LE PR ANDRE MARTEL, FONDATEUR DES ETUDES DE DEFENSE A MONTPELLIER ET AIX, S EST ETEINT LE 15 AOÛT. SON COLLEGUE ET SUCESSEUR, LE PR EMERITE JEAN-CHARLES JAUFFRET, RETRACE L ITINERAIRE DE CE BRILLANT HISTORIEN DU FAIT MILITAIRE
Professeur André MARTEL
1930-2019,
officier de la Légion d’honneur,
officier des Palmes académiques,
chevalier de l’Ordre national du mérite à titre militaire
Issu de deux lignées de paysans provençaux, André Martel est né à Cavaillon en 1930. Son père, ancien maréchal-des-logis chef de gendarmerie à cheval, cité au feu pour action d’éclat lors de la campagne de Syrie en 1925, était officier de sapeurs-
pompiers volontaires. Un an avant sa mort, en janvier 2018 André Martel lui consacrait une des très rares biographies sur un sous-officier de la gendarmerie : Maurice Martel, sous-officier de gendarmerie à cheval, 1890-1969. Mémoires et récits, Paris Bernard Giovanangeli Editeur. Elève de l’école communale de sa ville natale puis au Lycée d’Avignon, André Martel prépara l’agrégation d’histoire à Aix-en-Provence tout en enseignant comme délégué rectoral (1952). Dès lors, il compléta sa carrière d’enseignant-chercheur et administrateur par celle d’officier de réserve orienté vers les responsabilités de Défense.
I - L’universitaire et l’historien
À sa demande, après avoir rempli ses obligations militaires, André Martel fut affecté en Tunisie où il enseigna l’histoire au Collège Sadiki de Tunis, de recrutement tuniso-musulman, à l’Institut des Hautes Études, à la Faculté des Lettres de Tunis-Kasbah de 1954 à 1959 puis de 1962 à 1967. De 1959 à 1962, rattaché au CNRS, il compléta à Paris, à Alger, à Rome et à Londres les recherches entreprises en Tunisie sur Les Confins saharo-tripolitains de la Tunisie 1881-1911, sujet de sa thèse d’Etat de doctorat ès-lettres soutenue en Sorbonne en 1966 sous la direction du doyen Pierre Renouvin. Nommé professeur d’histoire contemporaine à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Montpellier en 1967, il fut élu vice-président de la nouvelle Université Paul Valéry Montpellier III en 1970, puis président en 1975. Sa présidence « impériale » donna tout son lustre à l’Université Paul Valéry en l’ouvrant, notamment, à l’international. En 1980, il fit partie des cinq présidents réélus, chassés par la loi Savary de leur fonction avec interdiction de se représenter. Sept ans plus tard, il obtint une chaire d’« Histoire de la Défense » à l’Institut d’ Études Politiques d’Aix-en-Provence qu’il occupa pendant dix ans. A Aix, très proche du regretté Bruno Etienne, outre l’histoire militaire et les études de défense, le professeur André Martel fit de son cours d’histoire des relations internationales un des piliers de l’enseignement de seconde année. Membre de l’Académie d’Aix-en-Provence il sut, avec le soutien des directeurs successifs de l’iep d’Aix que furent Jacques Bourdon et Jean-Claude Ricci, ouvrir à la fois sur l’histoire localeet aussi sur les questions géopolitiques méditerranéennes.
A la fois administrateur hors pair et chercheur, le professeur André Martel fut le fondateur de l’école historique de Montpellier et son extension à Sciences Po Aix en histoire militaire contemporaine. Celle-ci était centrée sur l’homme en guerre et l’homme de guerre, dans le sens de l’histoire totale mêlant géostratégie, sociologie, politique, culture et croyances, traditions militaires, études tactiques, économies de guerre, industries de guerre et armements, prosopographie d’officiers… En octobre 1968 il créa à Montpellier le Centre d’histoire militaire et d’études de défense nationale, mentionné en 1998 dans l’article « Montpellier » mention CHMEDN. A partir de 1970, à la demande du professeur Pierre Guiral il développa un enseignement d’histoire militaire et de défense à l’Institut politique d’Aix-en-Provence. A la fois directif et dynamique, en confrontant l’histoire militaire à d’autres approches et en renouvelant sans cesse les axes d’études, le professeur André Martel et son Centre d’histoire miliaire furent à l’origine de grands colloques internationaux, dont en 1974 Le Recrutement militaire ou de 1981 à propos de Forces armées et système d’alliances (82 intervenants). A l’écoute des jeunes chercheurs, membre de plusieurs comités de rédaction de revues scientifiques, il créa en 1981 la propre revue du Centre, Histoire et Défense. Les Cahiers de Montpellier.
Dès 1979, le professeur André Martel donna encore plus de lustre à l’école d’histoire militaire de Montpellier en mettant en place en 1979 la première unité de recherches du CNRS, l’ERA 779, « Forces armées et institutions de défense » qu’il dirigea pendant dix ans. Devenue unité de recherche associée (URA 1019), cette structure fut à l’origine de la prestigieuse UMR 5609 (Unité mixte de recherche) Etats-Idéologies-Défense », que dirigea le professeur Jules Maurin qui succéda à André Martel à son départ pour l’IEP d’Aix en 1987. Ce dernier établissement était par ailleurs rattaché à cette UMR pour thèses et DEA puis masters 2 jusqu’en 2007.
Débordant d’activité, fréquemment invité dans des universités étrangères, auteur d’une cinquantaine d’articles et de communications, vice-président de la Commission internationale d’histoire militaire, cet homme de rigueur et de grande probité intellectuelle était avant tout un grand historien. Outre la publication de sa thèse, la direction de maints ouvrages, dont le tome IV de l’Histoire militaire de la France. De 1940 à nos jours (PUF, 1991), on lui doit la présentation érudite de Foch. Des principes de la guerre, PUF, 1997, qui fait encore autorité dans les académies militaires. Fin connaisseur des arcanes des services historiques de Vincennes (il était très proche du général-historien Jean Delmas qui dirigea de main de maître le Service historique de l’armée de terre), et des ressources des archives diplomatiques tant américaines que françaises, le professeur André Martel fut l’auteur de la monumentale biographie du maréchal Leclerc, le soldat, le politique, publiée en 1998 chez Albin Michel et couronné, en 1999, du prix Maréchal Foch de l’Académie française. En 2006, accompagné d’une préface du gendre de Charles de Gaulle, le général d’armée Alain de Boissieu, André Martel restituait la mémoire oubliée de Félix et Colette Pijeaud, deux héros de la France libre (Privat). Enfin, en 2017, il publiait chez l’Harmattan grâce au soutien de Fabienne Lehouérou, La Libye, des Ottomans à Daech, actualisation du précédent plusieurs fois édité : La Libye, 1835-1990. Essai de géopolitique historique, PUF, 1991.
Enfin, pour rester dans cette ville universitaire aixoise qu’il avait tant aimée, André Martel, professeur émérite de classe exceptionnelle, se retira de la vie active en 1998. Il a fini ses jours, près de Sciences Po Aix, à la Résidence-Pasteur, ancien hospice créé par Jacques de La Roque au tout début du XVIe siècle. Entouré de « l’escadron sacré » de ses disciples et amis, il s’est éteint paisiblement, le 15 août 2019, au jour et à l’heure de la naissance de l’Empereur, ce qui convient à un historien militaire !
En juin 1997, son disciple-successeur à l’Université Paul Valery (1991-1997) l’IEP d’Aix (1998-2016), le professeur Jean-Charles Jauffret, qui lui succédait sur la chaire d’histoire de la défense de Sciences Po Aix, lui offrait un livre de mélanges, Les Armes et la toge. Ce titre résume l’engagement de toute une vie. Il faut, en effet, évoquer l’homme sous l’uniforme au service de la Nation.
II L’officier de réserve
Préparant l’agrégation, André Martel avait suivi les cours de la Préparation Militaire Supérieure à l’examen de laquelle il ne put se présenter car fixé à la même date que l’agrégation. Refusant un poste au Lycée militaire d’Aix-en-Provence, il demanda à servir dans un régiment de l’ABC (Arme Blindée Cavalerie). Affecté en novembre 1952 au 11e Régiment de cuirassiers à Orange, il y conquit par le rang les galons de brigadier et brigadier-chef avant d’être envoyé à Saumur à l’École d’Application de l’ABC d’où il sortit sous-lieutenant réaffecté à Orange. En 1956, enseignant alors en Tunisie, il fut affecté au camp de Bou Ficha, au titre du 8e Régiment de chasseurs d’Afrique. Durant son séjour parisien, il accomplit à Saumur un stage de franchissement de grade et fut nommé capitaine en 1962. À son retour en métropole en 1967, il reprit sa formation, effectua un nouveau stage à Saumur et fut promu chef d’escadrons en 1970, lieutenant-colonel en 1976 et enfin colonel en 1981, toujours comme officier de troupe.
L’historien fut aussi membre du conseil de perfectionnement de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan de 1988 à 1992. Très attaché à l’enseignement de l’histoire militaire pour les commissaires des armées de l’Air et de Terre, André Martel y développa un enseignement actif doublé de la rédaction de mémoires de recherches auprès des écoles de Salon-de-Provence et de Montpellier. De plus, en 1988-1989, le Centre des hautes études de l’armement lui demanda de diriger le groupe histoire du Comité technologie et Défense, 1754-1989 ». Intervenant à de nombreuses occasions au sein de l’Ecole supérieure de guerre et à l’Ecole militaire à Paris et devant l’IHEDN dont il était auditeur (session nationale) le professeur André Martel fut choisi en 1990 comme expert, à Toulon, auprès de la Fondation militaire d’études stratégiques. Par ailleurs, il était membre libre de l’Académie des Sciences d’outre-mer. Enfin, cité du Livre, bibliothèque Méjanes à Aix-en-Provence, en assurant la première présidence, c’est lui qui lance entre 1993 et 1997 l’association des amis de Jules Isaac.
Jean-Charles Jauffret
Madame, Monsieur,
Au nom du musée de la Libération de Paris - musée du général Leclerc - musée Jean Moulin, dont il fut conseiller scientifique, je vous remercie de transmettre à la famille du professeur André Martel les plus sincères condoléances.
Veuillez recevoir l’expression de ma considération distinguée
Sylvie Zaidman
conservatrice en chef du patrimoine
directrice du musée de la Libération de Paris - musée du général Leclerc - musée Jean Moulin
Ce sera transmis. Merci pour la famille.