERE,  La Guerre des islamismes, Actuel Folio, décembre 2016, 268 p.

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            Ce manuel devrait être lu par tous les enseignants et le personnel des centres de « déradicalisation » (oh ! le vilain mot). Il donne les clefs des déviances actuelles de l’islam dans son avatar djihadiste. Et ce, avec un sens aigu de la pédagogie illustré par des « arborescence » ou organigrammes mettant en parallèle l’évolution par période, pays et déclinaisons doctrinales du christianisme et de l’islam.

            Tout en soulignant comment nos présidents ont joué avec le feu, Sarkozy favorisant le Qatar et donc les Frères musulmans, et Hollande en vendant des armes à l’Arabie saoudite œuvrant pour le salafisme, le riche avant-propos souligne qu’une religion connaît diverses phases de vie. Chacune évolue de façon différente. Le fanatisme vient d’une redécouverte d’une vérité que l’on veut absolue. Ainsi, la secte des Assassins au Moyen Age annonce Al-Qaida et Daech. Spécialiste reconnu de l’islam, l’auteur rappelle aussi les guerres de religions du christianisme, jusqu’à la guerre des Camisards dans les Cévennes et comment le terme de « croisade » est encore employé par George W. Bush en 2003 en envahissant l’Irak. En découle le drame actuel d’un Moyen-Orient à feu et à sang, pour ne rien dire de la triste situation des territoires occupés par Israël.

            Les premiers chapitres donnent les clefs des diverses écoles de l’islam, des tolérants hanafites ottomans (sans oublier les malikites maghrébins dont la forme la plus aboutie est la Tunisie de Bourguiba prônant l’égalité des sexes), aux sectes intégristes du chiisme et du sunnisme. Sont aussi déclinées les diverses définitions du djihad, y compris contre des musulmans, fonds de commerce des ayatollahs depuis 1979 et de Daech depuis 2014. Par la suite, on suit comment Irak, Syrie et Yémen, plus un court intermède au Bahreïn, ont basculé dans des guerres civilo-religieuses.

            Cet ouvrage est un outil pour s’y reconnaître dans la nébuleuse non pas de l’islam mais des islams. On passe des diverses définitions du djihad et ses travaux pratiques sanguinaires, à la guerre des islamismes au Moyen-Orient, en passant par le conflit interne au sunnisme (y compris en Arabie saoudite), les compétitions au Maghreb, au Sahel et jusque dans les confréries soufies. Au fil des pages, on découvre un certain nombre de mines dormantes, tel l’idéologue syrien Sayeb Qub auteur, en 1964, de Jalons pour la voie de l’islam et du « takfirisme »  (takfir  ou « excommunication » et  « guerre sainte » contre d’autres musulmans qui n’appliquent pas strictement la charia). En découle le GIA en Algérie et ses massacres dans la « décennie noire » de 1992 à 2000. Plus qu’Al-Qaida partisan d’une guerre sainte à l’échelle mondiale, Daech s’en inspire pour d’abord imposer un califat local en Syrie-Irak avant d’autres conquêtes. De bonnes pages concernent la conception esclavagiste de la femme par les intégristes (et les fausses promesses de Daech concernant « les califettes ») et la persécution de la minorité yézidie.

            Le dernier chapitre, consacré à la guerre des islamismes en Europe, et la conclusion sont un cri d’alarme qui rejoint les avertissements de Khamel Daoud (« Il ne faut pas laisser le monopole de Dieu aux salafistes ») et de Gilles Kepel dans ses deux derniers ouvrages. L’islam d’Occident tient compte des valeurs communes, liberté, égalité et diversité, mais il est gangréné par le salafisme conquérant marqué par une régression intellectuelle et un militantisme actif. Cette radicalisation confessionnelle conduit aux actes antisémites (hyper cacher à Paris le 9 janvier 2015), départs pour la Syrie, attentats terroristes en Europe…. La contagion confessionnelle extrémiste conduit à la surenchère, en passant du GIA algérien, au djihadisme d’Al-Qaida puis au califat de l’Etat islamique : « Au fil des décennies, l’islamisme radical est devenu de plus en plus politique et idéologique, et de moins en moins doctrinal et religieux ». (p. 242). En profitant d’Internet et des réseaux sociaux (plus phénomène des « télécoranistes »), il en profite pour saper le modèle humaniste que représente aussi « l’islam d’Europe ».              

         Depuis le 11 septembre 2001 le terrorisme est au cœur des relations internationales et des politiques d’Etat. Contre l’islamisme radical qui prit les habits de la démocratie en bénéficiant du printemps arabe, en Egypte, en Turquie et en Russie, des régimes autoritaires entendent lutter contre le terrorisme au mépris des droits de l’homme. Ailleurs, est engagée une lutte, avant tout médiatique, entre les défenseurs de l’humanisme manquant de conviction et de cohésion (sans « logique des idées » dirait Hannah Arendt) et les partisans du confessionnalisme et du communautarisme. Au-delà du choc des civilisations selon Huntington, il s’agit à présent de savoir si l’avenir de l’humanité appartient à la seule définition confessionnelle (Trump abonde aussi dans ce sens), très réductrice et d’acculturation totale ?

                                   Jean-Charles Jauffret

DICTATURE OU… DICTATURE ? GEOPOLITIQUE DE LA SYRIE

15 Fév

Patrice Gourdin prononçait une conférence sur la situation syrienne à l’IEP d’Aix le 15 février 2014. En appui à ses propos, il offre un diaporama avec les différents éléments nécessaires à la compréhension de la situation : Géopolitique de la Syrie.pptx

Le Forum 5+5 : un modèle de coopération militaire euromaghrébin

28 Avr

Enceinte de discussions informelles, le Forum 5+5 est créé en 1990 mais rapidement suspendu en raison des tensions liées à la Guerre du Golfe. Il renaît en 2001. Cette coopération en Méditerranée occidentale offre un espace de partenariat équilibré entre Etats européens (Portugal, Espagne, France, Italie et Malte) et maghrébins (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye). Au départ, c’était un dialogue « 5+4 », Malte n’en faisant pas partie. Elle rejoint le groupe avec son entrée dans l’UE en 2004. L’institution européenne n’est pas non plus impliquée dans ce dialogue. Mais le premier « sommet » « 5+5 » à Tunis est marqué par la présence du président de la Commission européenne aux côtés de ses pairs de la Méditerranée occidentale. Il s’agit alors, il est vrai, de Romano Prodi. Il avait été auparavant l’un des artisans de ce dialogue comme chef de gouvernement italien.
 
Sans instance permanente, le Forum 5+5 fonctionne avec une présidence tournante entre ses membres. Cet outil très flexible connaît notamment un grand succès dans le domaine militaire. En 2004, les ministres de la Défense des 10 pays font une déclaration commune et propose des initiatives concrètes pour répondre aux besoins réels des pays concernés dans le domaine de la sécurité. Après la paralysie dans les Etats concernés par les événements des printemps arabes, le forum 5 + 5 a été réactivé puisqu’il s’est tenu à La Valette au début du mois d’octobre 2012. Le président tunisien Marzouki a alors indiqué quelques éléments de continuités et d’inflexions dans la nouvelle ère qui s’ouvre : « Le 5+5 est un modèle de coopération et complémentarité, ces valeurs peuvent aider à surmonter les problèmes des deux sous-régions », a-t-il estimé. Selon lui, « ce dialogue devrait aider à affronter des défis comme le terrorisme, le crime transfrontalier, le trafic d’armes qui imposent de changer de mentalités ». Il a souligné que le forum euro-méditerranéen 5+5 permet aussi « un dialogue entre civilisations ».
 
Ainsi, les formes de partenariat entrepris en 2004 devrait continuer à montrer l’exemple d’un dialogue sur des questions sensibles entre les deux rives de la Méditerranée, y compris avec des gouvernements islamistes au pouvoir. Sur le plan pratique, les coopérations militaires se font autour de quatre grands thèmes : la surveillance et la sécurité maritime, la sûreté aérienne, la contribution à la protection civile et dans le domaine de la formation et de la recherche. On peut, par ailleurs, remarquer que la grande activité d’activités militaires conjointes (une quarantaine depuis 2008-2009) a été lancée à l’initiative du couple franco-algérien, alors qu’on décrit souvent les rapports tendus entre les deux Etats.
 
Systématiquement, les activités en question fonctionnent sur le principe du consensus et de la parité. Les travaux se font sur l’espace stratégique resserré et commun aux 10 membres sans élément de politisation. Chaque année, en décembre, les ministres de la Défense se réunissent pour valider le plan d’action pour l’année qui suit. Le suivi est assuré par un comité directeur qui se réunit en mars et en novembre. Mais la véritable coordination se fait par des contacts quasi-quotidiens ; pour la France, ils se font au niveau de l’Etat-Major des Armées (EMA). Les activités planifiées chaque année peuvent concerner des exercices (notamment maritimes), mobiliser de groupe d’experts ou se traduire par des séminaires communs. Ils sont souvent en phase avec les défis communs aux membres, comme les trafics en méditerranée ou la crise sahélienne. Par exemple, les 12 et 13 octobre 2010, l’Algérie organisait un exercice baptisé Circaet. Il s’agissait de simuler une menace dans l’espace de la Méditerranée occidentale. Les différents pays devaient faire décoller sur alerte leurs avions de chasse pour intercepter les renegade qui survolaient leur territoire[1]. Il a été reconduit les années suivantes.
 
Les propositions françaises sont conçues par le Centre de Planification et de Conduite des Opérations (CPCO). La Libye est actuellement porteuse d’un projet de centre de formation au déminage humanitaire et pour l’élimination des restes de guerre en lien avec ses préoccupations nationales après les opérations militaires qui ont conduit à la chute du colonel Kadhafi. La Tunisie souhaite, pour sa part, voir se développer un Centre Euro-Maghrébin de Recherche et d’Etudes Stratégiques (CEMRES). Ce think tank commun gommerait les approches culturelles dans la perception des enjeux stratégiques. L’Italie travaille essentiellement sur les systèmes d’échanges d’informations dans le domaine maritime. L’Algérie et l’Espagne souhaitent concrétiser la mise en place d’un réseau de points de contacts en cas de catastrophe majeure dans l’espace de la Méditerranée occidentale. Malheureusement, ce dernier projet avance peu[2].
 
L’une des initiatives les plus positives a été la mise en place d’un Collège « 5+5 Défense », dans le domaine de la formation. Initié en décembre 2005, le projet du Collège « 5+5 Défense » a été officiellement agréé et lancé lors de la réunion annuelle des ministres de la défense des pays partenaires de l’Initiative « 5+5 Défense », le 10 décembre 2007 à Cagliari. A l’heure actuelle, il comporte 3 niveaux : senior, intermédiaire et junior (lieutenants et jeunes capitaines) auxquels viennent s’ajouter des formations particulières. Le collège « 5+5 Défense » comprend un comité pédagogique, composé de représentants des ministres de la Défense des Etats membres. Il est chargé de la coordination entre les Etats membres ; il se réunit une fois par an en France et propose au comité directeur les méthodes et les grands axes de travail du comité pédagogique ainsi que l’organisation et la planification des activités du collège[3]. A ce jour, 26 modules de travail (7 à l’échelon sénior, 11 à l’échelle intermédiaire et 7 pour le niveau initial) ont permis de former 300 auditeurs[4].
 
Ainsi, les relations sécuritaires et militaires de part et d’autre de la Méditerranée occidentale ne doivent pas être systématiquement perçues comme tendues ou frontales. Les rapprochements réussis des 10 Etats membres du Forum 5+5 est d’ailleurs regardé très positivement. Cette initiative réussie, surtout si on la juge en comparaison du processus euroméditerranéen (Processus de Barcelone puis UpM), pourrait être rejointe par d’autres Etats. Avant les « printemps arabes », l’Egypte et la Belgique avaient ainsi manifesté leur désir de rejoindre le forum. La Belgique avait ainsi sondé les pays membres arguant du fait qu’elle peut être considérée comme un pays proche car une partie de sa population est méditerranéenne (Italiens et Maghrébins). Pour l’Egypte, la question en suspens aujourd’hui tient essentiellement à l’attitude diplomatique que souhaitent adopter les Frères musulmans au pouvoir. Rappelons par exemple le discours de Mohamed Morsi de condamnation de l’intervention française au Mali.

[1] http://www.defense.gouv.fr/actualites/international/les-5-ans-du-lancement-de-l-initiative-5-5-defense

[2] Le point sur ces différents projets a été donné par Gilles Bellamy et Benoît de La Ruelle lors de leur conférence aux « Entretiens d’Euromed-IHEDN » à Marseille le 8 avril 2013.

[3] http://www.ems.defense.gouv.fr/spip.php?article84

[4] Chiffres donnés par Gilles Bellamy et Benoît de La Ruelle lors de leur conférence aux « Entretiens d’Euromed-IHEDN » à Marseille le 8 avril 2013.
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