Histoire des exportations françaises d’armement

          Par Nicolas CADOT, Rayan HACINI, Clémentine LIENARD et Laura LINK

 

          En 2017, La France était, derrière les Etats-Unis et la Russie, le troisième exportateur d’armements au monde. Cette place privilégiée de la France dans le secteur du commerce des armes, au sein duquel elle représente environ 6% des transactions totales depuis 2012, est loin d’être le fruit d’une progression linéaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle est au contraire la résultante d’une série d’évolutions profondes et rapides qui se sont notamment accélérées avec la fin de la Guerre Froide et l’entrée dans un monde marqué par le multilatéralisme et la hausse de l’incertitude. Parmi ces évolutions, trois nous apparaissent aujourd’hui capitales pour comprendre l’apparente réussite à l’export de l’armement français. Tout d’abord, il s’agira de comprendre les grandes évolutions de la ligne politique en termes d’exportation d’armements depuis le début de la Cinquième République. Il sera par la suite temps d’analyser les transitions géographiques, s’il y en a eu, qu’a connu cette politique, pour déterminer quels ont été les partenaires majeurs de la France et tenter d’en comprendre les raisons. Enfin, il s’agira d’étudier les mutations du cadre légalo-institutionnel en matière de commerce d’armements, aux niveaux national et international pour en connaître et en appréhender les implications à l’échelon français. Cette triple analyse permettra l’ouverture d’un dernier volet consacré aux perspectives d’avenir qui, bien qu’entaché de tous les défauts d’une analyse prospective, permettra d’évoquer les problématiques susceptibles de limiter le rôle de la France en termes d’exportations d’armes.

La politique d’exportation d’armements française s’est tout d’abord traduite par la défense d’une logique d’indépendance sous l’égide du général De Gaulle, dans un contexte de Guerre Froide où prédominait la figure des Deux Grands. En plus d’être un moyen de défendre la grandeur de la France sur le plan international, la politique d’exportation volontariste venait également soutenir une Base Industrielle et Technologique de Défense BITD en difficulté face à la faiblesse du marché national. Cette politique d’exportation dite « tous azimuts » et qui se présente comme une alternative aux marchés américain ou soviétique (et donc principalement tourné vers les « non alignés »), se poursuivra sous les présidences de Valéry Giscard d’Estaing et de François Mitterrand. La fin de la Guerre Froide, si elle est une période qui se symbolise en grande partie par la réduction des ventes d’armes par la France (-12% entre 86 et 95), est aussi celle de la modernisation de l’équipement français d’armements. L’incertitude créée par les nouvelles problématiques sécuritaires de ce début de siècle, notamment en Asie et au Moyen-Orient, permettent en partie d’expliquer la vitalité retrouvée des exportations française d’armements sous les présidences Sarkozy et Hollande, qui doivent également beaucoup aux simplifications administratives des plans Million de 1997 et de la création du Comité des exportations de Défense (COMED).

Cette relative linéarité dans la politique d’exportation française en matière d’armements n’a cependant pas empêché celle-ci de connaître de nombreuses mutations géographique variant notamment au gré des alliances et des bouleversements géopolitiques du moment. Si des permanences existent, notamment en Asie et au Moyen-Orient, celles-ci datent pour la plupart de la fin de la Guerre Froide. La carte des exportations était en bien différente auparavant: bien qu’handicapée par sa sortie du commandement intégré de l’OTAN en 1966, l’Occident représentait, entre 1961 et 1990, près de 27% du total des exportations d’armement française. Celles-ci se sont par la suite redirigées vers les régions du Golfe arabo-Persique à partir des années 70, puis vers la zone Asie-Pacifique à la fin des années 90, avec notamment des contrats faramineux en Inde et en Australie au cours de l’année 2016, pour ne citer qu’eux.

L’historique des exportations d’armements français ne saurait être complet sans sa mise en perspective avec le contexte juridico-institutionnel dans lequel elles se sont développées; au niveau national tout d’abord, avec la mise en place d’un processus complexe d’accréditation et de dispense des licences à l’exportation qui voit se succéder une foule d’organismes chargés de son encadrement. Celle-ci s’exprime également à l’échelon international; à l’échelle communautaire tout d’abord, avec une harmonisation et une simplification des politiques d’exportation d’armements, qui s’incarnent désormais au sein de l’Union Européenne par la Position Commune et le Code de conduite européenne en la matière ; au niveau international, elle s’est traduite notamment par un durcissement des normes de l’OTAN et de l’OSCE, et par un volontarisme politique de la part de la France, qui a par exemple –et à l’inverse de ses principaux concurrents- signé et ratifié le Traité sur le Commerce des Armes en 2013, qui limite ses potentialités d’exportation.

Ces évolutions permettent de se livrer à une analyse prospective du futur de l’exportation d’armements par la France. Géographiquement, celles-ci, au vu des tendances actuelles, semblent logiquement tournées vers les zones Asie-Pacifique et Moyen-Orient. Face aux menaces que représentent notamment le renforcement de la concurrence internationale, due à l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs et le durcissement des configurations préexistantes, ainsi qu’au renforcement des restrictions internationales, la France est loin d’être sans ressources. La modernisation de son arsenal et la modularisation de ses équipements, de même que la transformation structurelle opérée par la Loi de Programmation Militaire 2019-2025 doivent entre autres permettre à celle-ci de conserver son rayonnement international en la matière, qui a vocation à s’européaniser de plus en plus à l’avenir, si l’on s’en tient au volontarisme politique aujourd’hui affiché.

L’actualité récente des contrats CaMo avec la Belgique met en évidence les logiques et les problématiques qui sous-tendent l’histoire des exportations d’armements en France: ce succès en demi-teinte, qui a vu l’acquisition par la Belgique de 442 véhicules blindés (au lieu des 472 initialement prévus), souligne la vivacité de la politique d’exportation française en la matière tout en soulignant les complexités spécifiques qui existent en la matière.

Bibliographie : 

Ministère des Armées

Houdaigui, Rachid El, « LA RÉGLEMENTATION FRANÇAISE EN MATIÈRE DE CONTRÔLE DES EXPORTATIONS D’ARMES CONVENTIONNELLES ». Paix et Sécurité Internationales, Revue Maroco-Espagnole de Droit International et Relations Internationales-

Livre Blanc de la Défense, 2013

Loi de Programmation Militaire 2019-2025

Rapport Annuel au Parlement sur les Exportations d’Armes, 2018

Revue Stratégique de Défense et de Sécurité Nationale 2017

 

 

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