Archive | octobre, 2012

Lectures du moment

27 Oct

Deux publications ont retenu notre attention parmi les nombreux ouvrages chroniqués par Rémy Porte ces dernières semaines. Nous vous invitons tous à consulter régulièrement son blog http://guerres-et-conflits.over-blog.com/ pour toutes les bonnes sorties, parmi lesquelles nous nous réjouissons de voir qu’il a apprécié les premiers tomes de la nouvelle histoire de France à laquelle participe notre cher camarade en histoire napolénienne, Aurélien Lignereux, aux éditions du Seuil. Mais nous reprenons ici deux comptes-rendus consacrés par http://guerres-et-conflits.over-blog.com/ à l’histoire militaire :

La guerre des origines à nos jours

Sciences Humaines Histoire  -  hors-série n° 1

Avec ce hors-série Histoire n° 1, Sciences Humaines frappe fort. Plus qu’un magazine, c’est presque un livre. En un peu plus de 120 pages, l’ambition est, ni plus ni moins, de survoler toute la thématique, des temps préhistoriques (Lawrence H. Keeley) à « L’avenir de la guerre : entre la bombe humaine et le drone » (Pierre Hassner).

Dans leur éditorial, Jean-Vincent Holeindre et Laurent Testot constatent  » [qu’] en 2012, la guerre est à la fois absente et omniprésente », mais aussi qu’elle « est un prisme permettant de mieux saisir l’évolution des sociétés ». Après un article introductif (« Ce que la guerre fait aux sociétés »), qui met en relief les interactions entre le fait guerrier et toutes les dimensions de « l’aventure humaine », les quelques 29 articles du magazine sont organisés en quatre grands thèmes : « Aux sources de la guerre », « Les Etats combattants », « Vers l’apocalypse » et « Le temps des conflits asymétriques ». C’est dire si les sujets, les plus divers et les plus importants, sont abordés. Parmi les signatures de référence qui figurent au sommaire, relevons par exemple celles de Yann Le Bohec, de Guillaume Lasconjarias, de Jacques Frémeaux, de François Cochet, de Georges-Henri Soutou, de Gérard Chaliand ou de Pierre Razoux.

Traiter d’un thème d’une telle ampleur en un nombre très limité de pages est une véritable gageure, et l’on relève bien sûr quelques imprécisions ou approximations (et même 1 ou 2 erreurs formelles de détail). Mais l’ensemble de ce dossier est globalement d’une très haute qualité, ouvre aux lecteurs de vraies pistes de réflexion, propose de nouvelles lectures grâce aux différentes bibliographies indicatives (très marquées de culture anglo-saxonne) qui suivent chaque article.

Un excellent hors-série que chacun doit avoir lu.

Tom Morel

Vivre libre ou mourir

Pierre-Emanuel Dequest et Jean-François Vivier

Une fois n’est pas coutume, nous vous présentons un volume de bandes dessinées. L’album raconte, entre 1939 et 1944 la guerre de Tom Morel, mort à 28 ans sur le plateau des Glières. La campagne contre les Italiens, le camouflage d’armes et la formation des derniers officiers à Aix-en-Provence, l’entrée en résistance et le maquis en Savoie, le bataillon des Glières et les parachutages d’armes par les Alliés, l’encerclement et l’exécution finale.

Le dessin est clair, les couleurs judicieusement choisies, les ambiances bien reconstituées. Un beau volume pour une belle histoire. Voilà qui peut faire un cadeau apprécié pour cette période de fêtes qui approche.

Editions Artège, Perpignan, 2012, 48 pages. 14,50 euros

La montée en puissance des sociétés militaires chinoises

27 Oct

La détérioration des conditions de sécurité des travailleurs et entreprises chinoises implantées en Afrique (On parle d’une perte d’un millier de ressortissant en 2011) a favorisé depuis peu la montée en puissance des Private Security Companies nationales. L’année 2012 pourrait même être qualifiée d’ « anus horribilis » à ce niveau là avec les enlèvements successifs en début d’année de 29 travailleurs chinois au Soudan (des « privés » chinois auraient d’ailleurs apporter leur soutien au forces soudanaises pour leur libération) puis 25 autres en Egypte peu de temps plus tard. Si le gouvernement chinois a vivement réagi en renforçant son apport en troupes au sein de la MINUSS (force de l’ONU sur le Sud-Soudan), on peut estimer que l’apport est négligeable au regard des quelques 900 000 travailleurs chinois à l’étranger répartis dans 16 000 entreprises nationales.
Pourtant ce n’est qu’en février 2011 que le régime chinois à enregistrer une nouvelle législation autorisant formellement l’activité des SMP avant d’attribuer officiellement une première licence à la compagnie de sécurité « Huangjia Security Company » le 11 avril de la même année. Cette évolution dans la politique suivie par l’empire du Milieu est justifiée pour le gouvernement par la nécessité d’encadrer ce type d’affaires qui se développe.
Notons néanmoins que certains quotidiens chinois, tel Global Times, font référence à l’existence antérieure de quelques 3 000 sociétés de protection privée avant même le revirement juridique de février 2011.
Cette nouvelle législation ne serait donc qu’une transcription dans les codes de lois d’une réalité pratique ? Pas tout à fait, la situation chinoise avant février 2011 était en réalité analogue à celle de la France aujourd’hui encore. A savoir qu’aucune loi n’interdit à une société de proposer des services de protection, de type paramilitaire, néanmoins aucune ne reconnaît non plus un statut particulier aux SMP, elles sont donc assujetties aux règles communes des sociétés. Ceci implique un ensemble d’obstacles administratifs, notamment sur la détention d’armes et de matériels de guerre et cela, malgré l’enchaînement des rapports parlementaires favorables. Jusque ici la législation permettait et reconnaissait, entre autres choses, les activités des sociétés de sécurité privée (SSP) intérieure qui offrent généralement des « prestations de services » à des acteurs publics ou privés qui souhaitent déléguer leur activité de surveillance (des entreprises comme CAPITAL sécurité en France), au coté de ces activités de « gardiennage » d’autres services de sécurité sont désormais proposés : sécurité portuaire, transport de fonds, détectives privés, services pénitentiaires. En comparaison les nouvelles sociétés, autrefois désignées sous l’appellation SMP et que l’on qualifie de plus en plus en France d’ESSD, proposent des prestations de type « militaire » malgré une structure de dirigeants civils. Les contractors sont recrutés dans les milieux d’anciens militaires, ils opèrent généralement à l’extérieur des frontières nationales dans les zones hostiles et proposent des services allant de la collecte de renseignement à la formation des troupes régulières en passant par le support aux troupes régaliennes (les clients recherchent des compétences issus du domaine militaire c’est là la grande différence entre société de sécurité privée et société militaire privée). Notons tout de même qu’une SMP moderne assure parfois aussi bien des services à l’intérieur et à l’extérieur des frontières nationales regroupant ainsi deux activités encore séparées dans la plupart des législations et effaçant progressivement la ligne de démarcation entre les deux types de sociétés à l’image de Cubis Corporation fondée en 1951 qui agit dans le domaine de la défense civile du territoire notamment sur la sécurité des transports en commun, en même temps l’entreprise a participé à la formation de l’armée hongroise en 1999 pour la mettre aux normes OTAN. D’autres SMP sont davantage accès sur les « zones à risques » à l’image d’Academi-Blackwater qui a développé son activité autour des théâtres d’opérations américains (principalement).
La mise en place de l’agrément chinois a rendu les obstacles plus ou moins inopérants en Chine, principale avantage de la nouvelle législation.

A quoi ressemblent ces sociétés chinoises ?

En premier lieu, elles sont en tout point « nationales » : capitaux, administrateurs et personnels sont chinois. Les contractors sont recrutés parmi les anciens membres des services de sécurité intérieure, de police anti-émeute ou sont des soldats démobilisés.
Ces sociétés s’agrandissent à vitesse exponentielle. Une entreprise comme « Veteran Security Services », créée en 2007, dispose aujourd’hui d’un peu plus de 2 000 employés, « Shamdong Warwick Security » en aurait plusieurs centaines. Ces SMP sont essentiellement tournées vers le marché des entreprises nationales. Elles sont généralement employées par celles-ci en milieu hostile. On les trouve donc partout où les intérêts économiques chinois sont en jeu, en Afrique surtout, en Asie (jusqu’au Tibet) et au Moyen-Orient. En effet, les investissements chinois en Irak ne cessent de croître, à l’image de la China National Petroleum Corporation (CNPC) et de ces innombrables entreprises de construction qui ne cessent de s’implanter au sein d’un pays dévasté. Les agences gouvernementales à leur tour prennent conscience du potentiel de ces gardes privés, plus performants et moins coûteux que les forces de l’autorité publique, comme le note Wu Dong, un avocat de « Shanghai M and A law firm » :
« As the quality of its services is just as good as that provided by government organs and costs much less, many government agencies tend to hire security guards from private companies in order to spend less taxpayer money »

Force est de constater que leur réussite sur le marché national les poussent à démarcher le secteur de la sécurité des sociétés commerciales occidentales particulièrement exposées, notamment avec le retrait des troupes de la coalition d’Irak et d’Afghanistan. C’est en tout cas le sens d’un cycle de conférence organisé en octobre 2010 par « Shamdong Warwick Security » concernant l’exportation à l’étranger du savoir-faire chinois, lequel s’est conclu par la création d’un Overseas Service Center, chargé de la prospective de nouveaux marchés.
Et s’il y a bien un marché à conquérir, les Chinois sont admirablement placés pour cela (marché estimé entre 200 et 400 milliards de dollars par le rapport Ménard/Viollet). Actuellement les sociétés américaines et britanniques dominent le secteur. Or, le différentiel de prix joue en faveur des nouveaux arrivants. Il faut compter entre 6 000 et 10 0000 dollars par mois pour un contractor anglophone, alors que son homologue chinois se vend, selon le quotidien britannique The Diplomat, autour de 600 dollars le mois.
Le principal désavantage de telles entreprises réside dans l’inexpérience des contractors chinois, ceux-ci généralement employés à la sécurisation des villes chinoises, voire à l’encadrement des secours lors des catastrophes climatiques, n’ont habituellement pas l’expérience de théâtres de contre-insurrection largement expérimentée par les anciens militaires américains reconvertis dans les SMP comme Academi (Blackwater). Notons tout de même que les investisseurs chinois ont prévenu : les gardes privés nationaux ne seront pas employés à ce genre de mission. L’approche est clairement plus axée sur la sécurité des ressortissants et non sur des opérations de guerre.
Qu’en est-il des débordements auxquels peuvent avoir affaire les employeurs des contractors ? Si les PMC américaines ont eu à souffrir des débordements d’entreprises comme Blackwater, leurs homologues chinois souhaitent entretenir une image de sérieux. A ce titre le gouvernement a fait le choix de signer le document de Montreux, code déontologique de mise en oeuvre des SMP qui n’a cependant pas de force contraignante. Cette signature n’entretient donc guère d’illusions. Les SMP chinoises vont pouvoir se fondre discrètement dans le marché tel qu’il a été « normalisé » par les sociétés anglo-saxonnes malgré les 17 ratifications du document de Montreux par des Etats aussi dissemblables que la Suède, la France, les Etats-Unis et la Chine. Or si l’objectif affiché du document était d’instaurer des régimes tout a fait transparents concernant à la fois l’octroi de licences et le contrôle continu de l’activité des SMP, les standards affichés par les entreprises qui dominent le marché sont tristement moins élevés. Il est à craindre que le géant sécuritaire chinois se construise sur le modèle du confrère américain : l’opacité des critères de délivrance des agréments, les agissements à la frontière de la légalité (affaire du Soudan) imposent des critères résolument plus bas que ceux affichés à Montreux pour pénétrer le marché. D’ailleurs tout nouveau entrant s’insère dans un marché de la sécurité toujours globalement dans l’incapacité de condamner les errements de ses acteurs les plus sulfureux (tels Academi-Blackwater). Contrairement aux forces nationales régaliennes, les SMP n’obéissent pas toujours promptement aux réglementations concernant le respect des droits de l’homme.
Néanmoins consciente du potentiel de reconversion de ses forces de sécurité, le gouvernement chinois semble tout de même encourager ces jeunes entreprises à chercher de nouveaux débouchés internationaux. Par ailleurs la lutte contre la piraterie pourrait éventuellement devenir un de ces judicieux débouchés. La mer de Chine étant plus particulièrement touchée par cette problématique sécuritaire, le terreau semble donc fertile. Le rapport annuel 2011 de l’Organisation Maritime Internationale dénombre 1 acte pour la mer de Chine et 102 pour la mer de Chine méridionale, bien que les derniers chiffres présentent une amélioration constante de la situation du fait des programmes mis en place par les Etats côtiers (dont la Chine). Même si cette dernière a choisi de privilégier les patrouilles de garde-côtes aux équipes de protection embarquées, elle autorise l’utilisation de gardes privés sur les navires marchands battant pavillon chinois dans le cadre prescrit par les réponses que le gouvernement à bien voulu envoyer à l’OMI en retour du questionnaire MSC-FAL.1/Circ 2.
A titre d’exemple, les offres de service proposées par les SMP de protection maritime pour l’embarquement d’une équipe de 3 à 4 membres durant la traversée de zones particulièrement dangereuses oscillent entre 7 000 et 15 000 euros. Les entrepreneurs chinois sont en mesure de proposer un prix au moins 2 fois inférieur contribuant ainsi à pousser définitivement les armateurs dans le giron du lobbying pro-gardes privés.
Comme souvent en matière de SMP, le développement est rapide, reste à voir si l’adaptation aux impératifs du marché suivra le rythme imposé par les investisseurs chinois. Et la question qui demeure est celle-ci : l’envoi d’agents de sociétés de sécurité privée dans des pays défaillants ne témoignent-ils pas d’un manque de confiance empêchant ce même pays d’avancer ? La question se pose d’autant plus quand la Chine use de ses gardes comme prolongement de son influence à la place de soldats réguliers qu’elle ne peut légalement envoyée dans certaines régions. Sur ce point son analyse est analogue à celle des Etats Unis.

Pascal Madonna, diplômé du Master II en 2012.

Bilan en cours de la réforme de l’armée russe

27 Oct
Délaissées depuis la chute de l’Union soviétique, les forces armées russes ont fait l’objet d’une lente dégradation. Absence de ressources, manque d’entraînement, corruption massive, organisation inadéquate, les causes en sont nombreuses et ont handicapé durablement l’armée russe. Le bilan des opérations menées depuis 1991 en révèle les failles. Si la première guerre de Tchétchénie en est la démonstration la plus frappante, la guerre de Géorgie (août 2008) en constitue l’exemple le plus récent.
C’est précisément à la suite de ce conflit que le ministre de la Défense de la Fédération de Russie, Anatoly Serdyukov, annonce en octobre 2008 le lancement de la réforme militaire la plus importante depuis la création de l’Armée Rouge en 1918. Il s’agit d’une refonte radicale, concernant l’ensemble des forces armées et témoignant d’une nouvelle approche stratégique.
Cette réforme, qui a beaucoup surpris par son radicalisme et sa rapidité, vise à transformer l’armée russe, basée sur la mobilisation de masse, en une force plus compacte et professionnelle. Elle se distingue ainsi fondamentalement du modèle soviétique, qui demeure la norme jusqu’en 2008.
L’état des forces armées avant la réforme :
Les forces armées russes sont, en 2008, une version délabrée et considérablement réduite de l’appareil militaire soviétique de 1989. Elles se caractérisent notamment par :
  1. Une disproportion des échelons de commandement : 52 000 personnels sont affectés à l’administration centrale pour une force comprenant, selon les estimations, seulement 100 000 effectifs opérationnels.
  2. Une trop grande part d’officiers
  3. Une très faible proportion de troupes opérationnelles : 13% du nombre total d’unités (17% dans l’armée, 7% dans l’armée de l’air, 70% dans la marine). Cet élément ne concerne toutefois pas les troupes aéroportées et les forces stratégiques.
  4. Un matériel vétuste : de 1992 à 2008, presque aucune livraison d’équipement n’a été effectuée, si bien que 55% du matériel est inutilisable.
Les causes d’une telle dégradation sont aussi bien internes qu’externes. L’armée russe est exposée, dans les deux décennies post-Guerre Froide, à d’importants problèmes politico-militaires, liés à l’apparition d’autres priorités pour les dirigeants politiques. La place croissante de l’opinion et la situation chaotique de l’économie ont fortement écarté l’institution militaire des priorités de la classe politique. En outre, la crise démographique heurte de plein fouet l’armée russe, basée sur la conscription. Au plan externe, l’évolution de la situation internationale fait passer la place des forces conventionnelles au second rang. L’endiguement de l’OTAN ou de la Chine n’est désormais possible que par les forces stratégiques, les moyens militaires conventionnels russes n’étant pas suffisants pour faire face à ces acteurs. Ils sont donc relégués à des conflits à échelle plus réduite et, là aussi, ne sont plus une priorité pour l’Etat russe.
Contexte politico-militaire de la réforme :
La réforme de 2008 tient compte de l’évolution des menaces pesant sur la sécurité de la Russie et révèle la préoccupation de l’état-major pour certains risques relativement peu médiatisés. En effet, si la perspective d’un conflit ouvert avec l’OTAN est très improbable, celle d’une guerre conventionnelle contre un autre ennemi ne l’est pas. L’occupation des îles Kouriles et les tensions en résultant avec le Japon fait notamment craindre la perspective d’un scénario du type « guerre des Malouines », expliquant la modernisation de la flotte du Pacifique.
La CEI est également le théâtre d’un bon nombre de conflits potentiels susceptible d’entraîner une intervention russe. L’illégitimité des frontières, notamment dans le Caucase du Sud et en Asie centrale, l’islamisme, particulièrement avec le retrait de l’OTAN d’Afghanistan, la question des ressources énergétiques et hydrauliques ainsi que différents trafics sont des facteurs d’instabilité maintenant la périphérie sud de la Russie dans un état d’instabilité permanente.
La réforme doit assurer une évolution vers une force de projection, mobile et efficace aussi bien dans des opérations de contre-terrorisme que dans le cadre d’un conflit conventionnel. Elle doit par ailleurs prendre en compte l’état des ressources démographiques et financières.
Ressources démographiques :
Un des éléments déterminants de l’institution militaire russe dans les court et moyen termes est la crise démographique, sûrement même plus que la contrainte financière. Plusieurs éléments sont à considérer :
-       La baisse du nombre de conscrits : l’objectif d’un million de conscrits, souhaité par l’état-major, est clairement inatteignable. La réforme table plus sur un effectif de 550 000, mais il est probable qu’il diminue dans les années à venir autour de 300 000 conscrits par an.
-       La moindre qualité physique des conscrits : la proportion de conscrits aptes au combat ne cesse de diminuer (70,4% fin 2009, 68,4% en 2012).
-       Le manque de loyauté des conscrits : la loyauté a diminué depuis la fin de l’Union soviétique. Elle est particulièrement faible chez les conscrits du Caucase du Nord, alors que cette région est la source des conscrits les plus aptes physiquement et les mieux entrainés.
Ressources financières :
Le budget de la défense pour 2012-2013 est en hausse, en termes réels comme en part du PIB. En termes réels, il augmente de 9,1% en 2012 et doit augmenter de 26,8% en 2013. Il représente 3,1% du PIB en 2011 et doit passer à 3,4% en 2013. Il est toutefois estimé que cette hausse n’est pas suffisante pour assurer le succès de la réforme, un budget dépassant les 4% du PIB paraissant nécessaire.
Les objectifs stratégiques de la réforme :
-       Réduction des effectifs de 1,35 millions (en 2007) à 1 million (en 2012)
-       Réduction du nombre d’unités et meilleure préparation au combat
-       Transformation de la structure du personnel en une forme plus pyramidale. Pour cela, le nombre d’officiers diminuera de 335 000 à 150 000.
-       Adoption d’une nouvelle structure de commandement : au lieu des 6 districts militaires, passage à 4 commandements stratégiques multiservices. L’Etat-Major de la zone militaire « Ouest » est à Saint-Pétersbourg, celui de la zone « Sud » est à Rostov sur le Don, celui de la zone « Centre » à Ekaterinbourg, et celui de la zone « Est » à Khabarovsk (voir carte ci-dessous).
-       Réorganisation de l’armée de terre en brigades et réduction des niveaux de commandement supérieurs de quatre (district militaire/armée/division/brigade) à trois (commandement stratégique/armée/brigade)
-       Réorganisation de l’armée de l’air et de la défense antiaérienne en bases aériennes et bases de défense antiaérienne (abolition des armées, corps, divisions et régiments)
-       Centralisation du réseau d’éducation militaire. Passage de 65 institutions à 10 universités militaires
-       Réduction des effectifs de l’administration centrale de 51 300 à 13 400
-       Externalisation de la logistique
-       Augmentation du nombre d’exercices
-       Adoption d’un programme d’armement 2011-2020
-       Hausse des salaires de militaires

Военно-административное деление Российской Федерации

(Découpage militaire en 4 commandements stratégiques multiservices : Ouest, Sud, Centre et Est)
Réorganisation de l’armée de terre :
La réorganisation entérine la renonciation au modèle soviétique pour l’adoption d’un modèle restreint avec des unités professionnelles mieux préparées. Elle s’est accomplie rapidement, paradoxalement grâce à la structure de l’armée de terre du modèle soviétique. Ce dernier était basé sur une hiérarchie des unités en fonction de leur qualité. Des grades A, B, C et D étaient attribués aux unités. La réforme a donc pu directement supprimer les unités les moins performantes.
En 2009 23 divisions ont été réorganisées en 85 brigades :
-       40 brigades interarmes : 4 brigades blindées, 35 brigades de fusiliers motorisés, et une brigade de forteresse. Chacune d’elles comprend en outre deux bataillons d’artillerie et un de LRM, un bataillon de SAM, un bataillon d’artillerie antiaérienne, un du génie, un de transmissions, un de maintenance et un de logistique, et une compagnie de reconnaissance.
-       45 brigades d’appui : 9 brigades de missiles, 13 d’artillerie (y compris 4 de fusées), 9 de défense anti-missiles, 1 d’ingénieurs, 7 brigades de forces spéciales, 3 de guerre électronique et une de reconnaissance basée à Mozdok (Caucase-Nord).
Toutes ces brigades sont désormais prêtes au combat et équipées (95% de l’équipement serait utilisable). D’ici 2015, l’objectif est de transformer ces brigades en 3 types : lourd, moyen et léger. Les brigades lourdes seront les mieux préparées et les plus équipées, les brigades moyennes seront dotées de véhicules sur roues et seront employées pour des opérations de réaction rapide, et les brigades légères seront équipées de véhicules légers, notamment pour la reconnaissance.
Réorganisation de l’armée de l’air et de la défense antiaérienne :
Là aussi, la réorganisation abandonne la structure en place depuis 1938 de régiments aériens. Ces derniers sont remplacés par des bases aériennes, qui incluent une structure de commandement, entre 1 et 7 escadrons, et un bataillon de maintenance. Le principe guidant cette réorganisation est d’intégrer les éléments terrestres et aériens dans une seule base.
Dès 2009, les 72 régiments aériens, 14 bases aériennes et 12 escadrons aériens dont disposait la Fédération de Russie sont remplacés par 52 bases aériennes. Par ailleurs, le nombre total d’unités dans l’armée de l’air et la défense antiaérienne a été réduit de 340 à 180. L’objectif est d’atteindre le format de 10 bases aériennes (incluant 2 bases aéronavales). Chaque base devrait disposer de 2 à 3 aérodromes.
Les défenses antiaériennes ont elles aussi été réformées en profondeur, mais à la différence qu’elles englobent avec la réforme la défense spatiale. Il existe désormais 13 brigades de défense aérospatiale.
Organisation de la marine :
La marine ne fait pas l’objet de réorganisation particulière. La réforme cherche plus à simplifier sa structure en visant la réduction du nombre d’unités, diminuant de 240 à 123.
Etat des forces stratégiques :
Elles ne font pas non plus l’objet de réforme particulière, notamment dans la mesure où elles doivent respecter les engagements du nouveau Traité START (2010).
La dynamique du recrutement et de la conscription :
Un des enjeux majeurs de la réforme est d’augmenter la part du recrutement sous contrat (phénomène des kontraktniki) par rapport à la conscription. De 2008 à 2010, cependant, la tendance a été plutôt à ralentir cette progression. Ce n’est qu’à partir de 2011 que, grâce au soutien des hautes sphères de l’Etat, le recrutement sous contrat s’est accru. La raison de cette mise en place difficile tient à l’échec d’une première tentative, dans la période 2004-2007.
Un programme fédéral est en effet mis en place dans cette période, avec pour objectif d’élargir le recrutement sous contrat de 30% à 50%, soit 400 000 personnels. Le programme échoue, avec seulement 190 000 kontraktniki et de très mauvaise qualité. L’explication de cet échec a été imputée à l’absence d’un corps de recruteurs professionnels ou à l’histoire, la Russie n’ayant jamais eu d’armée volontaire (à l’exception de quelques semaines après la révolution d’octobre 1917).
La réforme prévoit d’arriver, fin 2012, aux effectifs suivants : 220 000 officiers, 425 000 soldats sous contrat et 350 000 conscrits. Cette tendance, qui a pour but d’améliorer l’efficacité des troupes, est aussi une conséquence des difficultés que rencontre la conscription.
Programme d’armement :
Un des éléments majeurs de la réforme est également le programme d’acquisition de matériel pour l’armée de terre et la marine. Un programme d’armement 2011-2020 a été adopté et vise à ce que 70% de l’équipement soit neuf. Il prévoit un coût estimé à 616 milliards de dollars US.
Si le programme concerne aussi des équipements conventionnels, la priorité est donnée à l’amélioration des forces nucléaires et stratégiques et au déploiement de la force aérospatiale. Au niveau conventionnel, le programme prévoit principalement l’achat de matériel C4ISR et de transport aérien. Il est à noter qu’il accorde une très faible part (10%) à la recherche et développement (notamment dû à la corruption massive dans ce secteur).
Le risque principal pour l’exécution du Programme d’armement 2011-2020 est l’incertitude macro-économique à moyen terme. La plupart des dépenses sont prévues pour la période post-2013, alors que, du fait de la grande dépendance de l’économie russe sur les prix des hydrocarbures, il est difficile de prédire quel sera le budget alloué à la défense sur cette période.
Un autre problème auquel sera confronté le programme est la capacité de l’industrie de défense russe de mener à bien de tels programmes après deux décennies d’activité faible.   
La rapidité de la mise en place de la réforme ne doit donc pas occulter les obstacles transverses auxquels les forces armées russes sont confrontées. La fragilité de l’économie russe et la crise démographique sont sans doute actuellement les principales menaces pesant sur la Russie et les contraintes majeures d’une refonte militaire.
 
Maxime Pour, diplômé de Sciences Po Aix et tuteur du master II.
 
Source : валдай международный клуб
военная реформа. на пути к новому облику российской армий
(Groupe international « Valdai ». Réforme militaire. Sur la voie d’une nouvelle image de l’armée russe)
 

La paix sous contrat : la privatisation militaire américaine dans la guerre de Bosnie

18 Oct

Des « écorcheurs » du Moyen Age aux « chimères » ou « virus » contemporains, en passant par les « Affreux » de la Guerre Froide, la pratique du mercenariat renvoie dans l’imaginaire collectif français à une image floue et négative. Cette perception est toutefois récente. Conséquente de l’affirmation de l’Etat-Nation, elle date de l’époque révolutionnaire, où la « Nation en armes » remplace les corps de mercenaires, associés à la monarchie.

Il est donc important de se dissocier de cette perception pour tenter d’analyser de manière objective la forme contemporaine –soit entrepreneuriale –du mercenariat. L’étude des origines du processus de privatisation militaire est par ailleurs nécessaire pour expliquer le retour massif à cette pratique.

Une de ces origines est la guerre de Bosnie, peu connue pour ce phénomène mais pourtant théâtre de recours à une société militaire privée (SMP) par les Etats-Unis et élément déclencheur de la vague de privatisation militaire massive de la défense américaine. S’étalant sur quatre années marquées par l’échec successif des moyens mobilisés par la communauté internationale, le conflit est réglé en l’espace de seulement cinq mois grâce à l’assistance d’une quinzaine d’officiers supérieurs et généraux américains opérant à travers la firme MPRI. Représentative de l’évolution entrepreneuriale du mercenariat à partir de la fin des années 1980, cette dernière se démarque des pratiques mercenaires traditionnelles. Ses activités dans la guerre de Bosnie révèlent un potentiel stratégique et la fiabilité des SMP pour les autorités étatiques étatsuniennes ; elles démontrent leur capacité d’intégration aux normes démocratiques et renseignent sur les modalités d’un usage efficace de la privatisation militaire.

La guerre de Bosnie-Herzégovine est l’archétype d’une situation de vide sécuritaire dans laquelle prolifèrent les SMP après la fin de la Guerre Froide. La Bosnie-Herzégovine et la Croatie sont en effet, de 1991-1992 à 1995, le théâtre de conflits permanents dans un environnement marqué par l’absence de gouvernance locale et par une médiation internationale faible, incapable d’apporter une réponse militaire susceptible de mettre un terme aux conflits.

La situation n’est toutefois pas tenable pour les pays occidentaux. Face aux conséquences potentielles sur l’OTAN d’une désunion durable avec ses membres européens et sous la pression d’évolutions politiques internes, les Etats-Unis adoptent, à partir de la fin 1994, une posture plus interventionniste. La tâche est pourtant délicate et doit suivre trois vecteurs incontournables. Il s’agit d’abord de réussir à imposer aux Serbes de Bosnie le plan Invincible. Il faut cependant pour cela utiliser la force mais sans mettre en danger les troupes de la Force des Nations Unies, la FORPRONU. Enfin, la situation politique interne aux Etats-Unis conditionne un tel plan à sa réalisation rapide et sans l’engagement de nouvelles forces. Cela revient, pour Washington, à établir les conditions nécessaires à la paix, mais sans les réaliser par des moyens militaires américains.

La solution adoptée par l’administration Clinton est le recours à la firme MPRI (Military Professional Resources Incorporated). La stratégie américaine prenant appui sur la Croatie, le gouvernement croate signe avec MPRI deux contrats en septembre 1994. La Croatie parvient alors, au cours d’une offensive spectaculaire (opération Storm) s’étalant sur cinq mois, à retourner la situation militaire, dominée depuis 1991 par les Serbes. Provoquant en même temps le plus grand déplacement de populations de l’histoire européenne depuis la Seconde Guerre mondiale, elle associe également la firme à des soupçons de responsabilité dans les atrocités perpétuées. La nature des activités de MPRI doit donc être établie avec la plus grande exactitude possible.

Cette firme, une des principales SMP du marché, est spécialisée dans le conseil militaire et tire sa réputation de caractéristiques uniques lui permettant de jouer un rôle particulier dans les relations internationales. Créée en 1987 par huit officiers généraux de l’armée américaine, elle a peu en commun avec les « Affreux » de la Guerre Froide. Exclusivement issu de l’élite militaire américaine, son personnel offre aux clients de la firme une expertise de haute qualité et des liens privilégiés avec le Pentagone. Se limitant au conseil, la firme n’accomplit aucune opération de combat. Le trait distinctif de MPRI, et central dans le cas présent, est le professionnalisme et la loyauté envers la politique étrangère de Washington, lui permettant de travailler en étroite collaboration avec les Départements d’Etat et de la Défense.

Or il semble que la firme ait agit, fidèle à sa réputation, dans les « salles de cours ». L’analyse de l’évolution de l’efficacité militaire croate depuis le début du conflit conduit à considérer comme moins susceptible la participation de la firme aux niveaux tactique et stratégique. La présence d’une diaspora ayant été entrainée dans les écoles militaires occidentales, l’héritage militaire des Oustachis puis des groupes armés dissidents du régime communiste de Yougoslavie ont légué des connaissances tactiques à l’armée croate. Celle-ci se révèle, dès les premiers mois du conflit, capable de mener des opérations tactiques efficaces, comme dans la reprise de la ville de Pakrac au printemps 1991. De plus, des indices laissent penser que l’armée croate dispose d’une vision stratégique avant le contrat avec MPRI. Le réarmement et la réorganisation d’une force de plus de 250 000 personnels, en temps de guerre, ainsi que certaines opérations, comme la prise du pont de Maslenica, suggèrent une certaine efficacité croate au plan stratégique.

L’armée croate souffrant par contre de lacunes au niveau opérationnel, MPRI aurait apporté son expertise à ce seul niveau, de deux façons. Elle aurait d’abord transmis à l’armée croate une conception doctrinale de l’armée américaine. Cette approche opérationnelle reposait sur Airland Battle, dont le principal théoricien était alors le président de la firme. MPRI aurait également permise, dans le cadre de la mise en place de cette approche, la coordination des forces terrestres croates avec les forces aériennes de l’OTAN. L’organisation atlantique, paralysée par la présence de la FORPRONU, ne pouvait procéder à un usage effectif de sa puissance aérienne sans une force efficace sur le terrain, avec laquelle elle pouvait agir en étroite coordination. L’apport de MPRI aurait ainsi accru à la fois l’efficacité militaire de l’armée croate et celle de l’OTAN.

(Situation militaire avant la reprise de la Krajina, territoires en rouge occupés par la VSK, l’armée serbe de Krajina)

oluja.jpg

(Opération « Storm » de reprise de la Krajina par les forces croates, août 1995)

Le bilan militaire du recours à MPRI dans le premier conflit yougoslave doit être envisagé sous plusieurs angles. Il représente un potentiel intéressant de gestion des conflits armés. S’il s’avère être flexible, adaptable aux exigences d’une situation spécifique, il est également rapide, financièrement attrayant et licite au regard des instruments juridiques auxquels il est soumis. Le recours à une firme semble pouvoir renverser une situation militaire sans avoir à assumer les risques et les coûts de l’engagement d’une armée nationale.

Il met néanmoins en évidence un danger en matière de contrôle de la force armée. Sans qu’il soit possible d’établir un lien direct entre la firme et les déplacements de population, l’efficacité de l’offensive permet aux troupes croates de procéder à des atrocités envers les populations civiles. Le risque réside donc dans la perte de contrôle de la force armée. Cette dernière peut répondre aux préoccupations des gouvernements locaux, leur donnant ainsi les moyens de réaliser leurs objectifs, quels qu’ils soient.

Cependant, même sur ce point, les activités de MPRI apportent des enseignements surprenants. La firme n’aurait pas été seulement employée dans un cadre strictement militaire, mais également diplomatique, et aurait ainsi été au centre de l’évolution diplomatique initiée par les Etats-Unis à partir de 1994. A court terme, MPRI est utilisée comme élément d’échange en vue d’obtenir des concessions croates en vue d’obtenir la création de la Fédération croato-musulmane (toujours en place). Elle permet également un contrôle étroit des forces croates par les Etats-Unis. Une perte de contrôle de ces dernières aurait entravé toute démarche de paix. Le contrôle de l’offensive croate, débouchant sur les accords de Dayton, a ainsi été principalement réalisé par MPRI.

En outre, à moyen terme, la firme est réemployée dans le cadre de la diplomatie américaine consistant à faire de la Croatie un allié pivot des Etats-Unis dans les Balkans. Elle contracte deux nouveaux contrats avec le gouvernement croate pour la démocratisation des relations civilo-militaires. Selon de nombreux rapports, ces contrats ont été exécutés avec efficacité et sont en partie responsables de l’entrée de la Croatie dans l’OTAN en 2008 et de la signature du traité d’adhésion à l’Union Européenne en 2012.

Le bilan du recours à MPRI dans la guerre de Bosnie révèle un certain nombre de retombées potentiellement positives du recours aux SMP, aussi bien militaires que diplomatiques. En conclusion, la clé de l’efficacité de la privatisation militaire repose sur l’articulation des spécificités de la firme avec les circonstances particulières de la situation et la nature des objectifs poursuivis par la partie contractante et l’Etat émetteur de la firme. Seule une concordance de l’ensemble de ces éléments serait en mesure d’écarter les risques posés par cette pratique. Dans un environnement sécuritaire en mutation, exigeant de plus en plus adaptabilité, minimisation de la prise de risque et économies budgétaires, l’expérience croate est positivement interprétée par les Etats-Unis : employé avec précaution, le phénomène de privatisation militaire est en mesure d’apporter une réponse appropriée dans une situation complexe.

Maxime Pour,

diplômé de Sciences Po Aix et moniteur du master II (2012-2013)

Afghanistan : Le front des opinions publiques

11 Oct

Promesse de campagne du candidat Hollande, le retour des troupes françaises de Kapisa bénéficie, si l’on en croit la couverture médiatique accordée aux pertes lors de ces derniers mois, d’un certain intérêt de la population française. Les hommages nationaux ainsi que les temps d’antenne inéluctablement plus importants que ces dix dernières années nous indiquent que l’année 2012 est marquée par un regain d’intérêt du public pour son armée engagés en Afghanistan. Cependant, rapidement balayé de l’espace médiatique, l’acte politique relatif au rapatriement de ces « forces combattantes » ne traduit en rien un soulagement de l’opinion publique française. En effet, si l’engagement français en Afghanistan a souffert d’un enlisement stratégique lié à la difficulté de la coalition à venir à bout des insurgés, la quasi indifférence de la population a elle aussi joué un rôle important dans l’impopularité des opérations engagées.

Le temps du soutien

Revenons sur les faits. Le 11 septembre 2001, le symbole de la puissance américaine s’effondre par la seule volonté d’une organisation terroriste. Basée en Afghanistan, et à l’époque peu connue par les opinions publiques occidentales, Al Qaeda et son leader Ben Laden incarnent la nouvelle menace. Dans une émotion immense, les populations approuvent l’intervention militaire dans la mesure où les taliban, à la tête du pays, ne se résignent pas à remettre Ben Laden aux Américain. En octobre les premières frappes commencent dans l’approbation générale. L’opération initiale paraît simple. Bombarder des camps d’entraînement et mettre à bas ceux qui avaient permis l’installation de l’organisation djihadiste. L’ONU prend des mesures pour permettre des progrès civils ainsi que l’instauration d’une nation démocratique. En effet, l’urgence de faire progresser les droits de l’Homme et surtout la condition féminine réduite dans ce pays au rang le plus infâme, fait l’unanimité dans une volonté d’ingérence humanitaire et sanitaire. Cette séquence est celle du temps de l’approbation. Brève et ponctuelle, cette période, pourrait-on dire du « lendemain », est celle des représentations médiatiques fortes et des sondages enthousiastes. En effet, Jean Marie Colombani titre en Une pour Le Monde le 13 septembre 2001« Nous sommes tous Américains » et un sondage Ifop pour Le Figaro indique que l’intervention militaire est accréditée à 55% par la population au mois d’octobre.  Cependant, une décennie s’écoule, les cadres d’Al Qaeda sont soit tués soit en fuite. Les taliban, innovent, adaptent leur résistance face à l’arsenal déployé par leurs adversaires. Le général Français Vincent Desportes confie en 2009 à l’hebdomadaire Marianne que « la situation n’a jamais été pire ». Les propos accordés par l’ancien chef de la coalition, le général Mc Chrystal, à l’hebdomadaire américain Rolling Stones sonne le glas de tout espoir de réussite objective au pays des faucons.

L’épuisement du soutien

Engluée dans un conflit inextricable la force onusienne FIAS commandée par l’OTAN, doit faire face à une résistance acharnée menée par les taliban qui opèrent en guérilla. Pris dans un piège stratégique institué par un lot d’erreurs consécutives (ouverture d’un second front en Irak, oubli des principes fondamentaux de contre-insurrection, complexité de la chaîne de commandement) les opinions publiques des pays engagés dans la coalition commencent à formuler leur inquiétude sur cette guerre qui n’en finit pas. Evacuée en partie par l’invasion illégale de l’Irak, la guerre en Afghanistan se fait oublier progressivement jusqu’à ce que le nombre de pertes vienne rappeler aux populations que leurs armées sont engagées dans une vraie « guerre ». La lassitude et le pessimisme l’emportent sur l’approbation observée pendant les débuts. Quels sont les mécanismes qui conduisent les opinions occidentales à se débrancher d’un contexte qui pourtant les concerne ? Ce manque d’enthousiasme concernant ce conflit n’est pas le fait d’un seul facteur mais porte en son sein un caractère multidimensionnel adapté à chacun des pays engagés. Si le déroulement stricto sensu des opérations (le sentiment d’enlisement) déçoit largement les opinions, le traitement médiatique, la complexité du théâtre, « l’illisibilité narrative » (Frédérique LEICHTER-FLACK) du conflit ainsi que l’opacité du commandement OTAN tiennent aussi une part de responsabilité dans l’incompréhension générale de l’opinion. De surcroît, le discours politique narrant la nécessité d’intervention au nom de la sécurité nationale pèse aussi dans le sens où le public éprouve des difficultés à percevoir les liens directs qui existent entre la volonté d’instaurer la « liberté immuable » dans cette région du monde et la lutte contre l’organisation Al Qaeda qui s’est externalisée, voire internationalisée depuis (notamment dans des territoires plus proches de la France comme ceci est le cas de l’organisation AQMI).

S’installe alors la longue séquence  qui est celle de l’épuisement de l’opinion. En France, l’érosion du soutien s’exprime nettement. Favorables à 55% en octobre 2001, les Français ne sont plus que 45% en 2008, 36% en 2009, 29% en juillet 2010 et 28% en février 2011 à se positionner en faveur de la cause afghane. Outre le « vide » qui s’observe entre les années 2001 et 2008, la chute de l’adhésion est claire et s’aggrave considérablement entre 2008 et 2011. Ceci s’explique en partie par l’incompréhension des opérations dans la mesure où, avec le temps, les objectifs de l’engagement n’ont pas bénéficié de quelconques efforts pédagogiques auprès de la population. Considérant le cas français, Frédérique Leichter-Flack en dit ceci : « La nécessité de trouver en effet, a posteriori, des arguments capables de justifier l’engagement français en Afghanistan au-delà de son mobile d’origine (la réponse au 11 septembre) et de son motif non avoué (être en Afghanistan pour ne pas être en Irak), a conduit à une accumulation de « raisons d’y être » et de « raisons d’en être » dont la juxtaposition a pu avoir des effets contre-productifs ».

Ce « cumul des mandats », comme ceci est qualifié, détourne sans cesse l’attention du public qui ne peut trouver de ligne directrice dans le discours politique qui justifierait la présence à long terme des forces françaises. Même constat pour Dominique Lagarde qui rajoute que les opinions « ne comprennent pas pourquoi leurs armées se battent en Afghanistan ». Communication institutionnelle insuffisante, dictature du « fait » dans la presse, opacité des objectifs poursuivis…les raisons de cette incompréhension sont multiples mais celles-ci révèlent en filigrane la nature du rapport qui s’établit entre la nation et son armée. Frileux à l’idée de prononcer le mot « guerre », le pouvoir politique semble inconsciemment entretenir l’incompréhension qui s’établit entre l’opinion et les actions menées en Afghanistan. En effet comment justifier l’alourdissement des pertes alors que le discours politique semble tourner autour du pot ? Hervé Morin, alors ministre de la Défense à cette époque, confie au Monde en janvier 2010 « Nous menons des opérations de guerre, c’est évident. Mais je ne veux pas que nous puissions dire que nous sommes en guerre ». Outre les précautions prises par le pouvoir politique afin de ménager l’opinion, s’observent en réalité une quasi indifférence et un relatif sommeil des consciences rappelant la déconnexion qui caractérise le lien armée-nation.

Anatomie de l’indifférence

La position des populations nord-américaines et européennes expriment un paradoxe. En effet, l’impopularité de la guerre en Afghanistan ne fait plus de doute mais les opinions ne semblent pas s’indigner plus que ça. A-t-on vu des manifestations de masses en Grande-Bretagne comme ceci fut observé à propos de l’intervention contestée en Irak ? Les pays de la coalition paraissent-ils sous la pression de leurs opinions qui réclament avec rage le retour de leurs troupes ? Ainsi, la distorsion entre la formulation d’un sentiment hostile et l’application de cette hostilité s’observe concernant la guerre en Afghanistan. Ainsi, à la question, « Le guerre en Afghanistan est-elle méconnue ? Impopulaire ? Ignorée ? », le soldat Demine, caporal au 7ème BCA, répond lors d’un entretien qu’il nous accordé « clairement les trois ! ». Cela ne fait aucun doute, les opinions publiques semblent déconnectées du théâtre d’opération.

Que ce soit au niveau de la presse, qui ne relaye l’information qu’à l’occasion des morts, ou au niveau politique, qui ne s’embarrasse pas de ce débat, s’installe ici un progressif « oubli » comme le déplore le rapport de l’Assemblée européenne de sécurité et de défense : «  les citoyens ont oublié les raisons de cette guerre ». La question des pertes permet une brève brèche dans ce silence car la guerre en Afghanistan « se manifeste que lorsque la mise en jeu de la vie des soldats agit come un révélateur d’un engagement souvent ignoré et en tout cas plutôt occulté par le public ». Cela montre que l’Afghanistan est loin d’être prioritaire dans les préoccupations publiques. Cet « oubli » traduit-il une négligence ou une frilosité relative à l’emploi de la force, de la violence ? Comme le montre l’étude réalisée par la Délégation à l’Information et à la Communication de la Défense (DICOD), les citoyens manifestent le souhait de se sentir protégés par leur nation : « Les Français expriment à l’évidence un besoin global de protection et de sécurité, ces domaines d’action relevant directement du champ de la puissance publique ». De surcroit, les Français entendent bien que des questions sécuritaires liées au terrorisme se jouent dans cette région. Or, le déploiement, comme il est vécu par l’opinion, dérange comme le montrent les sondages réalisés par divers instituts.

Nous pouvons observer ici un certain « décrochage » qui s’opère entre le besoin de se sentir en sécurité et l’emploi de la force. Nous remarquons là le rapport complexe qu’entretiennent les nations avec le besoin de défense. Autrement dit, les populations s’accordent sur le fait que la sécurité des citoyens est primordiale dans une démocratie mais les actions guerrières, sensées ici les prémunir d’une attaque sur leurs sols, sont loin d’être plébiscitées. Ainsi, les opinions publiques manifestent ce malaise par une sorte d’indifférence, laquelle se déguise en impopularité lorsqu’une enquête sollicite leur avis. La dépendance existante entre utilisation de la force et approbation de l’opinion est ici mise à mal par ce sentiment nouveau. En effet, le pouvoir politique éprouve des difficultés à traiter du dossier Afghan dans la mesure où cela pourrait avoir pour conséquence de faire sortir pour un temps l’opinion de cette indifférence latente, laquelle se transformerait en une hostilité pouvant être intérieurement instrumentalisée. Le silence observé par certains parlementaires français traduit bien ce malaise induit par la position bancale de l’opinion. L’occultation du terme « guerre » ainsi que l’insistance sur la vocation pacifique de cette mission sont l’un des symptômes de ce rapport. En effet, les institutions semblent ici capituler face à cette perception ambiguë de l’acte guerrier. Sur le terrain, le fait de ne pas poursuivre les insurgés, les missions à caractère civil ainsi que le nombre limité d’hommes sur place illustrent ce besoin de silence qui entretient, en métropole, l’indifférence.

En effet, en Afghanistan, il s’agit d’envoyer des hommes dont l’emploi va volontairement être limité afin de ne pas s’exposer au réveil de l’opinion. Autrement dit, les pouvoirs politiques préfèrent qu’une guerre dure dans le temps en envoyant peu de soldats, mourant au « compte goutte », plutôt qu’une force massive (en accord avec le « quadrillage » du terrain voulu par les principes élémentaires de contre-insurrection) qui exposerait la mission à la contestation de l’opinion. La volonté politique d’entretenir ce silence est, selon le député UMP Hervé Mariton, un facteur aggravant de ce statu quo : « Ils savent que les Français ne sont pas favorables à la poursuite de l’engagement des troupes françaises, alors ils préfèrent que nos soldats se fassent tuer en silence » (Marianne, janvier 2011).   L’utilisation d’une force limitée revêtue d’une dimension pacifique relative à un « maintien de la paix », entretient de facto cette indifférence car ce type d’action ne permet pas à la population de se mobiliser en faveur ou non à un tel déploiement. Afin qu’une guerre ne franchisse un seuil intolérable d’impopularité, les pays de la coalition semblent préférer recourir à une force limitée, tant dans son emploi, son effectif que dans ses prérogatives afin de contenir les populations dans l’indifférence pouvant, à l’occasion de tel ou tel événement, se constituer temporairement en une hostilité modéré. Le problème est que des opérations de ce type se gagnent avec l’opinion comme le suggère le caractère médiatique de la stratégie des taliban…

Se dessine ici un triangle systémique, aux trois sommets interdépendants, conforme au recours à la force par un pouvoir démocratique : « opinion-politique-guerre ». Ainsi, si l’un de ces trois sommets montre des signes de faiblesses, les autres s’ébranlent inéluctablement dans la mesure où ce mince équilibre est rompu. Autrement dit, lorsque la situation sur le terrain ne fournit pas de résultats encourageants conformes aux valeurs que la nation prétend défendre, cela se traduit par une désapprobation publique, laquelle aura un impact sur la décision politique concernant les ordres sur le terrain. Ceci montre le mécanisme de la problématique de l’opinion face à la guerre. Malmenées par des nouvelles inquiétantes, les opinions publiques ont montré dans l’histoire l’enjeu qu’elles représentaient à l’image des campagnes de désinformation instituées par la propagande de la Troisième République pendant la Première Guerre Mondiale. De façon un peu rapide, on pourrait dire « quand l’opinion perd, l’ennemi gagne ». Dans cette perspective, les résultats de l’engagement français en Afghanistan sont à l’image du soutien très mince que celui-ci bénéficiait.

Romain Herreros, diplômé du Master II en 2011, ex-chargé d’études au CDEF, auditeur IHEDN

D’après son mémoire sous la direction du professeur J.C. Jauffret.

Brigades internationales : Franco aussi

7 Oct

Travail d’un passionné d’histoire, cet ouvrage s’inscrit dans un domaine qui m’est cher, celui des réflexions sur les circulations militaires et politiques. Il s’inscrit par ailleurs dans le renouveau des études des historiens sur les « internationales blanches » des XIXe et XXe siècles. Quand on évoque la guerre civile espagnole, on pense en premier lieu à la forte mobilisation en faveur du camp républicain qui donne lieu aux « brigades internationales ». Tout l’intérêt de ce livre est de porter un regard d’ensemble sur les différents groupes étrangers qui viennent s’enrôler sous la bannière du camp franquiste. L’étude rappelle les envois nazi et fasciste de combattants en Espagne ; elle revient sur le piètre apport de la Bandera irlandaise comme sur les engagements des milieux royalistes français chez les phalangistes ou dans la Bandera Jeanne d’Arc. Toutefois, l’ouvrage s’enrichit également d’analyses sur des mouvements moins bien connus. Il montre le bénéfice médiatique et politique retiré par le meneur nationaliste roumain Codreanu et sa Légion de l’Archange Michel d’un envoi symbolique de combattants ou encore le pragmatisme de l’Estado Novo au Portugal dans un soutien discret mais réel à Franco. Le panorama est complet, évoquant tour à tour les combattants « africains et partisans de la cause arabe » puis les « fils d’Israël », les Sud-Américains ou les « volontaires asiatiques ». On regrettera simplement parfois le trop grand focus apporté sur tel ou tel parcours individuel et une analyse transversale qui n’arrive qu’en conclusion. L’ouvrage n’en demeure pas moins une très bonne synthèse (unique à ma connaissance en langue française) sur ces volontaires nationalistes venus former des brigades internationales de Franco.
Roussillon Sylvain, Les brigades internationales de Franco, Versailles, Via Romana, 2012, 362 p. (24 euros)

Walter Bruyère-Ostells

Le règlement de la crise iranienne : étude prospective

7 Oct

Il s’agit ici d’examiner les différents scénarii envisageables pour un dénouement de la crise iranienne. L’option d’une guerre prochaine déclenchée par les Etats-Unis m’apparaît finalement comme étant la plus probable.

Les scénarios pour éviter la guerre

Le « Big Deal » :

Le « grand marché » géopolitique est l’une des solutions avancées par les observateurs pour dénouer cette crise.  Cette option a longtemps été portée par plusieurs observateurs américains qui estimaient que l’Iran aspirait davantage à la reconnaissance de son rôle d’acteur majeur au Moyen-Orient et  à un développement économique pacifique, qu’à la tension continue, la possession de l’arme atomique voire à la guerre. L’objectif serait de faire admettre à l’Iran que la recherche de la bombe nucléaire ne serait plus nécessaire car ni les Etats-Unis ni leurs alliés ne menaceraient plus l’Iran d’un changement de régime.  Il s’agirait pour les dirigeants américains de jouer « cartes sur table » avec l’Iran, en abordant l’ensemble des sujets de discorde qui ont envenimé les relations irano-américaines depuis 1979 et en les résolvant un par un alors que chaque partie accepterait concessions et compromis. En échange d’un renoncement  à l’arme nucléaire et au soutien du terrorisme à l’étranger, la République Islamique verrait l’ensemble des sanctions votées contre elle depuis quatre décennies levées, les menaces d’intervention sur son territoire dissipées et son rôle de puissance régionale reconnu par tous. Il semble que les dirigeants iraniens ont depuis plusieurs années renoncé à cette option après les ouvertures tentées par Barack Obama en 2009.

Le  containment :

Cette option a pu être un moment envisagée lors des débats de l’élection présidentielle américaine de 2008 aux Etats-Unis. Selon la doctrine de l’endiguement mise en œuvre durant la guerre froide face à l’URSS, les Etats-Unis auraient accepté un Iran possédant l’arme atomique en prenant de multiples  mesures pour contenir cette puissance nucléaire. Par un bouclier antimissile déployé en Europe (Roumanie, République Tchèque), par un armement massif des pays arabes du Golfe Persique (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Oman….), par un maintien du «gap » technologique existant entre Israël et ses voisins (avec la mise en place de radars américains sur le territoire israélien, du développement d’un propre bouclier antimissile israélien (système Arrow) et la livraison des matériels les performants comme le chasseur-bombardier F-35), ainsi qu’une présence militaire américaine renforcée dans le Golfe Persique, les Etats-Unis auraient pu être en mesure selon certains d’atténuer la menace que pourrait faire peser un Iran nucléaire sur le Moyen-Orient. Cependant, Israël a d’emblée écarté cette option clamant qu’il ne peut courir le risque d’une seule bombe nucléaire iranienne explosant sur son territoire sous peine d’être détruit de façon irréversible. Barack Obama au mois de septembre 2012 a ainsi rassuré Israël en affirmant que le containment d’un Iran nucléaire n’était plus une option.

La « guerre secrète »:

Afin de retarder au maximum toute accession iranienne à l’arme nucléaire, les services secrets israéliens et américains tenteraient depuis plusieurs années de saboter, d’endommager, de ralentir par tous les moyens le programme nucléaire iranien.  Ces actions seraient principalement  les sabotages technologiques et les exécutions ciblées. La NSA, la CIA, et l’unité israélienne 8200 de guerre électronique par le biais du programme informatique « Olympic Games » ont sans doute pu lancer successivement les virus Stuxnet, Duqu et Flame, dans les réseaux électroniques des centrales nucléaires iraniennes et y causer de gros dégâts notamment en détruisant des centrifugeuses nécessaires à l’enrichissement de l’uranium. Au-delà de la cyber-guerre, le Mossad n’hésiterait pas à envoyer des agents au cœur de l’Iran afin de procéder à des destructions d’infrastructures par le biais d’explosifs comme la destruction d’un stock de missiles iraniens, le 12 novembre 2011 sur une base des Gardiens de la Révolution. Enfin le Mossad aurait ces dernières années directement procédé à des assassinats de personnalités clés du programme nucléaire iranien, comme des scientifiques, universitaires, officiers, abattus en pleine rue à Téhéran ou tués dans l’explosion de leur voiture. Mais toutes ces mesures ne peuvent que retarder la course au nucléaire menée par l’Iran, dans l’espoir que les lourdes sanctions économiques qui lui sont imposées fassent se soulever le peuple iranien contre la République Islamique avant que celle-ci n’ait atteint la capacité nucléaire militaire.

Les scénarios de guerre contre l’Iran

L’attaque israélienne :

Ce type d’intervention, qui est le plus souvent évoqué dans les médias, serait là encore un moyen pour retarder le programme nucléaire iranien (de 18 à 24 mois) mais pas pour le détruire dans son intégralité de façon irréversible, Israël n’ayant pas les moyens pour cela. Avec une flotte de 400 avions de combat, Israël a au moins la capacité de mener de mener 3 vagues d’assaut (voire plus) de cent appareil (F15I et F16I) afin d’abattre les avions intercepteurs ennemis, la DCA iranienne et au minimum d’endommager les 4 principaux sites nucléaires iraniens (Natanz, Arak, Bushehr et surtout Fordo). Pour cela Tsahal devrait emprunter l’une des trois routes d’accès à l’Iran (par la Turquie au nord, l’Arabie Saoudite au sud ou par le chemin le plus court, l’Irak). Au-delà des considérations diplomatiques, Tsahal peut aisément franchir toutes ces frontières grâce à un système de brouillage radar que seul Israël possède et qui a déjà fait ses preuves lors du bombardement des infrastructures nucléaires syriennes en 2007. Au-delà de sa seule force aérienne, Israël peut également compter sur ses missiles balistiques Jericho III. Plusieurs questions restent toutefois en suspens. Israël a-t-il la capacité de ravitaillement en vol de tels effectifs pour garantir une efficacité de frappe optimale ? Les livraisons américaines de ravitailleurs KC-135 se poursuivent pour y arriver le cas échéant. Au pire, Israël pourrait peut-être faire atterrir ses formations de combat sur les aérodromes de l’Azerbaïdjan avec qui les relations se sont fortement rapprochées ces dernières années. Au-delà du raid en lui-même, les destructions qu’infligeraient Israël seraient-elles suffisantes pour obtenir des résultats probants ? La fortification continue des sites nucléaires névralgiques iraniens, et notamment de la base cruciale de Fordo (site enterrée sous une montagne et renforcée de couches de béton armé), pourrait peut-être faire échec à de telles frappes. Cependant, Israël se fait livrer depuis plusieurs années des bombes anti-bunker penetrator  (GBU-27 et 28) pour tenter de résoudre ce problème. Les capacités de pénétration des bombes israéliennes seront-elles plus performantes que les fortifications iraniennes ? Israël sait de toute façon qu’il ne pourra mettre fin seul au programme nucléaire iranien. D’autant plus que l’Etat hébreu sera immédiatement confronté à la riposte du Hezbollah, ce qui donnera l’occasion à Israël de prendre la revanche sur le parti chiite que Tsahal attend depuis 2006.

Les trois options américaines

Les frappes ciblées américaines :

Menées selon les mêmes principes que des frappes israéliennes, la capacité de projection américaine et sa puissance de feu, permettraient de ne pas connaître les mêmes problèmes qui se posent à Israël avec des résultats beaucoup plus certains. Déployant leurs bombardiers stratégiques B1, B2, B52, leurs chasseurs furtifs F-22, leurs centaines de chasseurs conventionnels, leurs bombes GBU-57, plusieurs groupes aéronavals, les Etats-Unis après s’être assurés de la maîtrise du ciel et des côtes pourraient mener une campagne de bombardement sur plusieurs semaines qui détruirait le programme nucléaire iranien ou, à tout le moins, le retarderait de nombreuses années.

Un  « global strike » :

Mais les Etats-Unis pourraient ne pas vouloir s’arrêter seulement à la destruction du programme  nucléaire de l’Iran. Ils pourraient décider d’une attaque globale visant à détruire en plus des sites nucléaires, l’ensemble de l’armée de l’air, de la marine et des moyens lourds de l’armée de terre et des Gardiens de la révolution ainsi que leurs bases, les principales infrastructures énergétiques et voies de communication et les sites institutionnels gouvernementaux comme les palais, les ministères, les lieux de pouvoir locaux ainsi que de tenter une décapitation du régime par la mort du Président ou du Guide Suprême iranien. Cela impliquerait probablement en plus de l’utilisation des capacités de l’US Air Force ou de l’US Navy, le déploiement de nombreuses forces spéciales chargés de neutraliser les sites sensibles au sol tels la défense côtière ou anti-aérienne. En outre, après avoir substantiellement détruit la majorité des capacités offensives iraniennes, les Etats-Unis  pourraient décider de soutenir un groupe iranien au pouvoir en remplacement de l’ancien régime (comme avec l’Alliance du Nord en Afghanistan en 2001) qui verrait le nouveau régime iranien redevenir un allié de l’Amérique, comme avant 1979. Fort opportunément les Etats-Unis viennent de retirer la semaine dernière l’Organisation des Moudjahidines du Peuple Iranien de leur liste des groupes terroristes.

L’invasion américaine :

Hypothèse la moins probable actuellement, les Etats-Unis pourraient néanmoins devoir s’y résoudre le moment venu. A peine retirés d’Irak, cherchant à le faire le plus vite possible d’Afghanistan,  affaiblis économiquement, ayant une armée « fatiguée » par 11 ans de guerre, les Etats-Unis savent qu’ils ne doivent pas s’engager massivement au sol en Iran comme ils l’ont fait en Irak en 2003. Néanmoins, si les frappes aériennes et navales, les opérations spéciales et les tentatives de faire tomber le régime iranien ne suffisaient pas, les Américains pourraient se retrouver avec un gouvernement iranien passé dans la clandestinité, soutenu par un peuple iranien galvanisé, ne disposant plus de capacités offensives majeures mais pouvant néanmoins semer le chaos au Moyen-Orient par le biais de multiples attentats et le développement de guérillas dans toute la région. Les Etats-Unis se retrouveraient alors contraints de s’investir lourdement sur le sol iranien même pour éviter une déstabilisation de cette région pétrolifère stratégique. Au risque de se retrouver dans un piège d’une ampleur qu’ils n’ont plus connus depuis le Vietnam.

La riposte iranienne

Se préparer à la guerre :

Assurément avec les relativement faibles moyens dont il dispose, l’Iran ne pourra que ralentir une offensive américaine. Cependant l’armée iranienne est totalement prête pour ce combat et la détermination sous le feu ennemi compte tout autant que l’armement. Si les Iraniens savent que leur armée de l’air et leur DCA n’arrêtera pas les escadrilles ennemies (même si plusieurs avions seront probablement abattus) ils comptent obtenir des succès dans la défense du Golfe Persique à partir de leurs côtes. De nombreuses batteries de missiles anti-navires de conception russe (de type Sunburn et Silkworm) sont déployés sur les côtes (détroit d’Ormuz notamment) ; elles peuvent toucher tous les bâtiments américains déployés dans le Golfe (mais ceux-ci bénéficient du système anti-missiles Phalanx pour les contrer). En plus du minage du détroit d’Ormuz, la marine iranienne compte envoyer des unités navales « au contact ». Si la flotte de surface iranienne classique n’a aucune chance de succès face à la Ve flotte américaine, ces bâtiments peuvent aller s’écraser lors d’attaques kamikazes sur les bâtiments adverses. Les trois sous marins Kilo et les groupes de sous marins de poche que possède l’Iran peuvent engranger des résultats significatifs s’ils décident de « chasser en meute » et de se focaliser sur une cible unique. Enfin, l’Iran compte surtout sur les centaines d’embarcations légères rapides de type hors-bord des Gardiens de la Révolution. Ces vedettes possèdent des missiles antinavires C-802 chinois qui ont fait leur preuve au large du Liban en 2006 lorsque le Hezbollah toucha une frégate israélienne avec l’un d’entre eux. Par des attaques « swarming » (en essaim), ces centaines d’unités (éventuellement kamikazes) pourraient arriver à submerger les défenses d’un groupe aéronaval voire peut-être, couler un porte-avions. Si les Etats-Unis subissaient des pertes navales importantes dans le Golfe Persique (ce qui ne leur est pas arrivé depuis la Seconde guerre mondiale), nul doute que cela arriverait à galvaniser l’ensemble du peuple iranien, voire du monde musulman tout entier. Néanmoins de telles victoires tactiques n’amèneraient pas pour autant l’Iran à repousser une attaque américaine. La seule façon pour les Iraniens d’obtenir une non-défaite serait d’amener les troupes américaines à combattre au sol en espérant les enliser dans des bourbiers similaires au triangle sunnite irakien ou à la vallée afghane de Korengal. Depuis que les Etats-Unis se sont retirés d’Irak leurs bases les plus proches de l’Iran se trouvent de l’autre côté du Golfe Persique. Les Iraniens ne sont pas en capacité de réussir un débarquement sur les côtes arabes et leur seule possibilité serait de passer par le sud irakien pour atteindre le Koweït ce qui équivaudrait à un échec annoncé. La meilleure possibilité pour les Iraniens de forcer les Etats-Unis à combattre au sol serait d’aller porter la guerre en Afghanistan, là où les troupes américaines sont sur le départ, en nombre toujours plus faibles et principalement armées pour lutter contre une guérilla pachtoune légèrement armée. En lançant plusieurs centaines de milliers de soldats et de Gardiens de la Révolution, possédant des moyens antichars et antiaériens, dans le nord de l’Afghanistan (là où se trouve la minorité chiite et où les troupes américaines sont le moins présentes), l’Iran pourrait alors infliger une véritable surprise stratégique aux Etats-Unis. En attaquant avec de nombreuses troupes lourdement armées les Etats-Unis dans leurs bases du nord de l’Afghanistan, la guérilla talibane au sud et à l’est renforcerait ses attaques et les Etats-Unis seraient confrontés à faire le choix d’une retraite humiliante à la soviétique où au renforcement massif des troupes sur le sol afghan. Que ce soit en Afghanistan ou ailleurs, l’Iran a bien compris que sa meilleure chance réside dans une guerre asymétrique au sol obligeant les américains à une contre-insurrection longue et coûteuse en vies humaines autant qu’en argent, afin de pousser la population américaine à obliger son gouvernement à retirer ses troupes de la région.

Romain Sens

D’après la partie prospective de son mémoire de Master II « géostratégie de la menace iranienne » sous la direction de Walter Bruyère-Ostells.

Du Bouclier antimissile aux nouvelles relations américano-russes 2000-2011

1 Oct

La question de la défense anti-missile n’est pas un sujet nouveau. Il s’agit d’un projet relativement ancien qui remonte à la conception des premiers missiles V1 et V2 par l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, au lendemain de ce conflit et dès les premières tensions avec l’URSS, les Etats-Unis, forts d’une puissance économique, technologique, industrielle et militaire sans rivale, se lancèrent dans la course aux moyens de se protéger contre toute attaque menée à distance par un ennemi. En 1956, soit moins d’un an après le premier essai de missile intercontinental soviétique, ils démarraient une série d’ambitieux programmes visant à compléter leur « épée » nucléaire par une « carapace » ou plutôt un « bouclier » afin que leur territoire devienne totalement inviolable contre toute attaque nucléaire.

Or, du fait d’une ambition sans doute trop importante au regard des technologies disponibles à l’époque, des programmes comme le « BAMBI » (1956-1957) ou le « SENTINEL » (1967) ont longtemps joué en la défaveur du projet en détériorant sa crédibilité. Cette ambition démesurée a notamment alimenté l’idée selon laquelle le projet ne pouvait être l’objet que de rêverie et ne pouvait relever que de l’ordre du fantasme. L’annonce faite par le président Reagan au sujet du programme « IDS » ou « guerre des étoiles » en 1983 n’en a été que l’apothéose. Sauf que derrière le grand coup médiatique que fut la démarche du président Reagan, celui-ci s’est tout de même permis d’opérer en coulisse un ajustement de taille ; désormais, le projet n’aurait d’objet que la protection du territoire contre un nombre limité de missiles et surtout contre des missiles de conception rudimentaire. La portée symbolique du projet s’en trouvait renforcée alors que ses ambitions avaient été réévaluées de manière beaucoup plus cohérente.

Ce n’est qu’une fois l’effondrement de l’URSS constaté, la pleine confiance américaine retrouvée et l’hégémonie confirmée que les ambitions ont été à nouveau relevées. Désormais, sous l’impulsion présidents George Bush (Senior) et Bill Clinton, le projet ne devrait pas seulement servir à « sanctuariser » le territoire américain mais il devrait également être en mesure d’offrir une protection aux troupes américaines déployées à l’étranger ou en opération (projet de défense de théâtre « TMD ») et, à partir de l’année 2000, de protéger les alliés des Etats-Unis qui le souhaiteraient. A cet égard, et contrairement aux idées reçues, les mesures prises par l’administration Bush (Junior) après les attentats du 11 septembre 2001 s’inscrivirent dans la continuité des administrations précédentes. Seul choix véritablement opéré, une composante, la « troisième position », serait implantée sur le sol européen. La Pologne et la République Tchèque, symboles de ce que George W. Bush appelait la « jeune Europe » pour marquer la rupture avec la « vieille Europe » franco-allemande, furent choisies pour accueillir les éléments de la composante européenne (des intercepteurs en Pologne et un radar en République Tchèque).

Ainsi, à cause de cette « troisième position » américaine en Europe, la question du bouclier antimissile s’avèrerait sensible pour ce qui est des rapports entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie. En effet, même si en août 1990, le président Bush avait annoncé la fin de la guerre froide, persisteraient encore, plus de dix et même vingt ans après, des relents de cette rivalité politico-idéologique ou encore ce que Thomas Graham appelle des « stéréotypes » de la guerre froide. Certes l’URSS s’était effondrée, les Etats-Unis avaient triomphé et la lutte idéologique avait pratiquement cessé, une dissymétrie s’était tout de même logiquement creusée sur la scène des relations internationales entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie. Les premiers étaient les grands vainqueurs de la confrontation bipolaire indirecte. Dès lors, ils se sont comportés comme une puissance hégémonique dont le rôle de gendarme était nécessaire à la bonne santé du monde. Et c’est bien ce messianisme qui conduisit les Etats-Unis dans le travers de l’unilatéralisme. La Russie vécut quant à elle l’effondrement de l’URSS comme un véritable drame et les propos tenus par Vladimir Poutine selon qui ce fut « la plus grande catastrophe géopolitique du XXème siècle » n’ont fait que le rappeler. Humiliée, elle a d’abord cherché à rentrer dans le rang avant de reconquérir une notoriété et un respect sur la scène internationale en usant parfois de méthodes agressives.

En réalité, la sensibilité du dossier du bouclier antimissile n’était en rien technique ou militaire dans le sens où le bouclier déployé par les Etats-Unis en Europe et même dans le monde serait totalement inefficace contre la technologie nucléaire russe. En aucune manière la Fédération de Russie n’aurait perdu sa force de première frappe ou sa capacité de représailles par des frappes nucléaires. Plus exactement, cette sensibilité était donc politique car il est vrai que le contexte dans lequel l’idée d’installer un bouclier antimissile en Europe centrale s’est individualisée, a favorisé et même amplifié les craintes russes. Cette sensibilité était aussi géopolitique parce que la présence américaine dans ce que la Fédération de Russie persiste à considérer comme sa sphère d’influence privilégiée (son « étranger proche ») a alimenté les craintes du Kremlin au sujet d’un potentiel et progressif mouvement d’encerclement par les Etats-Unis et par l’OTAN. Laisser les Etats-Unis et qui plus est l’OTAN s’installer en Pologne et en République Tchèque aurait été, aux yeux de Moscou, leur laisser les mains libres en Europe. Ainsi, entre 2008 et 2009, alors que Vladimir Poutine et George W. Bush quittèrent leurs fonctions respectives pour laisser place à une nouvelle génération de dirigeants (Dimitri Medvedev et Barack Obama), les tensions étaient culminantes, surtout après l’épisode de la guerre de Géorgie en août 2008.

L’objet ici est donc double. D’abord, il s’agit d’analyser pourquoi Barack Obama en est venu à décider de modifier le projet de bouclier antimissile. Ensuite, il est intéressant de comprendre comment, à partir de ces ajustements techniques et géographiques, Barack Obama est parvenu à faire de sa modification (qui correspond plus sur le terrain à un renforcement des dispositifs) du projet une arme diplomatique qu’il pourrait manipuler afin d’obtenir des concessions de la part de la Fédération de Russie dans d’autres dossiers. Car si le bouclier antimissile n’était pas le dossier majeur de sa politique étrangère de la « main tendue », il n’en était pas non plus un projet mineur. Plus qu’améliorer les relations bilatérales (« Great bargain »), il permettrait également d’ouvrir les portes d’une meilleure progression des discussions sur le désarmement (nouveau traité START), la non-prolifération (question iranienne et nord-coréenne) et faciliterait l’accélération du virage asiatique opéré par les Etats-Unis.

Tout en dressant un bilan des évolutions de ces dossiers et de ces relations bilatérales, c’est l’occasion d’en évaluer les perspectives majeures. En effet, la démarche de Barack Obama jouit et souffre à la fois de son pragmatisme. Elle en jouit car en matière de coopération économique, les deux pays ont tout à y gagner (la Fédération de Russie a enfin pu adhérer à l’OMC) mais elle en pâtit car elle ne lui octroie qu’un socle de certitudes relativement fragiles. La coopération entre l’OTAN et la Fédération de Russie en matière de défense antimissile est un terrain ambitieux mais encore trop jonché d’obstacles. Et il est certain qu’en cas d’insatisfaction à l’égard des propositions otaniennes, la Fédération de Russie n’hésitera pas à retomber dans sa posture de contestation systématique. De même, l’évolution de ces relations américano-russes tient  réélection de Barack Obama?

Quoi qu’il en soit, plus 2014 approche, plus la question des modalités du retrait occidental d’Afghanistan se fait pressante et plus la Fédération de Russie a de cartes en main pour négocier des dossiers tels que celui de la défense antimissile.

Benjamin Bord, diplômé de Sciences Po Aix et élève-moniteur du Master II en 2011-2012, auteur de Du Bouclier antimissile aux nouvelles relations américano-russes 2000-2011, Editions L’Harmattan, 2012, 209p.

Des mercenaires des mers aux ESSD : les suites à apporter au rapport Ménard/Viollet

1 Oct

L’année 2011 s’est caractérisée par la prolifération et l’aggravation des actes de piraterie dans certaines zones maritimes de transit, plus particulièrement dans l’océan indien. Le 14 février 2012 les députés Ménard (UMP) et Viollet (PS) ont présenté à l’Assemblée nationale un rapport d’information sur les « Sociétés Militaires Privées » dans lequel ils proposent, entre autres choses, la légalisation de l’embarquement de gardes privés sur les navires marchands battant pavillon français. L’objectif est d’en assurer la sécurité contre des attaques de pirates. Ce choix est autant une question politique qu’économique et sécuritaire. Décriés il y a quelques années par l’ensemble des professionnels du secteur maritime, les gardes privés sont aujourd’hui réclamés avec insistance par les assureurs et les armateurs. De nombreuses nations ont déjà pris la décision d’autoriser l’embarquement de gardes privés sur les navires battant pavillon nationale, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni entre autres.
Le déploiement de forces étatiques internationales dans le monde, notamment l’opération ATALANTA dans l’océan Indien, n’ont pas réussi à endiguer le phénomène de la piraterie moderne ; aussi les observateurs sont-ils unanimes pour considérer que de nouvelles solutions doivent être trouvées dans le cadre privé. L’Etat a déjà choisi par le passé de faire appel à des compétences privées sur mer lorsque la marine, royale ou nationale, ne disposait pas de suffisamment de moyens pour accomplir ses missions. Dès le XIIe siècle Philippe Auguste fait appel à des entrepreneurs privés, des armateurs possédant un ou plusieurs navires avec des équipages expérimentés qu’on appelle « corsaires », dans le but de mener une guerre dite « de course ». Celle-ci fonctionne pleinement aux XVII et XVIIIe siècle avant de sembler disparaître en 1856. Le traité de Paris marque la reconnaissance internationale de l’interdiction de la guerre de course. Pour autant, elle ne sera jamais ratifiée par les Etats Unis.
Ceci amène à s’interroger sur ce qu’est juridiquement un acte de piraterie. Il a été défini par l’article 101 de la Convention de Montego Bay. Le Bureau Maritime International conçoit l’acte de piraterie comme : « tout acte d’abordage contre un navire avec l’intention de commettre un vol ou tout autre crime et avec la capacité d’utiliser la force pour l’accomplissement de l’acte ». En réalité, les définitions ne manquent pas pour qualifier l’acte de piraterie ; ce flou juridique contribue grandement à l’incapacité étatique de lutter efficacement contre celui ci. L’OMI a recensé 544 actes de piraterie en 2011 soit 11,4% de plus que l’année précédente.

Les termes ne manquent pas non plus pour désigner ces sociétés qui travaillent dans le sillage des armées et ce problème étymologique n’est pas sans conséquence sur le traitement de la question en France. Aussi, après réflexion, le gouvernement a retenu la notion d’Entreprises de Services de Sécurité et de Défense (ESSD), notion qui semble moins large que celui de Sociétés Militaires Privées (SMP) et qui regroupe les entreprises qui assurent : « Un ensemble de prestations nombreuses mais cohérentes, allant du service de sécurité classique aux convois logistiques, en passant par la fourniture de repas sur des bases ou encore la formation de militaires étrangers. Si ces activités relèvent de métiers différents, elles ont en commun de se situer à la périphérie de ce qui fait l’essence du régalien. »
En définitif, une ESSD est une entreprise commerciale assurant des prestations autour de la sécurité, sans empiéter sur le domaine régalien mais en le complétant en cas de lacunes ou d’insuffisances de l’Etat. Ces sociétés peuvent jouer un rôle dans la sécurité internationale. En effet, comme le note le rapport Menard/Viollet, les opérations de maintien de la paix représentent un marché potentiel pour les ESSD. Les critiques sont nombreuses sur les opérations menées par l’ONU dans le cadre du maintien de la paix. Plusieurs sociétés anglo-saxonnes telles ICI, Eagle Aviation Services and Technologies, Specialist Gurkha Services ont déjà conclu avec l’ONU des contrats ponctuels.
La sécurisation des espaces maritimes touchés par la piraterie peut-elle être confiée à des entreprises privées dotées d’un mandat de l’ONU les reconnaissant formellement comme des acteurs de la sécurité internationale ? C’est la question que posent MM Ménard et Viollet. Le rôle joué par ces sociétés peut-il dépasser le marché de la sécurité ? Peuvent-elles devenir des acteurs de la sécurité internationale ? Ultime développement de la sécurité maritime, certaines sociétés de sécurité décident actuellement d’acquérir des navires afin d’escorter les bateaux de commerce en convoi, notamment dans l’océan indien. La société française RVR international, cabinet en conseil et sûreté maritimes, a ainsi poussé deux sociétés de sécurité à faire l’acquisition de navires à vocation militaire destinés au démembrement dans le but de sécuriser les routes commerciales passant dans le secteur de l’océan indien.
Un nouveau programme nommé « Convoy Escort Program » va bientôt voir le jour sous l’égide du courtier londonien Jardine Lloyd Thompson. Il sera dirigé par Sean Woollerson ; plus d’une douzaine d’embarcations menées par d’anciens militaires auront pour mission d’accompagner des convois de navires marchands dans les zones à risques. Les détails ne sont pas encore clairement connus mais l’opération doit se mettre en place dans le cadre d’un partenariat public/privé.
Si ces sociétés ne cessent de se développer c’est que la demande n’a jamais été aussi forte. Tous les professionnels du secteur maritime s’entendent pour prendre à témoin l’Etat sur ses propres limites et la nécessité d’une légalisation de la protection maritime par des agents embarqués sur des navires battant pavillon français.
C’est ainsi qu’Armateurs de France peut déclarer dans son rapport annuel sur l’activité 2011 : « Armateurs de France reste, plus que jamais, attaché à la primauté du régalien et au soutien de la Marine nationale. Mais l’augmentation constante des besoins de protection (nombre de navires, durée et multiplicité des lieux d’embarquement et de débarquement des personnels militaires), conjuguée à la mobilisation des soldats français sur de nombreux autres théâtres d’intervention, contraignent les armateurs à rechercher d’autres moyens pour faire naviguer leurs équipages en sécurité. Ainsi, lorsque la Marine nationale a expressément signifié son impossibilité à répondre à leur demande, les armateurs peuvent accepter d’envisager le recours à des personnels privés de sécurité, mais souhaitent pour cela un cadre juridique sûr. » Il ne reste plus guère que l’association française des capitaines de navires pour s’y opposer, l’Organisation Maritime Internationale gardant pour sa part un silence emprunt de prudence.

Néanmoins ces sociétés ne sont pas de simples entreprises commerciales comme les autres. Le fond de leur activité implique une surveillance particulière de l’Etat sur elles. Ces dernières années, différentes approches ont émergé, des « systèmes » se sont mis en place dans les différents pays intéressés par la question. La position juridique française sur le sujet des ESSD est peu claire. Aucune loi n’interdit actuellement la création de telles entreprises mas l’Etat ne les reconnaît pas non plus. Aussi des ESSD françaises existent déjà, telles Risk control, EPEE ou encore Secret. Certaines agissent déjà dans le secteur maritime comme Surtymar et RVR International.
L’évolution de la législation est possible selon deux options différentes :
- ajouter à la loi de 1983 sur la sécurité privée un nouveau titre qui cible les activités des ESSD. Cette option ne semble pas viable au regard de la complexité de la question des ESSD ;
- adopter une nouvelle loi spécifique aux ESSD. Cette solution semble être la meilleure option.

Avant d’en arriver à une loi un grand nombre de problèmes spécifiques aux ESSD maritimes devront être débattus, des problèmes humains comme la vie de l’équipe de gardes embarqués sur le navire ou d’autres plus juridiques comme le commandement de l’ouverture du tir. Devra-t-il échoir au capitaine jusqu’ici seul maître à bord ? A l’armateur ? L’obéissance de personnels extérieurs au capitaine sera-t-elle bien mise en œuvre ? Le chemin est encore long en France avant d’aboutir à une loi permettant et encadrant l’embarquement de gardes privés sur les navires de commerce battant pavillon français.
Avant le changement de majorité présidentielle, on se dirigeait vers la mise en place d’ESSD. Comme le notait alors le cabinet militaire du ministre de la Défense, la licéité de ce type de compagnie doit être sujette à l’obtention d’un agrément délivré par l’administration via un décret passé en conseil d’Etat. Les ESSD deviendraient des agents collaborateurs de l’autorité publique. A ce titre les ESSD maritimes devront satisfaire à des conditions de moralité et d’aptitudes professionnelles des dirigeants et des salariés. Les professionnels réfléchissent également au renforcement de l’ « autoprotection » des navires. Des entreprises comme IMSN proposent déjà de tels systèmes de défense. IMSN décrit ainsi son « bouclier de défense anti-pirate comme « The Triton Shield Anti-Piracy System (pat. pending) was developed as a multi-layered defense package designed to DETECT, DETER, and DEFEND against piracy on the high seas. The system incorporates several IMSN services which include training, education, technological deterrents, IMSN Force Protection teams, and the originally-designed, custom-made, non-lethal, Triton Shield Device. » (voir le site américain de la société IMSN)

Le bouclier Triton se développe en réalité autour de 3 segments :
- La formation des membres de l’équipage à détecter et évaluer des menaces potentielles.
- IMSN fournit également des moyens de haute technologie visant à détecter les navires dans un périmètre d’un mile autour du bateau, le système Triton étant équipé d’un appareil photo numérique spécialisé permettant de faire la différence entre un bateau de pêche et un skiff de pirates.
- L’adaptation d’un dispositif de dissuasion active autour du périmètre du navire. Ce dispositif de dissuasion regroupe des éléments assez hétéroclites comme l’a expliqué Bernard Dreyer le liquide anesthésiant est une option intéressante. En effet certains navires équipés par le « Triton shield » d’IMSN se sont vus dotés de bouches qui projettent un liquide sur la coque du navire endormant ceux qui tenteraient de l’aborder de manière illégale.
-Enfin, le bouclier peut être complété par une équipe de protection privée embarqué sur le navire.
En attendant la large exploitation de ces différentes voies, la lutte contre la piraterie est plus que jamais un sujet d’actualité en France. Le commandement de l’opération européenne de lutte contre la piraterie baptisée « ATALANTE » a été de nouveau entre des mains françaises entre le 6 avril et le 6 septembre 2012. C’est également le temps des procès, après le jugement des pirates du voilier Carré d’as en novembre 2011, c’est autour des très médiatiques pirates du Ponant d’être jugés à partir du 22 mai par la Cour d’assises de Paris.
Ces éléments attirent à nouveau l’attention de l’opinion publique française sur les risques suscités par un défaut de sécurité dans certaines zones de transits maritimes à l’image du Golfe d’Aden ainsi que les solutions à apporter c’est ainsi que le journal Le Monde dans un article du Mardi 22 mai 2012 dresse le portrait suivant des bâtiments qui transitent dans ces zones : « Les navires qui cinglent dans ces parages sont devenus des forteresses flottantes. Le pont est protégé par des barbelés, des barrières électriques ou des canons à eau ou a vapeur. Des caméras de surveillance et des radars préviennent les intrusions. De nombreux navires sont également équipés de « citadelles », des sortes de Bunker ou l’équipage s’enferme et peut continuer de mener le navire à l’abri des balles. De plus en plus d’armateurs embauchent des escortes armées. Même si la présence de mercenaires à bord est souvent niée, il est estimé que plus de la moitié des navires y ont recours… ». Le recours à l’appellation de « mercenaire » n’est pas anodin, les médias restent figés sur le modèle des produits de la Françafrique tels Bob Denard, n’imaginant pas que les hommes à bord risquent leurs vies contre un salaire versé par une entreprise dûment accréditée par l’Etat dont elle a la nationalité.
La France ne pourra pas toujours s’opposer à de telles activités, dans une société ou l’on ne peut penser qu’au niveau communautaire voire mondial. La décision doit demeurer collégiale. Alors que de nombreux partenaires de la France ont déjà pris leur décision tels l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni ou les Etats Unis et peut être même bientôt la Suisse, l’hexagone ne peut se tenir bien longtemps or du champ d’action des ESSD et le débat doit s’actualiser comme l’entend Philippe Chapleau lors de notre entretien sur le sujet : « Le débat ne doit pas porter sur la question de l’embarquement de ces équipes mais sur le contrôle que doivent exiger les armateurs et les gouvernements autant sur leurs propres soldats que sur les privés. La question des armes à bord des bateaux est une tarte la crème parce que plus personne ne s’étonne/s’inquiète de l’armement des convoyeurs de fonds sur l’espace public. »

Pascal Madonna
D’après son mémoire de Master II (2012) sous la direction de Walter Bruyère-Ostells

Edito

1 Oct

Le Master II d’Histoire militaire comparée, Géostratégie, Défense et Sécurité rejoint la blogosphère. Il s’agit d’abord d’offrir ici une vitrine aux étudiants qui intègrent cette formation offerte par Sciences Po Aix. Les étudiants pourront faire leurs premières armes dans de courtes analyses géopolitiques, géostratégiques ou d’études de défense. Leur point de vue pourra être le résultat de réflexions personnelles au gré de l’actualité et de leurs centres d’intérêt ou la restitution de leur travail de mémoire de Master II. Il s’agira parfois d’un résumé de l’ensemble de ce travail ou parfois d’un éclairage sur une partie jugée particulièrement stimulante de ce même travail effectué dans le cadre de la formation. Malgré des mémoires de recherche souvent de bonne qualité, parfois primés dans le cadre d’institutions nationales (IHEDN ou autres), ces textes sont, en effet, peu lus et insuffisamment mis en valeur. Etudes géostratégiques se donne donc pour principal objectif de leur offrir un surcroît de visibilité.

Le blog se destine également à créer des liens entre les différentes promotions par l’échange de vues sur un sujet donné, par la mise en ligne de résumés illustrés de photographies des visites de sites militaires effectuées dans le cadre de la formation et qui changent chaque année.  La même démarche sera adoptée pour rendre compte des conférences offertes à Sciences Po dans les domaines de l’histoire militaire, de la géopolitique et de la défense, à commencer par la demi-journée « marine » institutionnalisée chaque année.

Etudes géostratégiques sera également un outil pour rendre compte de lectures en rapport avec l’Histoire militaire. Pour cela, de nombreux renvois seront proposés vers le site de Rémy Porte, chercheur associé au CHERPA (Croyance, Histoire, Espace, Régulation Politique et Administrative, laboratoire de recherche pluridisciplinaire de Sciences Po Aix) et animateur de l’excellent blog d’Histoire militaire guerres-et-conflits. D’autres comptes-rendus seront directement mis en ligne sur Etudes géostratégiques : en Histoire si jamais certains ouvrages jugés stimulants avaient échappé à la sagacité de Rémy Porte ou en géopolitique.

Walter Bruyère-Ostells

Etudes géostratégiques est plus particulièrement animé par Walter Bruyère-Ostells et l’élève moniteur du Master II, diplômé de Sciences Po Aix, Maxime Pour. L’équipe enseignante du Master II de Sciences Po Aix est beaucoup plus large :

Enseignants-chercheurs :

-         Jean-Charles Jauffret

Professeur des Universités titulaire de la chaire d’Histoire de la défense à Sciences Po Aix, directeur du master II. Auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de l’armée française depuis la IIIe République, et notamment de la guerre d’Algérie, il poursuit actuellement des recherches sur la guerre d’Afghanistan (Autrement, 2010).

-         Walter Bruyère-Ostells

Maître de conférences en histoire contemporaine à l’IEP d’Aix et enseignant à l’Ecole du commissariat de l’armée de l’Air, W. Bruyère-Ostells est spécialiste d’histoire militaire du premier XIXe siècle  (du Premier au Second Empire). Il poursuit actuellement des recherches sur le mercenariat depuis les années 1960 (Tallandier, 2011).

Chercheurs en Histoire associés du CHERPA :

-         Dalila Aït El Djoudi

Docteur en Histoire, enseignante en lycée à Toulon, elle est spécialiste de la guerre d’Algérie.

-         - Patrice Gourdin

Docteur en Histoire et auteur de Géopolitiques, manuel pratique (Choiseul, 2010), il enseigne la géopolitique à l’Ecole de l’Air de Salon-de-Provence. Il s’est récemment penché sur la géopolitique de la Libye, la montée de la Chine et les nouvelles formes de guerre depuis la fin de la guerre froide

-         Frédéric Médard

Docteur en Histoire, officier supérieur de l’armée de Terre, il est spécialiste de l’histoire de l’armée française contemporaine, il a notamment publié Le prisonnier en 14-18. Acteurs méconnus de la Grande Guerre (Soteca, 2010).

-         Romain Petit

Officier de l’armée de l’Air, docteur en histoire, il sert actuellement au sein du bureau pilotage de l’état-major de l’armée de l’air (EMAA). Il prépare un ouvrage sur le spatial et la Défense en Guyane.

-         Rémy Porte

Officier supérieur de l’armée de Terre et docteur HDR en Histoire, R. Porte s’est spécialisé sur les opérations des IIIe et IVe Républiques. Il a notamment publié de nombreux ouvrages sur la Grande Guerre (Les secrets de la Grande Guerre, Vuibert, 2012). Ancien chef de la division Etudes et Recherches du Service historique de la défense, il commande actuellement le bureau Recherche de la division « Retour d’expériences » du Centre de Doctrine et d’Emploi des forces et anime le blog guerres-et-conflits.

 

Intervenants dans les séminaires du Master II :

-         Pierre Barthélémy

Ingénieur de recherche au CNRS (Institut de mathématiques de Lumigny) et officier supérieur de réserve de la Marine, il est notamment spécialiste de cryptographie.

-         Michel Foudriat

Officier général de l’armée de Terre, directeur des études de la FMES, il traite dans le Master II de l’engagement opérationnel des hélicoptères français. 

-         Jacques Maïsetti

Officier général de l’armée de Terre. Breveté de l’Ecole Supérieure de Guerre, il est directeur des études de la prospective de la fonction Commandement et SIC (système d’information et de communication), officier de cohérence état-major, en charge des programmes des systèmes de commandement des forces.

-         Alexandre Met-Domestici

Maître de conférences en droit public à Sciences Po Aix, spécialiste de droit communautaire, droit public et contentieux public, ses recherches portent notamment sur la lutte contre le blanchiment d’argent en droit communautaire.

-         Eric Nicot :

Ancien officier supérieur de l’armée de l’Air, breveté de l’Ecole de guerre allemande, diplômé en outre de l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris et de l’Institut d’études politiques d’Aix en Provence, il est aujourd’hui officier de réserve chargé de mission à l’IEP d’Aix. Spécialiste des questions géostratégiques dans la sphère d’influence russe, il présente dans le cadre du Master II l’organisation de la Défense française.

-         Jean-Michel Raimondo

Officier supérieur de l’armée de l’Air, adjoint au Directeur du Groupement des Ecoles d’Administration de l’Armée de l’Air de Salon-de-Provence (GEAAA), le commandant Raimondo enseign

-         Dorota Richard

Docteur en Sciences Politiques et Relations Internationales, spécialiste de l’OTAN, elle enseigne l’histoire de l’Europe de la Défense.

-         Riccioli Jean-Louis

Officier supérieur de l’armée de Terre, docteur en Histoire, diplômé de l’Ecole du Patrimoine, conservateur en chef du musée de l’Emperi à Salon-de-Provence, il est spécialiste de l’histoire du génie. Il enseigne les « petites guerres » en Master II.

-         Jean Sassot

Officier supérieur de gendarmerie, il aborde en Master II les questions de sécurité et de renseignement.

 

Études Géostratégiques

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

Latin America Watch

Latin America Watch est un blog de veille et d’analyse de la situation des pays d’Amérique Latine.

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

Diploweb.com, revue geopolitique, articles, cartes, relations internationales

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

Foreign Affairs

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

CFR.org -

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

Historicoblog (3)

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

Lignes de défense

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

Guerres-et-conflits

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

La voie de l'épée

Master II Histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité. Sciences Po Aix

Suivre

Recevez les nouvelles publications par mail.

Rejoignez 173 autres abonnés