PUBLICATION D ANDRE MARTEL, FONDATEUR DE NOTRE MASTER

Ce post a une saveur particulière. Il rend compte de l’ouvrage récemment publié par le Pr André Martel, fondateur de l’école d’Histoire militaire de Montpellier en 1968. Professeur puis président de l’université Paul-Valéry à Montpellier, il y créé un master consacré aux études de défense et de sécurité qu’il duplique ensuite à l’IEP d’Aix où il achève sa carrière en 1997. Le compte-rendu de l’ouvrage est réalisé par le Pr Jean-Charles Jauffret qui lui a succédé, a dirigé le master jusqu’en 2016 et au sein duquel il continue à assurer des cours. N’hésitez pas à vous procurer ce bel exercice d’un historien qui, avec sa méthode, revient sur une mémoire familiale (Walter Bruyère-Ostells) :

André MARTEL, Maurice Martel, sous-officier de gendarmerie à cheval, 1890-1969. Mémoires et récits, Paris Bernard Giovanangeli Editeur, janvier 2018, 212 p., 18 euros.

Fondateur de l’école historique de Montpellier en matière d’histoire militaire, le professeur André Martel signe un ultime ouvrage, écrit « à la tombée du soir », des plus émouvants et des plus neufs consacré à son père. Et ce, à partir de Mémoires manuscrits rédigés à 70 ans et des récits que Maurice fit à son fils unique tout au long de sa vie. Comme le note le préfacier, le général de gendarmerie Jean-Régis Véchambre, l’auteur offre une histoire « à hauteur d’homme », incluant ses choix professionnels, ses croyances, ses engagements lors des deux conflits mondiaux. Ce livre porte témoignage du quotidien de la vie d’un gendarme du début du siècle dernier. Les récits de vie relatifs à cette arme sont rares et plus encore ceux qui concernent les sous-officiers. Cet homme de devoir, de principes, catholique pratiquant, natif du Plan d’Orgon dans la basse Provence rhodanienne, épouse une « pays », comme lui d’origine paysanne aisée. Ce qui permet à l’auteur de décrire, chose rare, la vie d’une épouse, « encasernée », mais qui sait aussi faire preuve d’initiatives comme ouvrir un atelier de couture dans le souk de Damas, quand son mari est détaché en Syrie.

Appelé le 9 octobre 1912, Maurice Martel reste sous les armes jusqu’en août 1919. On découvre à ce propos un témoin de la bêtise administrative dont tous les survivants de sa classe sont les victimes. D’abord hussard au sein du 11e régiments de Tarascon, il monte au feu en Lorraine en 1916 sur la rive droite de la Meuse, puis est muté au 13e chasseurs en décembre 1915. Maurice Martel est en première ligne face aux Bulgares, en Macédoine, puis nommé au grand-quartier-général de l’Armée d’Orient. En dépit de sa conduite toujours citée en exemple, malgré quatre ans de guerre… il est contraint de terminer son temps de service de deux ans qui avait été « perturbé » par la mobilisation d’août 14 ! Excellent cavalier, il est affecté au 18e régiment du train, à Bordeaux. Il est donc « maintenu en service » et se retrouve gendarme auxiliaire à Pouaystruc, au pied des Pyrénées.

Rentrant enfin chez lui, il se sent de trop dans la famille depuis le remariage de son père avec une femme autoritaire. Il décide de rengager dans la gendarmerie en 1920. De l’école de gendarmerie de Moulins, à ses affectations à Aubagne puis Peyrolles (près d’Aix-en-Provence), on suit les tournées à cheval, la vie en caserne et les contraintes de service du brigadier Maurice Martel. Ainsi, pour déjouer les pillages de nuit de wagons de marchandises entre Marseille et Aubagne, les gendarmes montent des embuscades. Le plus captivant dans ce récit de vie est l’affectation, à sa demande, du « chef Martel » (maréchal des logis-chef) au Levant entre 1925 et 1927. Affecté à la prévôté de Damas en état de siège, participant à deux colonnes légères formées contre les insurgés, décoré la Croix de guerre TOE pour action d’éclat sous le feu des Druzes dans la région de Soueïda, faisant fonction de juge d’instruction ou assurant la sécurité d’une maison close, un parfum d’aventure accompagne ce séjour exotique du soldat de la loi.

A son retour en métropole, chef de brigade à Salon, la routine l’ennuie. Il prend une retraite proportionnelle à Cavaillon, en 1929, où il devient peu après agent général d’assurances et lieutenant responsable des sapeurs-pompiers volontaires. Rappelé au service en septembre 1938 au moment de la crise de Munich et responsable de la défense passive au temps de la « drôle de guerre », il n’accepte pas la défaite et croit une revanche possible. Un temps maréchaliste et jamais vichyste (en raison de l’antisémitisme et de la collaboration), il aide des Alsaciens-Lorrains expulsés, cache de jeunes sapeurs-pompiers volontaires qui fuient le STO et ferme les yeux sur les dépôts de la Résistance. A la Libération, le Comité de libération nationale refuse sa démission et le maintient à la tête des sapeurs-pompiers de Cavaillon.

Comme le note, dans la postface, le général de gendarmerie Philippe Gerbault, André Martel a su de façon magistrale décrire la pesanteur du service, mais aussi le prestige de la gendarmerie à travers le récit de vie d’un honnête homme. Il a servi avec honneur et fidélité son pays dans des circonstances dramatiques. Son fils en est le digne héritier.

                                               Jean-Charles Jauffret

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