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EN SYRIE, LA FRANCE DOIT-ELLE VRAIMENT S’APPUYER SUR LES TROUPES KURDES CONTRE DAESH ?

26 Nov

Etudes géostratégiques vous invite à lire l’article du Huffington Post consacré la question où Walter Bruyère-Ostells  propose aux côtés d’Olivier Roy des pistes d’analyse des évolutions dans le jeu d’alliance dans la lutte contre l’Organisation Etat islamique :

http://www.huffingtonpost.fr/2015/11/26/syrie-france-troupes-kurdes-daech_n_8648444.html?utm_hp_ref=france

 

ENTRE KURDES ET POLITIQUE RÉGIONALE : LA TURQUIE FACE A SES AMBIGUITES

5 Oct

Depuis l’apparition du nationalisme kurde, les élites turques se sont montrées inconséquentes dans leur aptitude à résoudre le problème de la présence kurde sur le territoire anatolien. Perçue tour à tour comme un obstacle à détruire ou comme un enjeu électoral, la question kurde a toujours été appréhendée comme une problématique à court terme, réduisant du même coup, son importance à celle d’une simple contingence politique. A partir de 1978, l’apparition du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui prône une lutte armée « généralisée », va forcer les autorités turques à reconsidérer l’ampleur de la question kurde.

De nombreux éléments historiques vont plaider en faveur d’une résolution  pérenne du conflit. La présidence de Turgüt Özal  annonce un effort de réconciliation entre les deux parties en présence en brisant le tabou kurde. De mère kurde, il devient le président de la République de Turquie le 9 novembre 1989. Il est le premier à reconnaitre de manière officielle  la réalité du fait kurde au plus haut niveau de l’Etat. Il encourage le développement du mouvement légaliste en soutenant la création du Parti Populaire du Travail (HEP). En effet, le président Özal voit dans l’existence d’une représentation parlementaire kurde pacifique le seul moyen de juguler l’influence croissante du PKK au sein de la population kurde de Turquie.

De même, six années plus tard, l’arrestation d’Abdullah Öcalan, père fondateur du mouvement et leader indiscutable du PKK, porte un coup sévère au mouvement national kurde tout entier. Le 16 février 1999, il est capturé sur le territoire kenyan dans une opération menée conjointement par les services secrets turcs, américains et israéliens. Le mythe d’un chef insaisissable, pourfendeur de l’Etat turc, se désagrège, renvoyant les Kurdes à leur propre impéritie. L’emprisonnement d’Öcalan est toutefois l’occasion d’un revirement stratégique radical du parti en faveur de la résolution diplomatique du conflit. Le 2 août 1999, alors qu’il vient d’être condamné à mort par les autorités turques, Abdullah Öcalan appelle à la suspension immédiate de la lutte armée et au retrait des combattants du PKK du sol turc vers les montagnes du Kurdistan irakien. Sa peine est finalement commuée en prison à perpétuité sous la pression occidentale.

Dans un contexte de rapprochement entre la Turquie et l’Union européenne[1], le PKK espère tirer son épingle du jeu en posant la résolution de la question kurde comme une condition préalable à l’adhésion. Dès lors, il n’est plus question de libération nationale, ni même d’autonomie des régions kurdes. Le parti ne revendique désormais plus que des droits d’ordre culturel. En effet, le gouvernement Ecevit entreprend une politique de réforme dite des « paquets d’harmonisation législative ». Il s’agit alors de favoriser le rapprochement du système turc avec le modèle européen de protection des droits et libertés. Le 17 décembre 2004, le Conseil européen prend acte et donne son feu vert à l’ouverture des négociations d’adhésion.

De manière concomitante, la Turquie mène sur la scène intérieure une politique dite d’ « ouverture démocratique » qui se traduit par un certain nombre d’avancées concernant les droits culturels de cette minorité. En date du 1er janvier 2009, une nouvelle chaîne de télévision publique, TRT 6, est lancée en Turquie. Elle a comme particularité de diffuser un certain nombre de programmes en kurmandji, dont la pratique fut longtemps interdite en Turquie.  Le 13 novembre 2009, Besir Atalay, ministre de l’Intérieur turc, annonce trois mesures relatives à la question kurde. La première est relative au droit pour les communes kurdes dont le nom a été turquisé de revenir à leur nom d’origine. La seconde fait état de la mise en place d’une commission indépendante qui aura vocation à enquêter sur les violations des droits de l’homme dans la région du Sud-Est et la troisième concerne l’autorisation de s’exprimer en kurde dans la vie politique turque[2]. De plus, en 2009, des négociations s’ouvrent, dans le plus grand secret, à Oslo entre les renseignements turcs (MIT) et des hauts représentants du PKK. Pour la première fois de l’Histoire, des négociateurs des deux camps se trouvent à la même table, discutant de la suite à donner aux demandes du peuple kurde. C’est l’occasion pour le PKK de formuler ses deux exigences majeures à savoir la reconnaissance du peuple kurde par l’octroi des droits individuels dont il est privé et la mise en place d’une autonomie démocratique pour les régions kurdes du Sud-Est. Cette première prise de contact qui ne débouche sur aucun résultat concret offre au moins l’intérêt de rompre avec le traditionnel discours selon lequel l’Etat turc ne négocie pas avec les « terroristes ».

Toutefois, alors que ces mesures sont l’occasion de mettre définitivement à bas le discours officiel d’une République unitaire fondée autour de l’ethnie turque, les concessions accordées au mouvement kurde restent néanmoins très marginales.  L’aspect symbolique des mesures ne parvient pas à masquer la déception du mouvement kurde face à une ouverture qu’il considère davantage comme une manœuvre politique de séduction qu’une véritable révolution dans l’administration politique de ce peuple. En effet, les trois revendications principales formalisées par le mouvement légal kurde sont la reconnaissance constitutionnelle du fait kurde et des langues kurdes, l’enseignement en langue kurde et le renforcement de l’autonomie des pouvoirs locaux au Sud-Est, trois points semblables à ceux évoqués par Öcalan dans sa feuille de route pour sortir du conflit.

De plus, la tentative de rapprochement avec l’Union européenne est un échec. Un an après le début des négociations en octobre 2005, les relations turco-européennes sont au point mort. La question de la partition de Chypre, membre à part entière de l’Union européenne depuis 2004, est un point d’achoppement diplomatique qui reste, pour le moment, indépassable. En effet, depuis 1974, la Turquie occupe le nord de l’île et conteste la légitimité du gouvernement de Nicosie qui est par ailleurs reconnu par la communauté internationale. Devant le refus turc d’ouvrir ses ports et aéroports aux moyens de transport en provenance de Chypre, le Conseil des ministres européen décide finalement de suspendre les discussions d’adhésion avec la Turquie.

            La déconvenue européenne qui en résulte force la Turquie à repenser sa politique extérieure. Après s’être tournée sans succès vers l’Occident, elle va à présent regarder davantage vers l’Est. Le Parti de la justice et du développement (AKP), arrivé au pouvoir en 2002, va alors se trouver confronté à un monde musulman avec lequel il entreprend une politique de « zéro problème avec les voisins » qui se révèle être une politique d’hégémonie régionale. L’objectif attitré de cette politique est la constitution d’une zone de paix et de stabilité dans la proximité immédiate de l’Etat turc.

Cette posture est facilitée par le traumatisme que représente la projection de forces américaines en Irak en date de l’année 2003. Cette opération militaire d’envergure est perçue comme une intrusion dans la sphère moyen-orientale. Elle est par conséquent à l’origine d’une détérioration des relations entre les Etats-Unis et la Turquie. Le 1er mars 2003, l’Assemblée nationale turque s’oppose à la demande américaine de mise à disposition de ses infrastructures militaires. Conjointement, les relations bilatérales qu’entretient la Turquie avec ses voisins immédiats vont s’améliorer. En 2004, la Turquie et la Syrie signent un accord de libre-échange qui est le point de départ d’une « lune de miel » entre Erdogan et Bachar El-Assad. Sur la même période, le commerce bilatéral entre la Turquie et l’Iran explose, le volume monétaire passant de deux milliards de dollars US en 2001 à vingt-deux milliards de dollars en 2012[3]. Outre l’association en matière économique, les années 2000 sont aussi l’occasion d’une entente sécuritaire concernant le PKK et ses affiliés régionaux comme le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK) en Iran ou le Parti de l’union démocratique (PYD) en Syrie. 

Dans le cadre de cette politique, le rapprochement le plus significatif s’effectue avec le Gouvernement régional du Kurdistan irakien (GRK), entité politique fédérée du Nord de l’Irak. Reconnue par la Constitution irakienne de 2005, il s’agit de la seule émanation kurde dotée d’une réelle  autonomie politique. Le GRK dispose ainsi de son propre parlement, habilité à  édicter des lois, et d’un corps armé composé de peshmergas qui veillent sur ses frontières territoriales. Si l’Irak est devenu depuis 2011 le deuxième partenaire commercial de la Turquie avec près de douze milliards de dollars d’échanges en 2013, 70% de ces opérations financières ne concernent que la région kurde qui fournit abondamment la Turquie en pétrole[4]. L’appui de la Turquie est pour le GRK une condition fondamentale à la conservation de son autonomie rudement acquise au détriment de Bagdad. En effet, la quasi-indépendance du GRK vis-à-vis du gouvernement central irakien est assurée par la viabilité économique de la région, dépendant quasi-exclusivement des exportations pétrolières à destination de Turquie. Ainsi, en se présentant comme un client régulier, la Turquie se porte garante de la subsistance d’une entité kurde à ses frontières.

 

Cette alliance a priori contre nature pour la Turquie possède néanmoins plusieurs avantages. Tout d’abord, elle signifie une perte de revenus conséquente pour l’Etat central irakien puisque 95% des revenus du pays proviennent du pétrole et que le Kurdistan irakien renferme la deuxième source de pétrole d’Irak avec une capacité de production de cent vingt-cinq milles barils par jour. L’affaiblissement financier de l’Irak constitue une bonne nouvelle pour l’ambition turque de devenir la puissance régionale de référence. De plus, les relations plus que cordiales qu’entretiennent Erdogan et Massoud Barzani, président du GRK, permettent au gouvernement de l’AKP de faire pression sur le PKK, présent depuis 1999 sur le sol irakien, par l’intermédiaire du GRK. En ce sens, le soutien du GRK est régulièrement instrumentalisé par l’AKP pour montrer qu’il œuvre en faveur des Kurdes. En novembre 2013, la visite de Barzani à Diyarbakir, accueilli comme un véritable chef d’état, est clairement motivée par l’approche des élections locales de mars 2014. Elle permet la promotion d’ « une identité kurde alternative à celle proposée par Öcalan »[5]. Ainsi, d’un point de vue externe, elle sape la capacité du PKK et du GRK, deux principaux acteurs kurdes de la région, à se rapprocher dans l’optique de constituer un projet commun de Kurdistan indépendant qui menacerait les délimitations frontalières existantes. D’un point de vue interne, elle essaie de rompre avec son image de rigidité vis-à-vis de la question kurde en prouvant qu’elle peut lier des relations pacifiques avec une entité kurde. De manière indirecte, il s’agit de signifier que l’impossibilité d’une issue en Turquie serait le fait de l’intransigeance du PKK, non celle du gouvernement.

 

Le GRK se révèle donc un partenaire fondamental sur la question kurde. Cette relation va être renforcée par ce que Didier Billion qualifie de « confessionnalisation de la politique extérieure du pays »[6]. Dans son duel à distance avec l’Iran chiite, autre poids-lourd de la scène politique moyen-orientale, la Turquie va mettre en œuvre une politique s’appuyant sur la volonté de renforcer l’axe sunnite au Moyen-Orient. La période des printemps arabes s’ouvrant en 2011, qui bouleversent l’équilibre géostratégique de la région, va également participer à l’affirmation de cette nouvelle posture turque. Le rejet de la politique pro-chiite de Nouri Al-Maliki en Irak accentue le soutien au gouvernement kurde d’Erbil. En 2013, le coup d’Etat militaire qui secoue l’Egypte renverse le gouvernement des Frères Musulmans dirigé par Mohammed Morsi. L’anéantissement d’un gouvernement sunnite élu par le peuple mène la Turquie et l’Egypte à la limite de la rupture des liens diplomatiques. De même, l’insurrection syrienne contre Bachar El-Assad donne au gouvernement turc l’opportunité de faire d’une pierre deux coups en renversant le régime alaouite au pouvoir pour le remplacer par un pouvoir politique issu de la majorité sunnite du pays. Dans cette optique, le gouvernement turc fait le choix de soutenir l’opposition sunnite au régime de Bachar El-Assad dans toute sa « diversité » : l’Armée syrienne libre, le Front Al-Nostra ou encore  Daesh[7].

 

La crise syrienne dans son ensemble est particulièrement révélatrice de la difficulté pour l’Etat turc à appréhender son environnement. Bien que l’opposition ne parvienne à chasser définitivement Bachar El-Assad, l’affaiblissement du pouvoir mène au retrait des troupes de Damas stationnées dans les zones kurdes du Nord-Est. Le PYD, qui correspond à la branche syrienne du PKK, en profite pour prendre possession de cette région qu’il nomme Rojava, signifiant littéralement l’ « Ouest du Kurdistan ». Parvenant à mettre en place une force militaire estimé à trente mille hommes[8] et une organisation administrative autonome, le PYD annonce, de manière unilatérale, l’indépendance de la zone  placée sous son contrôle militaire. D’un point de vue géostratégique, il s’agit d’un véritable coup dur porté au régime turc. En effet, la région du Kurdistan turc est désormais bornée par le Rojava au Sud et par le GRK à l’Est, prônant tous deux, si ce n’est l’indépendance, au moins l’autonomie des populations kurdes vis-à-vis des structures étatiques.

 

La conscience profonde de la menace que représente la présence de telles entités à ses frontières  amène la Turquie à renforcer sa coopération avec le GRK avec la mise en place d’une politique d’endiguement vis-à-vis de l’espace kurde syrien. En 2013, la construction d’un mur entre Nusaybin en Turquie et Qmichli en Syrie a vocation à isoler la composante kurde syrienne de la population kurde de Turquie. Le gouvernement d’Erbil prend également la décision de fermer le pont de Simalka reliant les territoires irakien et syrien[9]. Dans la lignée de cette politique, la non-intervention turque lors du siège de Kobané par les membres de Daesh, internationalement critiquée, répond à la volonté turque de procéder à l’affaiblissement de ce bastion kurde. En effet, les liens entre le PKK et le PYD laissent présager, si la situation venait à se stabiliser, des temps difficiles pour la Turquie. Celle-ci n’aurait alors d’autre choix que de parvenir à de vraies avancées en faveur des Kurdes ou de subir les attaques d’un PKK/PYD renforcé par les livraisons d’armes effectuées par les Occidentaux et par l’aura acquise dans la lutte contre les islamistes de Daesh.

 

Mise en danger par la pression exercée par l’influence régionale croissante du mouvement kurde, la Turquie parvient, pour le moment, à assurer une « cogestion de l’espace transfrontalier entre les zones kurdes d’Irak, de Turquie et de Syrie » avec l’aide du GRK[10]. Pour combien de temps ? Outre cette carte stratégique, la situation de la Turquie s’est considérablement aggravée. L’Etat turc est passé du « zéro problème avec les voisins » à « zéro voisin sans problèmes », accentuant les troubles à ses frontières et jusque sur son sol[11]. La complexification de l’espace géographique moyen-oriental est également renforcée avec l’apparition d’un nouvel acteur : Daesh qui contrôle un territoire à cheval entre la Syrie et l’Irak et menace la stabilité de l’ensemble de la zone. En dépit de l’effort kurde déployé pour contenir cette structure terroriste, Ankara ne semble pas décidé à remettre son destin entre les mains des Kurdes, refusant de participer à l’avènement d’une puissance stratégique kurde au Moyen-Orient.

 

Baptiste Orlandini, diplômé du Master II en 201

 

[1] La République de Turquie acquiert en 1999 le statut de candidat officiel à l’entrée dans l’Union européenne.

[2] AFP (ANKARA), « Le gouvernement turc annonce des mesures pour améliorer les droits des Kurdes », 13 novembre 2009

[3] Zaman France, « L’Iran et la Turquie consolident leurs accords commerciaux », 16 décembre 2013, disponible à l’adresse suivante : http://www.zamanfrance.fr/article/liran-turquie-consolident-leurs-accords-commerciaux-6589.html (date de consultation : 18/04/2015)

[4] Y. BENHAIM, « Quelle politique kurde pour l’AKP ? », Politique étrangère, 2014, p. 39-50, p. 45

[5] Y. BENHAIM, « Quelle politique kurde pour l’AKP ? », op. cit., p. 48

[6] D. BILLION, « Les défis de la politique régionale de la Turquie », Observatoire de la Turquie et de son environnement géopolitique, 6 octobre 2014, disponible à l’adresse suivante : http://www.iris-france.org/docs/kfm_docs/docs/observatoire-turquie/obsturquie-dfispolregionale-db-octobre-2014.pdf (date de consultation: 17/05/2015)

[7] Ibid.

[8] H. BOZARSLAN, « Les Kurdes et l’option étatique », Politique étrangère, 2014, pp. 15-26, p. 23

[9] Y. BENHAIM, « Quelle politique kurde pour l’AKP ? », op. cit., p. 45

[10] Ibid. p. 46

[11] L’immigration massive de réfugiés syriens sur le sol turc est estimée depuis 2011 à 800 000 individus. Cet afflux migratoire menace la stabilité socio-économique du pays. En effet, il est à la source de nombreuses tensions relatives notamment au marché du travail.

ENTRE KURDES ET POLITIQUE RÉGIONALE : LA TURQUIE FACE A SES AMBIGUITES

23 Sep

Depuis l’apparition du nationalisme kurde, les élites turques se sont montrées inconséquentes dans leur aptitude à résoudre le problème de la présence kurde sur le territoire anatolien. Perçue tour à tour comme un obstacle à détruire ou comme un enjeu électoral, la question kurde a toujours été appréhendée comme une problématique à court terme, réduisant du même coup, son importance à celle d’une simple contingence politique. A partir de 1978, l’apparition du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui prône une lutte armée « généralisée », va forcer les autorités turques à reconsidérer l’ampleur de la question kurde.

De nombreux éléments historiques vont plaider en faveur d’une résolution  pérenne du conflit. La présidence de Turgüt Özal  annonce un effort de réconciliation entre les deux parties en présence en brisant le tabou kurde. De mère kurde, il devient le président de la République de Turquie le 9 novembre 1989. Il est le premier à reconnaitre de manière officielle  la réalité du fait kurde au plus haut niveau de l’Etat. Il encourage le développement du mouvement légaliste en soutenant la création du Parti Populaire du Travail (HEP). En effet, le président Özal voit dans l’existence d’une représentation parlementaire kurde pacifique le seul moyen de juguler l’influence croissante du PKK au sein de la population kurde de Turquie.

De même, six années plus tard, l’arrestation d’Abdullah Öcalan, père fondateur du mouvement et leader indiscutable du PKK, porte un coup sévère au mouvement national kurde tout entier. Le 16 février 1999, il est capturé sur le territoire kenyan dans une opération menée conjointement par les services secrets turcs, américains et israéliens. Le mythe d’un chef insaisissable, pourfendeur de l’Etat turc, se désagrège, renvoyant les Kurdes à leur propre impéritie. L’emprisonnement d’Öcalan est toutefois l’occasion d’un revirement stratégique radical du parti en faveur de la résolution diplomatique du conflit. Le 2 août 1999, alors qu’il vient d’être condamné à mort par les autorités turques, Abdullah Öcalan appelle à la suspension immédiate de la lutte armée et au retrait des combattants du PKK du sol turc vers les montagnes du Kurdistan irakien. Sa peine est finalement commuée en prison à perpétuité sous la pression occidentale.

Dans un contexte de rapprochement entre la Turquie et l’Union européenne[1], le PKK espère tirer son épingle du jeu en posant la résolution de la question kurde comme une condition préalable à l’adhésion. Dès lors, il n’est plus question de libération nationale, ni même d’autonomie des régions kurdes. Le parti ne revendique désormais plus que des droits d’ordre culturel. En effet, le gouvernement Ecevit entreprend une politique de réforme dite des « paquets d’harmonisation législative ». Il s’agit alors de favoriser le rapprochement du système turc avec le modèle européen de protection des droits et libertés. Le 17 décembre 2004, le Conseil européen prend acte et donne son feu vert à l’ouverture des négociations d’adhésion.

De manière concomitante, la Turquie mène sur la scène intérieure une politique dite d’ « ouverture démocratique » qui se traduit par un certain nombre d’avancées concernant les droits culturels de cette minorité. En date du 1er janvier 2009, une nouvelle chaîne de télévision publique, TRT 6, est lancée en Turquie. Elle a comme particularité de diffuser un certain nombre de programmes en kurmandji, dont la pratique fut longtemps interdite en Turquie.  Le 13 novembre 2009, Besir Atalay, ministre de l’Intérieur turc, annonce trois mesures relatives à la question kurde. La première est relative au droit pour les communes kurdes dont le nom a été turquisé de revenir à leur nom d’origine. La seconde fait état de la mise en place d’une commission indépendante qui aura vocation à enquêter sur les violations des droits de l’homme dans la région du Sud-Est et la troisième concerne l’autorisation de s’exprimer en kurde dans la vie politique turque[2]. De plus, en 2009, des négociations s’ouvrent, dans le plus grand secret, à Oslo entre les renseignements turcs (MIT) et des hauts représentants du PKK. Pour la première fois de l’Histoire, des négociateurs des deux camps se trouvent à la même table, discutant de la suite à donner aux demandes du peuple kurde. C’est l’occasion pour le PKK de formuler ses deux exigences majeures à savoir la reconnaissance du peuple kurde par l’octroi des droits individuels dont il est privé et la mise en place d’une autonomie démocratique pour les régions kurdes du Sud-Est. Cette première prise de contact qui ne débouche sur aucun résultat concret offre au moins l’intérêt de rompre avec le traditionnel discours selon lequel l’Etat turc ne négocie pas avec les « terroristes ».

Toutefois, alors que ces mesures sont l’occasion de mettre définitivement à bas le discours officiel d’une République unitaire fondée autour de l’ethnie turque, les concessions accordées au mouvement kurde restent néanmoins très marginales.  L’aspect symbolique des mesures ne parvient pas à masquer la déception du mouvement kurde face à une ouverture qu’il considère davantage comme une manœuvre politique de séduction qu’une véritable révolution dans l’administration politique de ce peuple. En effet, les trois revendications principales formalisées par le mouvement légal kurde sont la reconnaissance constitutionnelle du fait kurde et des langues kurdes, l’enseignement en langue kurde et le renforcement de l’autonomie des pouvoirs locaux au Sud-Est, trois points semblables à ceux évoqués par Öcalan dans sa feuille de route pour sortir du conflit.

De plus, la tentative de rapprochement avec l’Union européenne est un échec. Un an après le début des négociations en octobre 2005, les relations turco-européennes sont au point mort. La question de la partition de Chypre, membre à part entière de l’Union européenne depuis 2004, est un point d’achoppement diplomatique qui reste, pour le moment, indépassable. En effet, depuis 1974, la Turquie occupe le nord de l’île et conteste la légitimité du gouvernement de Nicosie qui est par ailleurs reconnu par la communauté internationale. Devant le refus turc d’ouvrir ses ports et aéroports aux moyens de transport en provenance de Chypre, le Conseil des ministres européen décide finalement de suspendre les discussions d’adhésion avec la Turquie.

            La déconvenue européenne qui en résulte force la Turquie à repenser sa politique extérieure. Après s’être tournée sans succès vers l’Occident, elle va à présent regarder davantage vers l’Est. Le Parti de la justice et du développement (AKP), arrivé au pouvoir en 2002, va alors se trouver confronté à un monde musulman avec lequel il entreprend une politique de « zéro problème avec les voisins » qui se révèle être une politique d’hégémonie régionale. L’objectif attitré de cette politique est la constitution d’une zone de paix et de stabilité dans la proximité immédiate de l’Etat turc.

Cette posture est facilitée par le traumatisme que représente la projection de forces américaines en Irak en date de l’année 2003. Cette opération militaire d’envergure est perçue comme une intrusion dans la sphère moyen-orientale. Elle est par conséquent à l’origine d’une détérioration des relations entre les Etats-Unis et la Turquie. Le 1er mars 2003, l’Assemblée nationale turque s’oppose à la demande américaine de mise à disposition de ses infrastructures militaires. Conjointement, les relations bilatérales qu’entretient la Turquie avec ses voisins immédiats vont s’améliorer. En 2004, la Turquie et la Syrie signent un accord de libre-échange qui est le point de départ d’une « lune de miel » entre Erdogan et Bachar El-Assad. Sur la même période, le commerce bilatéral entre la Turquie et l’Iran explose, le volume monétaire passant de deux milliards de dollars US en 2001 à vingt-deux milliards de dollars en 2012[3]. Outre l’association en matière économique, les années 2000 sont aussi l’occasion d’une entente sécuritaire concernant le PKK et ses affiliés régionaux comme le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK) en Iran ou le Parti de l’union démocratique (PYD) en Syrie. 

Dans le cadre de cette politique, le rapprochement le plus significatif s’effectue avec le Gouvernement régional du Kurdistan irakien (GRK), entité politique fédérée du Nord de l’Irak. Reconnue par la Constitution irakienne de 2005, il s’agit de la seule émanation kurde dotée d’une réelle  autonomie politique. Le GRK dispose ainsi de son propre parlement, habilité à  édicter des lois, et d’un corps armé composé de peshmergas qui veillent sur ses frontières territoriales. Si l’Irak est devenu depuis 2011 le deuxième partenaire commercial de la Turquie avec près de douze milliards de dollars d’échanges en 2013, 70% de ces opérations financières ne concernent que la région kurde qui fournit abondamment la Turquie en pétrole[4]. L’appui de la Turquie est pour le GRK une condition fondamentale à la conservation de son autonomie rudement acquise au détriment de Bagdad. En effet, la quasi-indépendance du GRK vis-à-vis du gouvernement central irakien est assurée par la viabilité économique de la région, dépendant quasi-exclusivement des exportations pétrolières à destination de Turquie. Ainsi, en se présentant comme un client régulier, la Turquie se porte garante de la subsistance d’une entité kurde à ses frontières.

 

Cette alliance a priori contre nature pour la Turquie possède néanmoins plusieurs avantages. Tout d’abord, elle signifie une perte de revenus conséquente pour l’Etat central irakien puisque 95% des revenus du pays proviennent du pétrole et que le Kurdistan irakien renferme la deuxième source de pétrole d’Irak avec une capacité de production de cent vingt-cinq milles barils par jour. L’affaiblissement financier de l’Irak constitue une bonne nouvelle pour l’ambition turque de devenir la puissance régionale de référence. De plus, les relations plus que cordiales qu’entretiennent Erdogan et Massoud Barzani, président du GRK, permettent au gouvernement de l’AKP de faire pression sur le PKK, présent depuis 1999 sur le sol irakien, par l’intermédiaire du GRK. En ce sens, le soutien du GRK est régulièrement instrumentalisé par l’AKP pour montrer qu’il œuvre en faveur des Kurdes. En novembre 2013, la visite de Barzani à Diyarbakir, accueilli comme un véritable chef d’état, est clairement motivée par l’approche des élections locales de mars 2014. Elle permet la promotion d’ « une identité kurde alternative à celle proposée par Öcalan »[5]. Ainsi, d’un point de vue externe, elle sape la capacité du PKK et du GRK, deux principaux acteurs kurdes de la région, à se rapprocher dans l’optique de constituer un projet commun de Kurdistan indépendant qui menacerait les délimitations frontalières existantes. D’un point de vue interne, elle essaie de rompre avec son image de rigidité vis-à-vis de la question kurde en prouvant qu’elle peut lier des relations pacifiques avec une entité kurde. De manière indirecte, il s’agit de signifier que l’impossibilité d’une issue en Turquie serait le fait de l’intransigeance du PKK, non celle du gouvernement.

 

Le GRK se révèle donc un partenaire fondamental sur la question kurde. Cette relation va être renforcée par ce que Didier Billion qualifie de « confessionnalisation de la politique extérieure du pays »[6]. Dans son duel à distance avec l’Iran chiite, autre poids-lourd de la scène politique moyen-orientale, la Turquie va mettre en œuvre une politique s’appuyant sur la volonté de renforcer l’axe sunnite au Moyen-Orient. La période des printemps arabes s’ouvrant en 2011, qui bouleversent l’équilibre géostratégique de la région, va également participer à l’affirmation de cette nouvelle posture turque. Le rejet de la politique pro-chiite de Nouri Al-Maliki en Irak accentue le soutien au gouvernement kurde d’Erbil. En 2013, le coup d’Etat militaire qui secoue l’Egypte renverse le gouvernement des Frères Musulmans dirigé par Mohammed Morsi. L’anéantissement d’un gouvernement sunnite élu par le peuple mène la Turquie et l’Egypte à la limite de la rupture des liens diplomatiques. De même, l’insurrection syrienne contre Bachar El-Assad donne au gouvernement turc l’opportunité de faire d’une pierre deux coups en renversant le régime alaouite au pouvoir pour le remplacer par un pouvoir politique issu de la majorité sunnite du pays. Dans cette optique, le gouvernement turc fait le choix de soutenir l’opposition sunnite au régime de Bachar El-Assad dans toute sa « diversité » : l’Armée syrienne libre, le Front Al-Nostra ou encore  Daesh[7].

 

La crise syrienne dans son ensemble est particulièrement révélatrice de la difficulté pour l’Etat turc à appréhender son environnement. Bien que l’opposition ne parvienne à chasser définitivement Bachar El-Assad, l’affaiblissement du pouvoir mène au retrait des troupes de Damas stationnées dans les zones kurdes du Nord-Est. Le PYD, qui correspond à la branche syrienne du PKK, en profite pour prendre possession de cette région qu’il nomme Rojava, signifiant littéralement l’ « Ouest du Kurdistan ». Parvenant à mettre en place une force militaire estimé à trente mille hommes[8] et une organisation administrative autonome, le PYD annonce, de manière unilatérale, l’indépendance de la zone  placée sous son contrôle militaire. D’un point de vue géostratégique, il s’agit d’un véritable coup dur porté au régime turc. En effet, la région du Kurdistan turc est désormais bornée par le Rojava au Sud et par le GRK à l’Est, prônant tous deux, si ce n’est l’indépendance, au moins l’autonomie des populations kurdes vis-à-vis des structures étatiques.

 

La conscience profonde de la menace que représente la présence de telles entités à ses frontières  amène la Turquie à renforcer sa coopération avec le GRK avec la mise en place d’une politique d’endiguement vis-à-vis de l’espace kurde syrien. En 2013, la construction d’un mur entre Nusaybin en Turquie et Qmichli en Syrie a vocation à isoler la composante kurde syrienne de la population kurde de Turquie. Le gouvernement d’Erbil prend également la décision de fermer le pont de Simalka reliant les territoires irakien et syrien[9]. Dans la lignée de cette politique, la non-intervention turque lors du siège de Kobané par les membres de Daesh, internationalement critiquée, répond à la volonté turque de procéder à l’affaiblissement de ce bastion kurde. En effet, les liens entre le PKK et le PYD laissent présager, si la situation venait à se stabiliser, des temps difficiles pour la Turquie. Celle-ci n’aurait alors d’autre choix que de parvenir à de vraies avancées en faveur des Kurdes ou de subir les attaques d’un PKK/PYD renforcé par les livraisons d’armes effectuées par les Occidentaux et par l’aura acquise dans la lutte contre les islamistes de Daesh.

 

Mise en danger par la pression exercée par l’influence régionale croissante du mouvement kurde, la Turquie parvient, pour le moment, à assurer une « cogestion de l’espace transfrontalier entre les zones kurdes d’Irak, de Turquie et de Syrie » avec l’aide du GRK[10]. Pour combien de temps ? Outre cette carte stratégique, la situation de la Turquie s’est considérablement aggravée. L’Etat turc est passé du « zéro problème avec les voisins » à « zéro voisin sans problèmes », accentuant les troubles à ses frontières et jusque sur son sol[11]. La complexification de l’espace géographique moyen-oriental est également renforcée avec l’apparition d’un nouvel acteur : Daesh qui contrôle un territoire à cheval entre la Syrie et l’Irak et menace la stabilité de l’ensemble de la zone. En dépit de l’effort kurde déployé pour contenir cette structure terroriste, Ankara ne semble pas décidé à remettre son destin entre les mains des Kurdes, refusant de participer à l’avènement d’une puissance stratégique kurde au Moyen-Orient.

Baptiste Orlandini, diplômé du Master II en 2015.

[1] La République de Turquie acquiert en 1999 le statut de candidat officiel à l’entrée dans l’Union européenne.

[2] AFP (ANKARA), « Le gouvernement turc annonce des mesures pour améliorer les droits des Kurdes », 13 novembre 2009

[3] Zaman France, « L’Iran et la Turquie consolident leurs accords commerciaux », 16 décembre 2013, disponible à l’adresse suivante : http://www.zamanfrance.fr/article/liran-turquie-consolident-leurs-accords-commerciaux-6589.html (date de consultation : 18/04/2015)

[4] Y. BENHAIM, « Quelle politique kurde pour l’AKP ? », Politique étrangère, 2014, p. 39-50, p. 45

[5] Y. BENHAIM, « Quelle politique kurde pour l’AKP ? », op. cit., p. 48

[6] D. BILLION, « Les défis de la politique régionale de la Turquie », Observatoire de la Turquie et de son environnement géopolitique, 6 octobre 2014, disponible à l’adresse suivante : http://www.iris-france.org/docs/kfm_docs/docs/observatoire-turquie/obsturquie-dfispolregionale-db-octobre-2014.pdf (date de consultation: 17/05/2015)

[7] Ibid.

[8] H. BOZARSLAN, « Les Kurdes et l’option étatique », Politique étrangère, 2014, pp. 15-26, p. 23

[9] Y. BENHAIM, « Quelle politique kurde pour l’AKP ? », op. cit., p. 45

[10] Ibid. p. 46

[11] L’immigration massive de réfugiés syriens sur le sol turc est estimée depuis 2011 à 800 000 individus. Cet afflux migratoire menace la stabilité socio-économique du pays. En effet, il est à la source de nombreuses tensions relatives notamment au marché du travail.

Bachar Al-Assad peut-il gagner une guerre « perdue d’avance » ?

12 Avr
« Bachar Al-Assad va partir, son régime va tomber, ce n’est qu’une question de temps ». Voilà maintenant deux ans que les responsables diplomatiques occidentaux, notamment français[1], annoncent la chute imminente de Bachar Al-Assad. Elle devait être au départ une question de semaines ; puis de mois : la Syrie vient d’entamer sa troisième année de guerre civile. Dans ce contexte il est possible de faire le point de la situation, selon les informations très fragmentaires et souvent partiales qui parviennent du pays. Le présent article permettra d’analyser la situation militaire. Le suivant conduira à évoquer les enjeux tant politico-religieux que géopolitiques de la guerre civile syrienne en cours.
 
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Sur le plan tactique, après avoir connu des développements importants lors de l’été 2012, la situation évolue désormais assez lentement. Si des combats ont lieu dans tout le pays, il convient d’évoquer la situation des fronts les plus importants.
 
Damas 
La capitale est aujourd’hui devenue une zone de guerre, même si les combats ont surtout lieu dans les banlieues de la ville[2]. Si des combats et des affrontements sporadiques ont pu survenir dans la capitale lors de l’année 2011, Damas a subi deux offensives rebelles lors de l’année 2012. Le 15 juillet 2012, en parallèle à une offensive sur Alep et à un attentat terroriste majeur qui tua plusieurs membres de l’état-major et du gouvernement syrien, plusieurs milliers de rebelles entrent dans les quartiers périphériques de la capitale et livrent combat jusqu’aux alentours de la place des Omeyyades en plein cœur de la ville. Rapidement une contre-offensive de l’armée syrienne repousse les rebelles à la lisière de la ville et reprend tous
les principaux quartiers conquis précédemment. Des combats sporadiques continuent cependant sans arrêt dans les banlieues. En novembre 2012, les rebelles prévoient une nouvelle offensive majeure dont le but est la prise de l’aéroport de Damas, au sud, mais Bachar Al-Assad, anticipant cet assaut, lance lui-même une offensive sur les banlieues sud dans lesquelles sont regroupées de nombreuses forces rebelles. Au mois de décembre, l’aéroport est définitivement sécurisé.
Les rebelles, ayant échoué lors de leurs deux tentatives majeures déclarent alors cesser de planifier la prise de Damas en une bataille décisive pour se focaliser sur un grignotage des quartiers centraux à partir des banlieues dans lesquelles ils restent solidement implantés. De fait, à partir du mois de février 2013, ils déclenchent des combats dans le quartier de Jobar à proximité de la place des Abassides dans le nord-est de la ville. Ces affrontements sont toujours en cours actuellement. Bachar Al-Assad, pour qui la sécurisation de la capitale est primordiale s’il souhaite pérenniser son régime, donne l’ordre à ses forces de reconquérir une par une les banlieues tombées aux mains des rebelles[3]. En effet, si tous les quartiers centraux de la ville même restent contrôlés par l’armée, la présence des rebelles en périphérie ne permet pas au régime d’affirmer qu’il « tient » la capitale. C’est ainsi que depuis plusieurs mois, l’armée syrienne est engagée au sud-ouest de la ville pour reconquérir la grande banlieue de Daraya tenue par les rebelles[4]. Daraya est en effet très proche du palais présidentiel et les rebelles ont déjà tiré depuis cette banlieue plusieurs obus de mortier sur la résidence de Bachar Al-Assad. De plus, elle jouxte l’aéroport militaire qui permettrait au chef d’Etat syrien de s’enfuir en cas d’urgence. L’armée syrienne est également aux prises avec les rebelles dans le camp palestinien de Yarmouk au sud de la capitale, ainsi que dans la Ghouta orientale à l’ouest. Cette zone boisée permet l’infiltration des combattants rebelles dans la ville. D’autre part la banlieue de Douma, au nord-ouest du gouvernorat de Damas, reste une place forte rebelle bien que des combats s’y déroulent en permanence. Le régime alaouite semble actuellement bien loin de sécuriser cette zone clé.  Au contraire le mont Qassioun, au nord de la capitale, est une hauteur  tenue par l’armée syrienne, qui l’a transformée en base d’artillerie depuis laquelle elle peut bombarder tous les quartiers tenus par les rebelles.
La situation à Damas est donc celle-ci : le régime tient fermement les quartiers centraux de la ville bien que ceux-ci soient bombardés par les rebelles. Ces derniers restent bien implantés dans les banlieues au nord-ouest et au sud de la ville que l’armée n’arrive pour l’instant toujours pas à contrôler. La supériorité militaire de l’armée sur les rebelles leur interdit toute avancée significative dans la capitale et il est probable que les batailles décisives pour le conflit syrien auront lieu ailleurs qu’à Damas, qui serait sûrement le théâtre du dernier acte en cas de victoire des rebelles.
 
Alep 
La deuxième ville du pays et sa capitale économique, Alep, est entrée tardivement dans la guerre mais son rôle dans le conflit est rapidement devenu essentiel. Jusque là restée calme, la riche ville d’Alep a basculé dans la violence lorsque le 20 juillet 2012, en parallèle à leur offensive sur Damas, les rebelles sont entrés soudainement dans la ville. Alep menaçait de tomber entièrement entre leurs mains  après qu’ils aient conquis les quartiers sunnites déshérités de la moitié ouest, mais le régime a rapidement réagi en envoyant des renforts massifs pour soutenir les points de résistance de l’armée. Les affrontements ont été très violents jusqu’à l’automne, les rebelles essayant de percer les lignes gouvernementales mais sans grand succès.
La situation évolue beaucoup plus lentement depuis[5]. Les rebelles, de leur propre aveu, ont échoué à prendre la ville car ils n’avaient pas pris le contrôle auparavant les nombreuses bases aériennes autour d’Alep, permettant ainsi au régime de ravitailler ses troupes et de les appuyer par des tirs d’artillerie et des bombardements aériens. C’est donc à la prise de ces bases que les rebelles s’emploient désormais. L’aéroport international au sud de la ville résiste cependant toujours à leurs assauts. Dans la ville même, une ligne informelle de démarcation sépare grossièrement les quartiers rebelles, à l’ouest, des quartiers gouvernementaux, à l’est. Au nord, les quartiers kurdes, neutres au départ, ont ensuite connu des affrontements avec les djihadistes du Jabhat Al-Nosra, émanation d’Al-Qaïda en Irak, puis désormais avec les soldats syriens. La guerre urbaine ravage la ville qui est chaque jour détruite en peu plus par les bombardements aériens du régime, les tirs de mortiers des rebelles et les attentats à la voiture piégée. Le patrimoine culturel de la ville est fortement affecté par les combats. Le souk historique de la vieille ville a brûlé lors des combats de l’été puis la grande mosquée des Omeyyades a été d’abord partiellement détruite par un attentat au camion piégé avant d’être endommagée par les combats qui ont conduit à sa prise par les rebelles. La citadelle d’Alep, en plein cœur de la ville, a repris le rôle militaire qu’elle tenait lors de sa construction au XIIIe siècle. Elle est en effet occupée depuis le début des combats par l’armée syrienne qui en a fait une base pour son artillerie et ses snipers. La taille de son édifice rend sa prise très difficile pour les rebelles. Environ 20 000 soldats loyalistes combattent 8 000 rebelles dans la ville. A plusieurs reprises Bachar Al-Assad a tenté d’envoyer des renforts substantiels pour reprendre Alep (les 5e et 6e divisions blindées) mais à chaque fois une offensive rebelle a été opportunément lancée sur Damas pour immobiliser ces forces.
La bataille pour Alep dure depuis le 20 juillet 2012 mais il est à craindre qu’elle s’éternise. En tous les cas, cette bataille est bel et bien pour les deux belligérants « la mère des batailles » comme l’avait appelée Bachar Al-Assad[6]. En effet, si Alep tombe aux mains des rebelles, ils pourront alors envisager le contrôle de tout le nord de la Syrie et mettre en place les bases d’un nouvel Etat syrien (probablement islamiste au vu des revendications de nombre de groupes rebelles). Ils pourront faire d’Alep, leur « capitale de la révolution » telle que l’avait été Benghazi pour la révolution libyenne. Ainsi ils disposeraient d’une base idéale pour la poursuite de la guerre comme d’un moyen de pression supplémentaire sur la communauté internationale pour inciter celle-ci à soutenir plus amplement le nouvel Etat syrien en construction. Pour le régime, tant que ses forces tiennent une partie importante de la ville (et notamment la citadelle) il peut continuer à garder l’espoir d’une reconquête ultérieure des régions du nord passées dans le camp de l’opposition. La perte de la deuxième ville du pays comme de la capitale économique serait un coup très dur porté à sa crédibilité et à son moral. Alep est donc le front décisif dans la guerre civile qui fait rage en Syrie.
 
Homs
 Troisième ville la plus importante du pays en nombre d’habitants, Homs est un front majeur de par sa position géographique. En effet c’est un carrefour stratégique, à mi-chemin entre Damas et la bande côtière alaouite à l’ouest. Si Bachar Al-Assad souhaite garder la possibilité de « tenir » la Syrie il doit impérativement sécuriser les voies de communication entre sa capitale et sa zone de soutien populaire traditionnelle. C’est pour cette raison que l’armée syrienne s’acharne à reconquérir cette ville. Elle est, au contraire, considérée par les rebelles comme la « capitale de la révolution » du fait du rôle majeur qu’y ont joué les manifestations populaires de l’opposition en 2011. Homs subit actuellement un siège qui dure depuis plus de 300 jours[7]. Les combats les plus violents ont eu lieu lorsque l’armée a repris le quartier emblématique de Baba Amr en février 2012. Les rebelles ont symboliquement lancé une nouvelle attaque sur Baba Amr en mars 2013 mais le quartier a à nouveau été repris par l’armée dans les semaines suivantes. Il reste actuellement quatre quartiers situés dans la vieille ville de Homs aux mains des rebelles. Ils sont assiégés et bombardés constamment et l’armée essaie d’en reprendre le contrôle rue après rue. Autour de Homs, les villes telles que Al-Qusaïr tenues par les rebelles font elles aussi l’objet d’âpres combats. La particularité de ceux-ci est qu’ils ont lieu près de la frontière libanaise. Or depuis plusieurs semaines, le Hezbollah a engagé 7000 combattants aux côtés de l’armée syrienne pour reconquérir les localités à proximité de Homs, signe de l’importance de cette zone pour l’issue du conflit. La reconquête totale de Homs par le régime semble actuellement en bonne voie. Si cette reconquête a lieu, elle montrera que le régime conserve des atouts majeurs et que rien n’est encore joué dans ce conflit de longue durée.
 
Hama 
Ville sunnite à forte tendance islamiste, située au nord de Homs, elle est lieu de la sanglante répression de Hafez Al-Assad en 1982 contre les Frères Musulmans qui s’étaient soulevés et réfugiés dans la ville (20 000 morts). Pour éviter que la symbolique de cette répression ne ressurgisse, Bachar Al-Assad a verrouillé la ville en y concentrant de très nombreuses forces dès le début de la révolution en 2011. Hama reste calme et sous contrôle du régime malgré des tentatives d’infiltrations rebelles.
 
Idleb 
La province d’Idleb, voisine de celle d’Alep, est majoritairement en possession des rebelles. Ils en contrôlent les campagnes et ont pris possession de la quasi-totalité des centres militaires de la région (base aérienne de Taftanaz en janvier 2013 par le Jabhat Al-Nosra par exemple)[8]. La ville même d’Idleb est encore tenue par le régime mais les rebelles lancent des raids de plus en plus audacieux comme celui ayant abouti à la prise de la prison centrale le 25 janvier 2013, libérant des centaines de prisonniers. Lorsque les forces rebelles auront pris toutes les bases de la province et contrôleront les alentours de la ville ils lanceront alors l’offensive finale sur Idleb. Les saisons du printemps et de l’été prochain devraient être propices à ces opérations.
 
Ar-Raqqah 
La ville de Ar-Raqqah, capitale de la province du même nom est tombée aux mains des rebelles le 6 mars 2013 au terme d’une bataille de trois jours (c’est le Jabhat Al-Nosra qui a pris l’initiative de l’attaque, soutenu par l’Armée Syrienne Libre). La fin des affrontements a vu les vainqueurs renverser  la statue d’Hafez Al-Assad, l’ancien dictateur et père de Bachar. cette image symbolique rappelle la chute des statues de Saddam Hussein dix ans plus tôt[9]. Même si la province de Raqqah, voisine de celle d’Alep, est une province reculée du nord de la Syrie et peu peuplée, elle est aujourd’hui la première province syrienne dont la capitale est contrôlée par les rebelles.
 
Hassaké 
Capitale de la province du même nom, Hassaké est à l’heure actuelle l’une des villes les plus calmes de Syrie. Le gouvernorat d’Hassaké correspond à la région du Kurdistan syrien. Or dès le début du conflit, Bachar Al-Assad a pris le parti de « lâcher » le Kurdistan aux forces kurdes du YPG (branche syrienne du PKK) avec un triple objectif : ne pas disperser ses forces sur de trop nombreux fronts ; créer des dissensions entre rebelles ; mettre la pression sur la Turquie opposée de longue date au PKK. Des combats à proximité de la frontière turque sont survenus lorsque le Jahbat Al-Nosra a attaqué les forces du YPG pour prendre le contrôle du poste frontière de Ras-Al-Aïn. Une trêve est intervenue après de violents affrontements non décisifs. Les djihadistes ont toutefois promis de revenir à l’assaut ultérieurement.
Le Kurdistan syrien est actuellement dans une situation très indécise, ne sachant pas qui, du régime ou des rebelles, sortira vainqueur du conflit. Cependant, les Kurdes savent que le régime les a toujours persécutés avant la guerre et que les djihadistes d’Al-Nosra les considèrent comme leurs ennemis. Les forces kurdes de Syrie ont donc probablement leur propre agenda et se préparent à défendre par les armes leurs velléités indépendantistes ou à tout le moins autonomistes.
 
Deir-ez-Zor 
La capitale de la province frontalière avec l’Irak, Deir-ez-Zor est l’objet de combats depuis de longs mois après que l’ensemble de la province soit tombée aux mains des rebelles. Là encore, le Jahbat Al-Nosra s’est retrouvé en première ligne des combats. La proximité avec l’Irak a en effet facilité l’afflux de combattants djihadistes. Après avoir mis la main sur le poste-frontière d’Abou Kamal puis sur la base aérienne de Hamdan, les rebelles ont pris la ville de Mayadin pour s’emparer des champs pétrolifères de la province. Le régime syrien a donc perdu l’essentiel de ses rares puits de pétrole au profit de la rébellion. L’armée syrienne tente de maintenir les rebelles à distance de la capitale provinciale Deir-ez-Zor mais le régime apparaît clairement sur la défensive dans cette région.
 
Deraa 
La ville de Deraa, dans le sud, à la frontière avec la Jordanie, est le berceau de la révolution syrienne, là où les premières manifestations populaires ont été réprimées par des tirs à balles réelles. Le régime essaie de maintenir l’ordre dans la province mais y rencontre de plus en plus de difficultés. Si la ville est encore fermement tenue par l’armée, les alentours font l’objet de combats. En effet, de nombreux rebelles auraient été formés en Jordanie par des forces spéciales américaines[10] (300 officiers de l’ASL auraient notamment bénéficié de cette formation) et ont cette semaine passé la frontière. Leur objectif est de s’emparer de plusieurs localités de la province et notamment de certains tronçons de l’autoroute reliant Deraa à Damas. Ce serait une menace majeure pour le régime. Il est à noter que plusieurs villages de la communauté druze de la province auraient pris parti pour le régime tandis que d’autres se seraient engagés dans le camp rebelle.
 
Quneitra
La province de Quneitra est celle qui jouxte le plateau du Golan, occupé par l’armée israélienne. La situation y est très confuse. Les rebelles auraient pris le dessus sur l’armée dans cette province mais de nombreux combats sont en cours. Beaucoup donnent lieu à des tirs de roquettes ou d’obus qui tombent fortuitement du côté israélien de la frontière. Israël a, depuis les premières escarmouches, riposté à chacun de ces tirs quelle qu’en soit la provenance.
 
Lattaquié
Lattaquié et Tartous (qui abrite une base navale russe) sont les deux principales villes de la bande côtière syrienne, qui constitue, entre les montagnes et la mer, le « pays alaouite ». Ultime refuge du régime en cas de chute de Damas, cette zone est la plus calme et sécurisée de Syrie actuellement. Loin de la guerre, les activités économiques y sont florissantes et les réfugiés nombreux. Bastion alaouite, cette zone est cependant l’objet d’infiltration de rebelles franchissant la frontière turque au nord pour y combattre ; mais le régime défend fermement cette région qui représente sa dernière carte.
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La situation militaire de la guerre civile syrienne est donc actuellement très confuse et incertaine. La ville de Damas reste contrôlée par le régime, mais sa banlieue est aux mains des rebelles. Alep est coupée en deux par les belligérants. Homs semble en passe d’être entièrement reconquise par l’armée syrienne. Le régime reste fort à l’ouest et au sud du pays tandis que les rebelles progressent dans le nord et l’est de la Syrie.
Bachar Al-Assad a fait le pari d’abandonner les campagnes aux rebelles pour se concentrer sur le pays utile et le contrôle des grandes villes. L’armée syrienne (qui possédait 300 000 soldats avant la guerre et  ne peut désormais plus compter que sur la moitié d’entre eux[11]), épaulée par les milices loyalistes, est forte ponctuellement et tactiquement, mais elle ne peut contrôler l’ensemble du territoire alors que les rebelles multiplient les zones d’affrontements pour épuiser le régime. La rébellion de son côté a incontestablement progressé sur le plan militaire en deux ans de conflit, mais ne parvient toujours pas à remporter de victoire décisive (Alep est encore loin d’être prise ; Ar-Raqqah a elle été prise mais c’est une capitale provinciale de moindre importance).
Dans ce contexte, il paraît très improbable que Bachar Al-Assad parvienne à reprendre le contrôle de la totalité du territoire syrien. Cependant le précédent irakien est là pour rappeler que rien n’est nécessairement joué. En mars 1991 Saddam Hussein perdit le contrôle de 90 % de son territoire au profit de l’insurrection chiite et replia alors son armée sur Bagdad ; il reprit pourtant peu à peu la totalité de son territoire grâce à sa supériorité militaire. Il n’est même pas certain qu’un armement substantiel des rebelles en missiles sol-air et sol-sol, qui priverait les forces du régime de leur actuelle supériorité de feu et de leur appui aérien, puisse renverser  la donne. Décidé semble-t-il à se battre jusqu’au bout, le régime conserverait suffisamment de forces pour entretenir encore longtemps une guerre incertaine. Bachar Al-Assad, dictateur honni de l’Occident, a incontestablement démontré en deux ans de guerre une extraordinaire capacité de résilience. Ayant écarté la perspective d’une défaite militaire rapide, le régime syrien peut désormais tirer parti de la nouvelle donne géopolitique comme des déséquilibres  internes pour espérer sortir victorieux de cette épreuve de force.
 
Romain Sens, diplômé du Master II en 2012.

[1] AFP, « « La fin se rapproche pour Bachar Al-Assad » estime Fabius », Le Point, le 16 décembre 2012 http://www.lepoint.fr/monde/la-fin-se-rapproche-pour-bachar-el-assad-previent-fabius-16-12-2012-1589203_24.php

[2] G.Malbrunot, « La bulle de Damas rattrapée par la peur », Le Figaro, le 14 mars 2013 http://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2013/03/14/10001-20130314ARTFIG00583-la-bulle-de-damas-peu-a-peu-rattrapee-par-la-peur.php

[3] I.Lasserre, « L’armée d’Assad à l’offensive dans la banlieue de Damas », Le Figaro, le 7 février 2013

http://www.lefigaro.fr/international/2013/02/07/01003-20130207ARTFIG00471-l-armee-d-assad-a-l-offensive-dans-la-banlieue-de-damas.php

[4] G.Malbrunot, « La bataille de Damas passe par Daraya », Le Figaro, le 28 février 2013 http://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2013/02/28/10001-20130228ARTFIG00679-la-bataille-de-damas-passe-par-darraya.php

[5] F.Aubenas, « Vivre et mourir au rythme des combats dans les rues d’Alep », Le Monde, le 28 décembre 2012 http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2012/12/28/vivre-et-mourir-au-rythme-des-combats-dans-les-rues-d-alep_1811125_3208.html

[6] L.Beaulieu, « Alep, la bataille décisive pour les rebelles en Syrie », Le Monde, le 30 juillet 2012 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/07/30/alep-la-mere-de-toutes-les-batailles-en-syrie_1740108_3218.html

[7] AFP, « La ville de Homs assiégée depuis 300 jours », Libération, le 7 avril 2013 http://www.liberation.fr/monde/2013/04/07/syrie-la-ville-de-homs-assiegee-depuis-300-jours_894265

[8] L.Roth, « La prise de la base syrienne de Taftanaz, nouvelle étape sur la route d’Idlib », Le Monde, le 28 janvier 2013                                                                                                                                              http://abonnes.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/01/28/la-prise-de-la-base-syrienne-de-taftanaz-nouvelle-etape-sur-la-route-d-idlib_1823344_3218.html

[9] P.Prier, « L’opposition syrienne s’empare de Raqqa », Le Figaro, le 5 mars 2013 http://www.lefigaro.fr/international/2013/03/05/01003-20130305ARTFIG00600-l-opposition-syrienne-s-empare-de-raqqa.php

[10] G.Malbrunot, « Des forces spéciales américaines entraînent des rebelles syriens en Jordanie, le 1er mars 2013 http://blog.lefigaro.fr/malbrunot/2013/03/des-forces-speciales-americain.html

[11]D.Kenner, « L’armée de Bachar Al-Assad a été divisée par deux », Slate, le20 mars 2013 http://www.slate.fr/monde/69655/syrie-bachar-assad-armee
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